Dans une lettre adressée à la Conseillère fédérale Doris Leuthard, le professeur à la retraite remet en question la « Stratégie énergétique 2050 ». Il constate que les énergies renouvelables et les économies d’énergie ne sont pas en mesure à elles seules de remplacer le nucléaire ni de réduire la part des énergies fossiles dans une société qui, pour des raisons d’efficacité et d’environnement, aura besoin de plus en plus d’électricité.
Article publié par Gérard Sarlos, Prof. hon. EPFL, le 2 octobre 2014 sur le site www.lesobservateurs.ch
Aux questions précises du professeur, Mme Leuthard a répondu par une lettre de M. Walter Steinmann, directeur de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN), lettre confondante par son absence de fond et de réponses concrètes aux questions soulevées, cela au point de faire douter des compétences scientifiques, économiques et écologiques de l’administration fédérale. Ébranlé par cette réponse, le professeur Reinhart a renvoyé une deuxième lettre à Mme Leuthard pour en dénoncer les faiblesses. Il a aussi décidé – après en avoir parlé avec un cercle d’experts du terrain en matière d’énergie, que ce soit dans l’enseignement, la recherche, l’industrie et l’administration – de rendre ces lettres publiques. Il faut que les parlementaires, les responsables de l’économie et de l’industrie, les médias et les citoyens eux-mêmes puissent juger sur pièce comment fonctionne notre ministère fédéral de l’énergie.
Dans sa 2e lettre à Mme Leuthard, le professeur Reinhart soulève aussi un autre problème : celui de la responsabilité du milieu académique (Écoles polytechniques fédérales et Académies des sciences), lui-même entraîné dans la dérive de la politique énergétique envisagée à Berne. Beaucoup d’enseignants et de chercheurs ont, semble-t-il, abandonné leur liberté de pensée pour s’aligner quasiment sans sourciller sur la politique officielle. Une des raisons à cela est toute simple : cela leur facilite grandement l’accès aux crédits de recherche ! Ainsi le phénomène de la pensée unique et du politiquement correct, abondamment dénoncés, dans ce journal en particulier, en relation avec le monde des médias et celui des élus politiques, atteint aujourd’hui aussi une partie du monde scientifique. Le 24 septembre, le directeur de l’OFEN répondait à la deuxième lettre du professeur Reinhart par une sèche annonce que toute correspondance avec lui cessait, au prétexte d’épargner les ressources de l’OFEN ! Cette attitude de l’OFEN est confondante et conforte la publication de toutes ces lettres pour que soit connue la désinvolture de notre administration. Les deux lettres du professeur Reinhart à Mme Leuthard et les deux réponses de M. Steinmann sont jointes en annexes (traductions françaises et originaux en allemand) avec son aimable autorisation. J’en recommande la lecture à tous ceux que les questions de l’énergie dans notre pays intéressent.
Le professeur Reinhart, qui enseignait la physique et l’optoélectronique à l’EPFL, n’est pas un spécialiste pur de l’énergie. Ses arguments se basent d’abord sur les réalités physiques et le bon sens. On pourrait développer davantage ou compléter son argumentation sur des aspects plus spécifiques, comme les réacteurs du futur et la sécurité des réacteurs et des déchets. Mais je peux témoigner – pour avoir été actif dans l’énergie, dans toutes les énergies, comme enseignant et responsable de recherche (ancien directeur du département des études au PSI, ancien directeur du Laboratoire des systèmes énergétiques de l’EPFL (LASEN) et fondateur du cours post-grade sur l’énergie) – que la démarche de mon collègue Franz-Karl Reinhart a deux grands mérites : 1) celui de dénoncer des faits vérifiables sur les contradictions entre la politique énergétique et les réalités du terrain, 2) celui d’oser rompre le silence d’une bonne partie du monde scientifique sur ces contradictions. J’indiquerai encore que les arguments du professeur Reinhart ne sont pas que théoriques : l’expérience de l’Allemagne, qui a une certaine avance, est en train de confirmer, par une accumulation de revers et de difficultés techniques et économiques, la justesse de son analyse.
Échange de correspondance avec l’OFEN : Lettre_1_D-Leuthard, Réponse_lettre_1_W.-Steinmann, Lettre_2_D-Leuthard, Réponse_lettre_2-W.-Steinmann