L’article futuriste suivant du professeur Reiner Eichenberger est paru le 12 avril 2023 dans sa colonne régulière « Grüsse aus der Zukunft » (Salutations du futur) du n° 2 du nouveau numéro spécial de la Weltwoche « Weltwoche grün ». Il a été aimablement mis à la disposition du Carnot Cournot Netzwerk – CCN par la rédaction et par l’auteur pour être reproduit sur le blog du CCN le 13 avril, et également à celle de notre Club pour être traduit et publié ici.
Salutations du futur ‒ Et la déferlante énergétique a tout emporté sur son passage
Dans les années 2020, les gouvernements ont promis plus de prospérité avec moins de consommation d’énergie. La première s’est produite. L’économie mondiale s’est développée, non pas grâce aux gouvernements, mais grâce au progrès technologique général. Et la consommation d’énergie ? Elle aurait pu facilement baisser. Car, avec plus de prospérité et une meilleure technologie, on peut non seulement se permettre plus d’énergie, mais aussi plus d’efficacité énergétique et donc moins de consommation d’énergie.
Mais, contrairement aux belles promesses gouvernementales, l’évolution après 2023 a entraîné une frénésie énergétique générale. Les pays occidentaux ont massivement subventionné les énergies dites renouvelables. En raison des coûts, la croissance économique a certes ralenti. Mais lorsque la production d’énergie est subventionnée, cela doit finalement conduire à une consommation d’énergie plus élevée. Le mécanisme fonctionnait en détail de la manière suivante :
Pour remplacer les énergies fossiles même en hiver, il fallait développer les énergies renouvelables à un multiple de la demande moyenne. C’est ainsi qu’à la plupart des périodes de l’année, il y avait une surabondance d’électricité et des prix très bas ‒ et donc une consommation frénétique. Les citoyens ont acheté de nombreux appareils et voitures gourmands en électricité. Mais comme ils voulaient les utiliser même lorsqu’il n’y avait ni vent ni soleil, les black-out menaçaient souvent. Pour les éviter, on produisit de l’électricité de secours à l’aide de centrales à gaz rapidement activables ‒ à partir de 2035, cette production était soi-disant climatiquement neutre, car les émissions étaient à nouveau filtrées dans l’air par le procédé DACCS, c’est-à-dire « Direct Air Carbon Capture and Storage ». Bien entendu, ce procédé était extrêmement gourmand en énergie. C’est pourquoi il a été délocalisé dans des pays où l’énergie solaire et éolienne était suffisante pour le DACCS, mais où la consommation énergétique locale normale était couverte par des centrales nucléaires et des centrales à charbon.
Les pays émergents ont eu un autre comportement
Comme l’orgie de subventions et de réglementations en Occident a entraîné une baisse massive de la demande en énergies fossiles, leur prix a chuté. C’est pourquoi leur consommation a explosé dans les pays en développement et émergents. Ces pays ne voulaient tout simplement pas s’inquiéter sérieusement du changement climatique. Au contraire, le sentiment dominant était que, si de graves problèmes devaient survenir un jour en raison du changement climatique, les émissions pourraient être facilement compensées grâce au DACCS. De plus en plus de gouvernements ont également fait valoir qu’ils ne voulaient pas suivre la voie de la « défossilisation » (et donc de la décarbonation), tracée par l’Occident. Cela leur coûterait beaucoup trop cher et ils préféraient utiliser leurs ressources limitées pour se protéger contre les risques environnementaux bien plus graves que sont pour eux le froid, la chaleur, les tempêtes, les inondations, les tremblements de terre, etc., ce qui était en même temps la meilleure prévention contre les préjudices climatiques.
Enfin, la consommation d’énergie est devenue totalement incontrôlable lorsque de plus en plus de pays ont décidé de remplacer leurs anciennes centrales à charbon et de couvrir leurs besoins croissants en énergie non pas par de l’électricité produite de façon aléatoire par des centrales solaires et éoliennes, mais par de l’énergie nucléaire. Car ils avaient compris ce que beaucoup n’avaient pas encore compris en 2023 : l’énergie nucléaire nécessite de longues procédures d’autorisation ‒ mais beaucoup plus courtes que l’énergie éolienne.
Car, ce qui est déterminant pour un approvisionnement énergétique efficace, ce ne sont pas les durées d’autorisation et de construction de chaque centrale, mais la durée durant laquelle des kWh de valeur sont mis à disposition. Et, à cet égard, l’énergie nucléaire est imbattable. C’est ainsi que s’est produit ce qui aurait pu être prévu dès 2023 : la stratégie énergétique des années 20 a été noyée dans un flot de courant électrique aléatoire et d’énergie nucléaire.
Reiner Eichenberger est professeur de théorie de la politique financière et économique à l’Université de Fribourg et l’un des directeurs de recherche au Center for Research in Economics, Management and the Arts – CREMA de Zurich.