Les services du Parlement ont publié les interventions faites lors de la séance du Conseil national consacrée au « Paquet énergétique » le 2 mars 2016. Nous reprenons ci-dessous celle du CN libéral genevois, Benoît Genecand.
Un libéral ne peut que se gratter la tête à l’examen du paquet un peu pompeusement appelé « Tournant énergétique ». Ce projet poursuit vraisemblablement trop d’objectifs. Il est donc rempli de contradictions : contradictions entre la volonté de sortir du nucléaire et la volonté de baisser nos émissions de gaz à effet de serre, contradictions entre la volonté de diminuer notre consommation globale d’énergie, en particulier celle d’électricité, et la volonté de produire plus d’électricité Swiss made, contradictions enfin — et c’est la plus remarquable — entre la promesse constitutionnelle de garantie d’approvisionnement et la volonté du pouvoir de déterminer quelle est la bonne consommation.
On ne peut pas dire à la population et aux PME : « Nous vous fournirons l’énergie néces- saire » et dans le même temps : « Nous vous dirons quel type d’énergie et quelle quantité d’énergie vous devez consommer. » Une de ces deux affirmations est fausse. On aurait pu attendre de notre Parlement qu’il simplifie, qu’il élague et qu’il consolide cette construc- tion. Hélas, mille fois hélas ! il fait le contraire. Il rajoute un objectif, il rajoute donc une contradiction.
Avec l’article 33, qui veut subventionner la production de la grande hydraulique, on a un objectif qui n’était pas prévu dans le projet du Conseil fédéral. Pourquoi l’ajoutons-nous ? Tout simplement parce que nous n’avons pas su résister aux sirènes des Cantons produc- teurs et de leurs entreprises. Que disent les demandeurs ? Ils disent que, sans soutiens, certaines entreprises devront fermer et que la production devra baisser faute d’investisse- ments. Ont-ils fait la démonstration de ces affirmations catastrophes ? Non, au contraire ! Un document de l’Administration montre que toutes les installations hydrauliques peuvent couvrir leurs coûts d’exploitation, même au prix actuel de l’énergie, à savoir 2 centimes le kilowattheure.
Si on parle d’un problème d’investissement, il y a déjà l’article 28 dans ce projet de loi qui prévoit l’aide au subventionnement de renouvellement. Or, pour prendre un exemple, une nouvelle turbine est un renouvellement qui pourrait être subventionné de cette manière. Alors, si nous ne payons pas l’exploitation et si nous ne payons pas les investissements, qu’allons-nous payer avec cette subvention ?
Eh bien ! nous allons payer des impôts sur l’eau, pudiquement appelés « redevance hydraulique », et nous allons vraisemblablement aider à rembourser des prêts octroyés par UBS ou le Crédit Suisse, pour prendre deux exemples. En d’autres termes, on va piocher dans la caisse des PME, on va piocher dans la poche des propriétaires et des locataires, pour payer des taxes ou pour rembourser des créanciers obligataires. Qui peut soutenir une telle idée ?
Est-il besoin d’ajouter que l’Administration a émis de sérieux doutes sur la solidité juridique de cette subvention ? C’est une mesure de politique industrielle — « eine reine Strukturerhaltung ». À ce sujet, s’il y a bien une chose qu’il serait nécessaire de faire dans ce domaine, c’est de diminuer le nombre d’intervenants, parce que, avec 800 intervenants — soit producteurs, soit distributeurs —, la Suisse est un pays qui est surdoté en la matière. Que faisons nous ? Nous faisons exactement le contraire puisque nous faisons de la « Strukturerhaltung ». On se croirait au pays d’Arnaud Montebourg !
Il ne faut pas soutenir cette subvention, parce qu’elle est inutile au tournant énergétique ; parce qu’elle empêche la consolidation nécessaire de ce secteur ; parce qu’elle est écologi- quement débile ; parce qu’elle est politiquement injuste pour les PME et les citoyens consommateurs d’électricité.
Pour le reste, le groupe libéral-radical vous propose de soutenir la proposition de la mino- rité I (Wasserfallen) à l’article 39a. À ce sujet, je précise qu’on parle de soutien temporaire. Si l’on accepte cette proposition, on arrêtera en 2025 de faire des promesses qui nous en- gageront encore pendant vingt ans. On parle donc d’une fiscalité qui durera jusqu’en 2045. Qui peut croire encore qu’une fiscalité appelée à durer jusqu’en 2045 est temporaire ?
Nous vous invitons donc à soutenir la proposition de la minorité Wasserfallen à l’article 39a. Nous accepterons le nouvel article 45a et soutiendrons la proposition de la commis- sion à l’article 46 alinéa 3 lettre a. Aux articles 48 et 49, nous suivrons la majorité de la commission et, enfin, nous soutiendrons évidemment la proposition de la minorité Wasserfallen à l’article 74 alinéa 5a.
Le groupe libéral-radical est d’accord d’affronter les défis énergétiques, mais pas en multi- pliant les subventions et la distribution de deniers publics.