Nous reproduisons cet article de Simone Wapler, paru le 11 mai 2017 sur le site économiematin.fr.
La « politique énergétique » nous mène au désastre. Les subventions ont conduit à fausser les prix et pénalisent producteurs et consommateurs.
« L’éolien a-t-il encore un avenir ? », s’interrogeait Le Figaro le 2 mai 2017. L’article nous indique que l’éolien a contribué en 2016 en France à près de 4,5% de la consommation d’électricité, une contribution stable (21,112 TWh sur 476,060 TWh consommés, avec 568,742 TWh produits, en 2015 et 20,722 TWh sur 482,942 TWh consommés, avec 553,56 TWh produits, en 2016), alors que le parc éolien français a augmenté de 1’346 MWc (mégawatts-crête) cette même année et totalise 11’670 MWc.
Après des années de « politique énergétique », de subventions et d’impôts déguisés, l’éolien reste trop cher et la production des énergies renouvelables ridicule. Les éoliennes cherchent leur Don Quichotte.
Quelques chiffres accablants :
Le prix de revient actuel de l’éolien serait de 8 c€ (centimes d’euro) le kWh, celui du solaire, parti de 30 c€, atteindrait maintenant 6 c€ le kWh.
Pourtant, dans son livre récemment paru, La France dans le noir *, Hervé Machenaud donne les chiffres suivants :
- kWh produit par le nucléaire français : 5 c€
- kWh produit par le gaz ou le charbon : 7 c€
- kWh produit par l’éolien terrestre : 8 c€
- kWh produit par l’éolien maritime : jusqu’à 20 c€
- kWh produit par le photovoltaïque : 20 à 25 c€.
Combien nous vend-on le kWh, cher lecteur ? Entre 14,62 et 15,64 c€ (tarif EDF option de base, prix réglementé). Dans ces conditions, tout devrait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles pour EDF, non ?
Eh bien non ! comme vous le voyez. Le cours de l’action EDF est passé de 28 € à moins de 8 €. Dans le même temps, entre 2010 et 2015, le prix réglementé a augmenté de 26,9% (et 30,6% pour le tarif heures creuses). En réalité, tout se passe sur le « marché du gros ». Là, le tableau est bien différent : le kWh se vend moins de 5 c€. Oui, vous avez bien, lu. Vous n’imaginiez quand-même pas que Michelin, Peugeot, Renault, Airbus, etc. payaient leur électricité au même tarif que vous ?
Sur ce marché du gros, les prix ne sont pas fixés par l’État, et les fournisseurs européens sont en concurrence. Comment en est-on arrivé à cette situation absurde ? Les subventions massives aux énergies renouvelables sont venues rajouter de la production alors que les électriciens produisaient déjà de l’électricité conventionnelle (nucléaire, hydraulique, thermique) en surabondance. Les prix se sont donc effondrés. Du coup, les électriciens ont préféré chasser la subvention plutôt que de se préoccuper de leur production conventionnelle. Au total, les énergéticiens européens (E.ON, RWE, Vattenfall, Engie) ont passé plus de 100 milliards € de provisions pour déprécia- tion depuis quatre ans et abandonnent la production traditionnelle. L’idéologie énergétique peut nous conduire à la grande panne.
Lorsque vous serez dans le noir, vous penserez à lever votre verre à la « politique énergé ti- que ». Elle est aussi nocive et absurde que la « politique monétaire ». D’ailleurs, s’il n’y avait pas ce système de crédit infini et quasi gratuit, il n’y aurait pas non plus de politique énergétique subventionnée. La destruction des prix par les subventions et par le crédit gratuit fait toujours des ravages, que ce soit pour l’électricité ou les produits agricoles. La production électrique échappe peut-être au « tout marché » et le financement du kWh nucléaire d’aujourd’hui est en partie payé par nos impôts qui, il y a quelques dé- cennies, ont permis le développement de cette technologie. Mais le « tout idéologie », dénoncé par Hervé Machenaud, est certainement catastrophique.
Quant à savoir qui paie pour ces erreurs, c’est évidemment nous tous. C’est la règle de la Para-sitocratie : plus c’est compliqué, moins vous avez envie de comprendre et plus vous paierez.
Simone Wapler
Simone Wapler est directrice éditoriale des Publications Agora, fondées en 1997 et spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l’éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd’hui, non pas la cause des multinationales ou des ban-quiers, mais celle des particuliers.
Elle a publié Pourquoi la France va faire faillite (2012), Comment l’État va faire main basse sur votre argent (2013), Pouvez-vous faire confiance à votre banque ? (2014) et La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.
(*) La France dans le noir d’Hervé Machenaud. Éditions Manitoba/Les Belles Lettres, Paris, mars 2017. L’auteur, X Ponts et IEP Paris, a mené toute sa carrière professionnelle au cœur des questions industrielles liées à l’énergie, tant en France qu’à l’étranger. Il rési- de actuellement en Chine où il a participé durant plus de 30 ans au développement du pro- gramme énergétique de ce pays.
COMMENTAIRE
Cependant, nous devons ajouter une importante réserve, suite à la lecture de cet ouvrage. En effet, à la page 72, nous pouvons lire ceci qui nous laisse songeur : « Au début des années 1980… la fusion nucléaire (qui consiste à reproduire la réaction du soleil en combinant atomes d’oxygène et d’hydrogène dans des centrales électriques avec comme seul sous-produit l’eau) [sic] devait révolutionner le monde de l’énergie autour de l’an 2000… »
Pour nos lecteurs qui voudraient comprendre ce qu’il se passe dans un réacteur à fusion nucléaire, remplacez simplement, par exemple, oxygène par tritium, hydrogène par deutérium et eau par hélium !
À la page 91 un tableau est intitulé :
« Émissions de CO2 par type d’énergie en kg équivalent carbone par TEP (tonne équivalent pétrole) [sic] ». Les valeurs indiquées, qui vont de 19 pour le nucléaire à 1’125 pour le charbon, se rapportent bien aux émissions de CO2 d’une même production d’électricité ; ce sont donc soit des gCO2éq/kWh, soit des kgCO2éq/MWh, soit des tCO2éq/GWh, mais pas des kgCO2éq/TEP qui n’ont pas de sens puisque une tonne de pétrole émet au moins 3 tonnes de CO2 (une tonne gaz naturel 2,75 tonnes de CO2 et une tonne de charbon, 3,5 tonnes de CO2) !
De tels énoncés aberrants − qui démontrent soit une méconnaissance flagrante de la phy- sique, soit une négligence crasse dans le travail rédactionnel, et qui, de façon étonnante, n’ont pas été dûment corrigés par les relecteurs de l’éditeur − nous font hélas ! douter du sérieux avec lequel un tel livre a été relu avant publication, sinon rédigé.
Christophe de Reyff