Sur LinkedIn Monsieur Christian Petit, Directeur Général de Romande Energie a rendu hommage aux talents de sa collaboratrice Madame Florence Schmidt dite aussi « Madame éolienne , voir:.
https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:7041390459369222144/
Talents qui lui ont valu un article élogieux dans la DER de 24 Heures du 13 mars dernier https://clubenergie2051.files.wordpress.com/2023/03/madame-eoliennes-re-24h-13-03-2023.pdf
J’ai mis sur cette page de LinkedIn le commentaire suivant (le 15-03-2023 vers 19h, signé Jean-François Dupont):
Une association de spécialistes de l’énergie et de l’électricité essaye de donner une information professionnelle et scientifique sur les réalités du systèmes électriques. Son site Internet : https://www.clubenergie2051.ch/ Une analyse récente fait le point sur les causes des graves menaces de pénurie de courant et de hausse des prix, que connaît la Suisse et l’UE. Plus sur https://clubenergie2051.ch/2023/01/30/electricite-le-point-sur-une-situation-difficile/ La responsabilité principale est portée par la Confédération qui écarte volontairement les « calculs d’ingénieurs » et les études scientifiques nombreuses publiées en provenance de sources compétentes. La Confédération préfère des rêveries idéologiques vertes. Par ailleurs plusieurs acteurs, en particulier les médias et les distributeurs d’électricité aggravent à leur manière la confusion dans l’opinion publique. En particulier Romande Energie, dans ses prises de position publiques (p. ex. ci-dessus) et dans ses bulletins d’information : RE ne donne ni analyse sérieuse des causes de la grave situation, ni pistes solides pour revenir à la souveraineté électrique (et décarbonée), et aux prix bas, que connaissait notre pays il y a encore une quinzaine d’années.
Monsieur Christian Petit a répondu avec le commentaire suivant:
Cher Monsieur DUPONT Jean-François, merci pour votre opinion sur ces thèmes. Par les médias, des webinaires, de nombreuses soirées citoyennes dans les communes vaudoises, RE s’exprime régulièrement et explique à ses clients les causes de la crise énergétique actuelle.
Concernant votre souhait de revenir à une situation de souveraineté électrique et décarbonée, puis-je vous faire remarquer que la Suisse n’a jamais été souveraine en électricité et que ses importations hivernales n’ont jamais été décarbonées (e.g. charbon allemand). Il me semble donc difficile de revenir à une situation qui n’a jamais existée. Concernant les prix bas, il ne faut pas revenir à quinze ans en arrière pour les retrouver, mais à deux ans, soit avant cette crise. Les prix de l’électricité sur le marché européen ne se décident pas en Suisse mais par des mécanismes de marché fixés à Bruxelles. Les premiers résultats sur une refonte éventuelle du marché de l’électricité ont été annoncés cette semaine et les principes de base (mécanisme du merit ordre) ne changeront pas. Des mécanismes de « contrats pour différences » pourraient être introduits pour caper à la hausse et à la baisse les rémunérations des producteurs mais ceci devra être confirmé par les 27.
J’ai préparé une répons qui est trop longue semble-t-il pour LinkedIn. Je m’en excuse mais la problématique est complexe. J’ai mis le début de ma réponse sur LinkedIn en indiquant que la réponse complète se trouve sur notre site: la voilà ci-dessous:
Ma réponse complète:
Merci de votre réponse Monsieur Christian Petit. Vous dites « … la Suisse n’a jamais été souveraine en électricité … ». Dans une de mes antiennes fonctions chez EOS, j’ai été secrétaire de la CDR (Conférence des Directeurs Romands de l’électricité), conférence qui réunissait les directions des distributeurs romands et de leur producteur EOS. J’ai beaucoup appris sur le fonctionnement du système électrique. Avant l’ouverture du marché de l’électricité, la sécurité d’approvisionnement était basée sur une exigence clef ; disposer à tout moment d’une réserve de capacité de production pilotable pour pallier à tout déséquilibre entre production et consommation. Cette responsabilité était confiée à EOS (pour la Suisse romande, pour le reste de la Suisse aux autres Ueberlandwerke). Ces Ueberlandwerke, dont EOS, appliquaient un critère : dimensionner le parc de production en sorte que la Suisse soit autonome, le critère pratique était de ne pas avoir d’importation hivernale plus de 1 hiver sur 20. S’ajoutait une règle de l’UCPTE pour toutes les pays de l’UE qui participaient au réseau électrique intégré : chaque pays s’engageait à disposer de sa propre capacité de réserve. Un seul pays de l’UE, l’Italie n’a plus respecté cette clause suite à Tchernobyl : elle a fermé ses centrales nucléaires, sa production était principalement thermique avec du fuel. Le coût élevé du fuel a conduit l’Italie à importer massivement, principalement de France et d’Italie, avec fort transit par la Suisse. C’est le seul pays qui a subit un black-out en 2003, suite à une défaillance sur une ligne HT du Gothard.
Vous dites aussi « … Concernant les prix bas, il ne faut pas revenir à quinze ans en arrière pour les retrouver, mais à deux ans, soit avant cette crise… ». Oui, juste, mais ce qu’il faut ajouter c’est qu’au début de l’ouverture du marché de l’électricité les prix étaient bas parce que grâce à cette règle d’autonomie de l’UCPTE, la Suisse et l’UE disposaient d’un excédent appréciable de production. Dans un mécanisme boursier, l’excédent de l’offre sur la demande fait chuter les prix. D’ailleurs à cette époque les distributeurs, dont RE, ont arrêté leurs achats à leur coopérative EOS pour se servir à la bourse UE de Leipzig. Le Temps a parlé d’un grounding des grands barrages. Pour la petite histoire, les distributeurs, dont RE, n’ont pas répercuté la baisse sensible du prix d’achat des kWh à la bourse de l’UE sur leurs consommateurs captifs. Pour satisfaire l’exigence de « pas d’importations plus de 1 hiver sur 20 », les Ueberlandwerke établissaient régulièrement des rapports sur les perspectives d’évolution de la consommation et de la production. C’étaient « les rapports des dix ». Suite au dernier rapport établi avant l’ouverture du marché, vers 2005, les producteurs avaient établi un besoin de 3 centrales nucléaires EPR de 1600 MW et lancé les études nécessaires. Ces projets ont été annulés suite à Fukushima par le Conseil fédéral.
La croissance de la population et de la consommation d’électricité n’a plus été couverte par une adaptation de la production d’électricité. Cela a conduit à des importations de plus en plus fréquentes en Suisse,. En plus on a fermé Mühleberg et la France a fermé Fessenheim, dont une partie de la production était destinée par contrat à EOS, devenue entre-temps Alpiq. Cette situation de pénurie a longtemps été masquée par une surcapacité au sein de l’UE. Mais maintenant cette surcapacité a aussi fondu.
Le mécanisme principal de cette dérive vers un déficit de production a deux causes essentielles : l’ouverture du marché qui de facto retirait la responsabilité de la sécurité d’approvisionnement aux producteurs pour la confier au « marché » qui n’aime pas investir dans la réserve de production. De plus comme l’avait dit le prof. EPFL Matthias Finger : on ne peut pas convoquer le marché devant un tribunal en cas de défaillance. L’autre cause est la Stratégie Energétique 2050 antinucléaire de la Confédération : si on ne veut pas de centrales nucléaires à cause d’une opinion publique mal informée et pas non plus de centrales à gaz à cause du climat, il ne reste que les économies (rationnement ?) et les énergies renouvelables (soleil et vent) pour assurer l’équilibre. Le problème : il n’est pas possible, ni aujourd’hui ni dans un avenir prévisible, de satisfaire nos besoins avec seulement les économies et les énergies renouvelables. La raison principale est qu’on ne dispose pas des moyens de stockage suffisants pour compenser les arrêts aléatoires de production par manque de soleil ou de vent. Cette réalité est bien établie par des « calculs d’ingénieurs » pour lesquels nous donnons une liste, impressionnante d’ailleurs, de rapports et d’études de sources très compétentes dans : https://clubenergie2051.ch/2023/01/30/electricite-le-point-sur-une-situation-difficile/
Au final le marché n’empêche pas la pénurie par manque d’investissements dans une production efficace et en cas de pénurie il conduit à la hausse des prix.
Le consommateur-citoyen a le droit de connaître la réalité : la branche électrique a une responsabilité à cet égard.
Je m’excuse Monsieur Petit de pratiquer ainsi. Vos réponses et commentaires éventuels sont les bienvenus sur ce site.
JFD / 16-03-2023
Suite: commentaire de Monsieur Christian Petit, 17-03-2023 à 5h45:
DUPONT Jean-François merci vos explications sont passionnantes et m’éclairent sur une période où beaucoup de choses justes étaient en place pour assurer notre sécurité d’approvisionnement ! Nous ne devrions pas oublier ces enseignements tout en tentant de nous adapter au mieux à la nouvelle donne électrique européenne. Très cordialement.