Le site PowerShift a publié un article sous le titre « Les batteries LFP s’affirment comme le maillon fort de la transition énergétique ». Nous y avons déposé un commentaire que nous reproduisons ci-dessous :
Une information que j’aurais aimé trouver est celle de la densité massique d’énergie (ou énergie spécifique) des batteries, critère important pour les véhicules électriques (VEL).
Pour les batteries LFP on arrive actuellement à 0,2 kWh/kg, ce qui signifie qu’une batterie de voiture électrique de 80 kWh de capacité a une masse d’au moins 400 kg. On arrivera peut-être demain à 0,3 kWh/kg, ce qui représente encore 267 kg.
Tout cela pour une autonomie de 420 à 500 km avec une consommation spécifique de 16 à 19 kWh/100 km.
En comparaison, un plein d’essence de 50 à 60 L ne représente que 36 à 43 kg pour une autonomie bien supérieure.
Je crois que la batterie reste encore justement le point faible des VEL. Une Tesla a au moins 0,5 tonne de batteries pour un poids total de 1,8 tonne.
L’avenir des VEL, selon moi, sera fondé non plus sur les batteries (trop massives, trop lentement rechargeables et à nombre de cycles trop limité), mais sur les piles à combustible qui généreront « in situ » l’électricité nécessaire à l’alimentation du ou des 4 moteurs électriques. Le carburant sera un vecteur d’hydrogène sous forme liquide (générant l’hydrogène par « cracking »), donc un composé chimique de synthèse (hydrocarbure synthétique, ou autre dérivé hydrogéné, comme, par exemple, le méthanol, le cyclohexane, l’acide formique…) stockable sous forme liquide classique, tout comme l’essence habituelle, et facilement transférable pour un plein en 3 minutes et ne représentant pas plus de 50 kg à transporter.
Bien entendu, et là je rejoins M. Perret, il n’en est pas de même pour les applications stationnaires pour le stockage domestique ou industriel d’électricité d’origine photovoltaïque, où le poids des batteries ne joue quasiment pas de rôle. Les batteries sont la solution idéale et efficace pour le stockage jour/nuit.
La grave question, par contre, est celle du stockage saisonnier (de l’été sur l’hiver à partir d’un excès de production photovoltaïque estival, par exemple), sachant que la Suisse devra trouver 10 à 20 TWh de plus d’électricité durant le semestre d’hiver d’ici 2050 qu’il sera difficile, voire impossible d’importer, malgré tout accord avec l’UE.
Il faut bien se figurer que ces dizaines de milliards de kWh représenteraient au moins 2,5 à 5 millions de tonnes de lithium (seulement pour la Suisse !), avec une densité massique d’énergie théorique (de loin non encore atteinte…) de 4 kWh/kg de lithium pour de futures batteries lithium-air, par exemple, les plus denses possibles qui soient en kWh/kg.
En regard, et pour être complet, il faut savoir que le marché mondial annuel du lithium est actuellement de 0,2 million de tonnes avec des réserves mondiales prouvées de 30 millions de tonnes et des ressources probables de près 120 millions de tonnes. La Suisse aurait besoin de l’équivalent de 12,5 à 25 fois le marché mondial annuel actuel à elle seule…
D’autre part, et pour continuer avec quelques chiffres étonnants, un stockage saisonnier (du style P2G2P, « power to gas to power ») sous forme de dihydrogène, H2, comprimé, obtenu par électrolyse en été (nécessitant près de 50 kWh/kg H2), et utilisable en hiver avec des piles à combustible ou des turbines thermiques (avec un rendement total de la chaîne de seulement 28%), représenterait une masse de 0,72 à 1,44 millions de tonnes (car il faudrait partir de 36 à 71 TWh en été pour n’en obtenir « que » 10 à 20 TWh en hiver !).
Si ce H2 est comprimé à 200 bars (soit 15 kg H2/m³), cela ferait un volume de 48 à 96 millions de m³. En comparaison, le volume excavé total du tunnel de base du Gotthard est de 8,2 millions de m³. Il faudrait excaver des cavernes de 6 à 12 fois ce volume pour en assurer le stockage…
Tels sont les chiffres dont il faut être conscients quand on envisage un stockage saisonnier.
Christophe de Reyff

L’hydrogène comme stockage saisonnier des surplus solaires de l’été est tout à fait sensé, mais son utilisation pour la mobilité individuelle apporte peu d’avantages :
L’utilisation de l’hydrogène pour le stockage saisonnier est donc une bonne chose, pour l’industrie et les transports lourds à longue distance également, mais pas pour le transport individuel.
J’ajouterais que des batteries stationnaires dans le résidentiel pour le stockage à court terme (du jour à la nuit) d’électricité photovoltaïque est une solution très efficace qui contribuera à stabiliser le réseau électrique.
Certes les voitures avec PAC ont une batterie, mais seulement une petite batterie-tampon, dont le poids n’a rien à voir avec les centaines de kilogrammes d’une batterie de stockage. Les PAC sont de petits appareils dont le poids lui non plus n’a rien de commun avec celui d’une batterie.
Quant au stockage saisonnier par le dihydrogène, vous aurez lu les masses et volumes importants mis en jeu pour stocker des TWh de l’été sur l’hiver par ce moyen.
Je ne crois pas qu’on puisse dire qu’une recharge électrique qui dure toujours bien plus des 3 minutes d’un plein classique et qu’un nombre limité de cycles soient le signe d’une « performance » satisfaisante.
Votre dernier paragraphe confirme exactement ce que j’ai écrit.
Une étude du marché actuel des véhicules à PAC montre qu’elles sont plus chères et aussi lourdes que des véhicules électriques équivalents : la pile à combustible de la Toyota Mirai pèse environ 60 kg et son réservoir près de 90 kg, auquel on doit ajouter environ 50 kg pour la petite batterie. Le gain de masse n’est donc pas aussi important qu’il n’en a l’air.
La question de la durée de la recharge est de moins en moins pertinente : s’arrêter 15 à 30 minutes (suivant le modèle) toutes les 2 ou 3 heures de route ne pose pas de problème puisque tout conducteur prudent s’astreint à des pauses régulières lors des longs trajets.
Les batteries actuelles ont des durées de vie supérieures à 300’000 km, ce qui excède la moyenne des véhicules à essence.
Encore une fois, je ne suis pas contre l’hydrogène, mais vouloir l’imposer comme solution unique dans le domaine de la mobilité, en particulier pour les véhicules privés, est un non sens.
Je n’ai pas parlé de réservoirs de H2 embarqués dans des VEL, qui seraient de lourdes bouteilles renforcées pour soutenir des pressions de 200 à 350 bars, mais de simples réservoirs de liquides, comme vecteurs chimiques de H2, d’environ 40 kg, comme actuellement. Le gain de masse reste manifeste. De plus, devoir faire des recharges partielles d’un quart d’heure toutes les 2 heures n’est pas encore une « performance ».
La vraie question qui se pose est celle du rendement total de la chaîne P2G2P en passant par un intermédiaire liquide de synthèse. Des progrès sont encore à réaliser, bien sûr. En attendant, je suis d’accord, les batteries font l’affaire, mais ne sont pas l’avenir dans la mobilité électrique qui devra passer par bien moins de masse embarquée et par une rapidité incontournable de recharge, donc ici de plein de liquide.
On peut également indiquer qu’une Toyota Mirai consomme 0,9 kg de H2 aux 100 km, ce qui correspond à la consommation d’environ 40 à 50 kWh d’électricité lors de l’électrolyse et la liquéfaction, sans compter le transport, soit jusqu’à 3 fois plus qu’un véhicule électrique performant, même en comptant les pertes lors de la charge de la batterie…
Je le répète une fois encore : dans la comparaison faite ici entre VEL à batteries et VEL à PAC, il est hors de question d’envisager un stockage de dihydrogène embarqué soit sous forme liquide (dans des vases Dewar), soit sous forme de gaz comprimé à 200 ou 350 bars dans des cylindres massifs, mais bien d’un liquide de synthèse comme vecteur d’hydrogène, par exemple, 43 kg de méthanol, soit 54 L, qui contient 5,4 kg d’hydrogène, équivalent à une autonomie de 600 km. Je le souligne une fois encore, c’est un liquide avec un plein facile et un poids réduit.
Concernant le stockage saisonnier de l’électricité sous forme de dihydrogène par la voie G2P2G (avec 28% de rendement sur toute la chaîne), j’ai aussi pris 50 kWh pour l’électrolyse et le travail de compression ; ce qui donne les chiffres élevés en masse et volume nécessaires, soit, par exemple, 72’000 tonnes, ou 4,8 millions de m³, pour obtenir 1 TWh en hiver à partir de 3,6 TWh en été.