J.Bernard Jeanneret, le 5 mai 2017.
version pdf de l’article :
Nous voterons le 21 mai 2017 sur la stratégie énergétique 2050, qui veut révolutionner le secteur électrique et en même temps réduire fortement la consommation de fossile, de 4.5 tonnes de CO2 par an et par habitant en 2015 à 1.5 tonnes d’ci à 2050.
Ce dernier objectif est louable car lié à la préservation du climat terrestre et à l’extinction des ressources fossiles d’ici 200 ans. La confédération a d’ailleurs pris des engagements ambitieux lors de la Conférence de Paris sur le climat (COP21, en 2015). Cet objectif coûtera cher, environ 140 milliards de francs [article à venir]. Curieusement, cette partie essentielle du projet est peu mise en évidence dans la loi, et son coût est soigneusement escamoté par le département de Madame Leuthard.
Mais l’objectif climatique est mis en péril par la transformation du secteur électrique lire ici, qui elle coûterait 85 MiaCHF. Le soutien unilatéral aux énergies photovoltaïque et éolienne diminuera notre production d’énergies propres (ne produisant peu ou pas de CO2) et nous obligera à construire des centrales électriques à gaz, pour une production annuelle de CO2 qui fera remonter le but visé de 1.5 à 3 tonnes, pour 4.5 tonnes/hab/an en 2015.
Il faudra construire 9 centrales à gaz d’une puissance électrique de 1 Giga-Watt pour produire les 26 TWh électriques manquant, soit 45% des 58 TWh électriques consommés en 2015. 1 TWh = 1 Tera-Watt-heure = 1 milliards de KWh
Elles ont pour seule alternative une augmentation massive des importations de courant, inacceptables à ce niveau pour notre sécurité économique et politique.
Ces centrales à gaz sont une épine dans le pied du Département Fédéral de l’Energie et des partisans de la SE2050. La question est systématiquement esquivée. Le rapport de base de la SE2050 [ref2] donne des chiffres pour toutes les sources d’énergies, sauf pour les centrales à gaz, qui sont données comme “sans limitation dans le modèle”. On ne peut pas mieux dire tout en cherchant à se voiler la face. Voir aussi la note 3, pour l’embarras exprimé par Mme Leuthard sur ce point.
La loi proposée au vote le 21 mai est un paquet mal pensé et peu cohérent pour des buts qui se neutralisent partiellement.
- La réduction promise du fossile sera inatteignable.
- Le déni de son coût, de l’ordre de 225 MiaCHF d’ici à 2050, soit près de 7 MiaCHF/an, augure des louvoiements sans fin entre les instances politiques fédérales qui ne feront qu’aggraver les problèmes, sans vraiment les résoudre.
- En votons non le 21 mai, nous donnerons au gouvernement et au parlement l’occasion de revoir leur copie et de nous présenter un bon projet dans quelques temps.
Arguments
Les coûts respectifs élevés des secteurs électriques et fossiles de la stratégie énergétique 2050 (SE2050) sont discutés dans lire ici et [article à venir]. Nous présentons ici une autre difficulté de ce projet : la difficile conciliation des objectifs électriques et fossiles. Nous montrons que la réduction voulue de la consommation fossile justifiée par les objectifs climatiques implique une augmentation de la consommation électrique que la SE2050 veut au contraire réduire.
La loi sur laquelle nous voterons le 21 mai 2017 dit que la consommation totale d’énergie par personne devra baisser fortement, en particulier de 43% en 2035 par rapport à l’an 2000 [ref1]. La consommation électrique devant elle baisser 13%, celle de fossile devra donc diminuer de 52%. Pour un futur plus lointain, il est prévu de réduire notre production de CO2 à “pratiquement 1 tonne par habitant” [ref3]. Nous retiendrons ici 1.5 tonne en 2050, c’est-à-dire trois fois moins qu’en 2015. Voir Note1, [ref2] et la Figure 1.
On trouvera tous les chiffres utilisés ici dans les Statistique suisse de l’électricité [ref7] et de l’énergie [ref8]. Pour le trafic, voir [ref8].
Chiffres de base et unités utilisées
1 MiaCHF : 1 milliard de francs
1 TWh = 1 Tera-Watt-heure = 1 milliards de KWh
Population suisse 2015 : 8.3 millions d’habitants [ref5]
Consommation de fossile en suisse 2015 = 150 TWh [ref8]
Consommation électrique en suisse 2015 = 58 TWh [ref 7]
Production électrique suisse 2015 = 66 TWh [ref 7]
1TWH gaz = 204 mille tonnes CO2= 0.204 Millions tonnes CO2
Réduction de la consommation fossile.
Comme on l’a montré dans [article à venir], une élimination complète du fossile dans les ménages et les services, remplacé par des pompes à chaleurs, impliquerait une augmentation de consommation électrique de 7.3 TWh.
Pour les carburants, c’est la voiture électrique qui est considérée comme la seule solution de remplacement, mis à part un rationnement imposé au déplacement. Si toutes les voitures sont électriques en 2050, avec un consommation moyenne de de 15 kWh/100km et 55 milliards de kilomètres parcourus par an [ref6], la consommation électrique augmenterait de 8.2 TWh (Note 2).
Plus de chiffres et de détails sont donnés dans la Table 1.
Conséquences pour le secteur électrique
Pour atteindre le but climatique, il faudra remplacer deux tiers de la consommation de fossile (combustibles et carburants, voir note 2 pour les carburants). La Table 1 montre que le supplément de consommation électrique devrait être proche de 7 TWh en 2035 et de 12 TWh en 2050. Les “nouvelles énergies renouvelables (NER)” produiront moins que le nucléaire supprimé. Finalement, il manquera 22 TWh pour la consommation en 2050, voir Table 2. Une partie de la difference pourrait être compensée par des économies d’électricité (voeu de l’OFEN : 13% des 58 TWh de notre consommation, soit 7.5 TWh) et un peu de nouvel hydraulique [ref ofen-prog]. Il reste un manque de 14 TWh, à population constante 2015. Si l’on ajoute l’augmentation de 22% de la population prévue par l’Office Fédéral de la Statistique [ref4], le manque en production serait de 39 TWh (Table 2). Finalement, le manque moyen en production serait donc de 27 TWh.
Ce manque de 27 TWh pourrait être l’objet d’importations (charbon allemand ? nucléaire français ?), ou alors plus probablement produit par des centrales à gaz. Dans ce dernier cas, avec des centrales de rendement 40%, il faudra consommer 65 TWh de gas, soit 1.4t de CO2 par habitant et par an (Table 2). Avec un facteur de charge de 80%, 9 centrales à gaz d’une puissance de 1 GW seront nécessaires au final.
Ce serait donc 2.9t/hab/an, au lieu du but climatique fixé à 1.5 t/hab/an (Table 2).
Notes
1. Extrait de la loi sur laquelle nous voterons le 21 mai 2017 (LEne2016)
Art. 2 Valeurs indicatives pour le développement de l’électricité issue d’énergies renouvelables
1 S’agissant de la production indigène moyenne d’électricité issue d’énergies renouvelables, énergie hydraulique non comprise, il convient de viser un développement permettant d’atteindre au moins 4400 GWh en 2020 et au moins 11 400 GWh en 2035.
Art. 3 Valeurs indicatives de consommation
1 S’agissant de la consommation énergétique moyenne par personne et par année, il convient de viser, par rapport au niveau de l’an 2000, une réduction de 16 % d’ici à 2020, et de 43 % d’ici à 2035.
2 S’agissant de la consommation électrique moyenne par personne et par année, il convient de viser, par rapport au niveau de l’an 2000, une réduction de 3 % d’ici à 2020, et de 13 % d’ici à 2035.
2. Carburants
Un petit problème est posé par le trafic aérien : il représente 20% de la consommation de carburant, et augmente continûment. Pour maintenir l’objectif CO2 de 2050, il faut donc que le trafic routier fasse mieux que 66% de réduction, soit 85%.
3. L’embarras de Madame la Conseillère Fédérale Doris Leuthard à propos des centrales à gaz
La nécessité de centrales à gaz avec la révolution électrique est si évidente que même des journalistes bien disposés à l’égard de la SE2050 posent la question. On notera la curieuse manière de Mme. Leuthard de se cacher derrière le peuple. Et de botter en touche vers l’étranger. Nos voisins allemands et italiens apprécieront.
DL : “Si l’on ne fait rien, il faudra importer davantage de courant étranger. Les opposants évoquent encore le recours aux centrales à gaz. Techniquement, c’est possible. Mais les résistances de la population sont si grandes que personne ne veut investir dans un projet coûteux utilisant une énergie fossile.”
Source : Le Temps, Bernard Wuthrich, jeudi 30 mars 2017
DL : “Mais une usine à gaz ne fait pas beaucoup de sens parce c’est à nouveau de l’énergie fossile. Et les coûts sont élevés. Economiquement, cela semble donc difficile. En outre, nous n’en aurions besoin qu’en hiver. Il existe de telles usines en Italie et au sud de l’Allemagne et on pourrait s’y rallier si on le voulait. Mais en Suisse, je ne pense pas que cela soit nécessaire. En outre, ce n’est pas une bonne solution, ni sur le plan économique, ni sur le plan climatique.”
Source : Tribune de Geneve , 21.03.2017
http://www.tdg.ch/suisse/doris-leuthard-c-leconomie-dinvestir/story/28663490
Références
[1] Texte loi LEne2016:
Cliquer pour accéder à 7469.pdf
Voir aussi :
[2] Perspectives énergétique 2050, résumé, DETEC/OFEN,Octobre 2013:
http://www.bfe.admin.ch/themen/00526/00527/06431/index.html?lang=fr&dossier_id=06420
et
[2b] http://www.swissinfo.ch/fre/la-loi-sur-le-co2-doit-être-entièrement-révisée/42413870
[3] Document OFEN, accès supprimé, août 2015. Copie : DETEC_1.5T_CO2_long-terme http://www.bafu.admin.ch/klima/13805/15238/15240/index.html?lang=fr
[4] Evolution de la population suisse:
https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/population.assetdetail.350327.html
[5] Population 2015 :
https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/population.gnpdetail.2016-0630.html
[6] Kilomètres parcourus :
[7] Statistique suisse de l’électricité :
http://www.bfe.admin.ch/themen/00526/00541/00542/00630/index.html?lang=fr&dossier_id=00765
[8] Statistique suisse de l’énergie :
http://www.bfe.admin.ch/themen/00526/00541/00542/00631/?lang=fr&dossier_id=00763
Ping : Argumentaire succinct contre la Stratégie énergétique 2050 – vote du 21 mai 2017 | clubenergie2051.ch
Ping : Coût de la Stratégie Energétique 2050 : 40 ou 3200 francs/ménages /an? | clubenergie2051.ch