BP vient de publier son 2019 Energy Outlook for 2040 dont nous tirons ces graphiques.
Retenons le scénario réaliste « ET » Evolving transition (courbe verte) jusqu’en 2040.
Ce n’est pas demain que le charbon va être abandonné sur Terre, tout particulièrement pour la production d’électricité. Les réserves dépassent les 1’000 Gt, soit mille milliards de tonnes. En regard, la consommation mondiale actuelle de charbon est « seulement » de l’ordre de 5,3 Gt par an, ce qui correspond à une énergie de 3,7 Gtep ou 155 EJ par an, dont la majeure partie permet de produire près de 10’000 TWh(él.) (soit 10’000 milliards de kWh d’électricité) par an, soit 38% de l’électricité mondiale.
L’Allemagne, souvent citée ici en « exemple », a encore plus de 36 Gt de lignite en réserve en subsurface ; même si elle va abandonner ses rares mines d’anthracite (qu’elle importe surtout !) qui ne sont plus rentables, ses centrales électriques à charbon continuent de consommer bon an mal an 100 Mt qui lui permettent de produire 230 TWh(él.), soit encore 35% de son électricité.
On peut tirer toutes sortes de « plans sur la comète » pour les diverses sources renouvelables, mais il faut bien être conscient que la demande mondiale en énergie va inéluctablement passer des 13,5 Gtep (570 EJ) actuels à au moins 18 Gtep (756 EJ) en 2040, soit un accroissement de 33%. Les sources renouvelables représentent actuellement l’équivalent de 1,5 Gtep (63 EJ) et pourraient atteindre 4 Gtep (170 EJ) d’ici 2040. Le pétrole passera de 4,5 à 4,9 Gtep, le gaz de 3,2 à 4,6 Gtep, le charbon restera proche de 3,6 Gtep, le nucléaire passera de 0,6 à 0,8 Gtep ; l’ensemble des fossiles qui représentent actuellement 84% de la demande énergétique mondiale (11,4 Gtep ou 476 EJ) sera encore de 73% en 2040 (13,1 Gtep ou 552 EJ), donc croîtra encore en valeur absolue de 1,7 Gtep (soit +15%) !
Il faudra patienter et tenir le coup avec ces agents fossiles probablement encore quelques décennies, au-delà de 2050, pour que la fusion nucléaire vienne à la rescousse. Cette perspective permet de donner ici un petit calcul intéressant avec un résultat inattendu.
Pour mémoire, l’abondance du deutérium dans la croûte terrestre est de 155 ppm. Il est surtout abondant dans l’eau sous forme de HOD (eau semi-lourde) ‒ et très peu sous forme D²O (eau lourde) ‒, avec une abondance de 312,5 ppm (= 0,03125%), soit exactement une molécule d’eau semi-lourde sur 3’200 molécules d’eau.
Dans le Lac Léman (89 km³ = 89 milliards de m³) il y a donc près de 27,8 millions de m³ d’eau semi-lourde, soit autant de tonnes, ce qui (sachant que le rapport D/HOD = 2/19) correspond à 2,93 millions de tonnes de deutérium.
La réaction de fusion nucléaire, telle qu’il est prévu de la réaliser sur Terre par la réaction D + T → He (deutérium + tritium → hélium), libère une énergie de 17,6 MeV par réaction élémentaire, soit 90 MWh(th.) ou 35 MWh(él.) par gramme de mélange D + T (0,4 g D + 0,6 g T), soit aussi 225 MWh(th.) ou finalement 87,5 MWh(él.) par gramme de D. Le deutérium du seul Lac Léman permettrait donc de produire quelque 256,4 millions de TWh(él).
Sachant que l’actuelle demande mondiale d’électricité est de 26’000 TWh par an, il y aurait donc assez de deutérium dans le seul Lac Léman pour assurer près de 10’000 ans de consommation mondiale actuelle…
Il est donc impératif de savoir si le prototype ITER, en construction à Cadarache en France, va permettre de prouver la faisabilité de la fusion contrôlée sur Terre.
Si oui, on saura alors que l’on pourra se passer de tout le reste…