Parc éolien de Gries : conclusions renforcées par de nouvelles données

J-Bernard Jeanneret,  juillet 2018

Après la publication de notre papier “La très chère production éolienne de l’ Office Fédéral de l’Energie : le parc de Gries.” [ref 1], le journal Le Temps a exploré le sujet sous la plume de Bernard Wuthrich le 18 juin [ref 2]. On ne peut qu’apprécier positivement l’équilibre de l’article. Mais on y lit un argument de René Lemoine, chef du projet Gries-II, qui demande ré-examen. Nous jugions peu raisonnable l’installation d’une machine en aval du barrage, il rétorque l’inverse :

l’ensemble du site a été mesuré et modélisé en 3D afin d’estimer l’effet du barrage, qui est bien connu et exactement contraire à celui argumenté par Jean-Bernard Jeanneret. Le barrage canalise le vent et permet à l’éolienne qui se trouve juste en aval de bonnes performances en cas de vent du sud ”.

M. Lemoine oublie ici que notre argument visait à expliquer pourquoi la production mesurée du parc n’est pas de 13 GWh/an comme annoncé en 2014 lors de l’acceptation du dossier de l’extension du parc, mais de seulement 7.8 GWh/an. Il escamote ce point essentiel de la discussion. Mais sans informations additionnelles, il nous était difficile d’être plus précis.

Avec à disposition de nouvelles données, il nous est aujourd’hui possible de trancher. La production individuelle de chacune des quatre machines du parc nous donne raison. La machine en aval du barrage, plus grande et plus performante de 40% à même vitesse de vent n’y produit qu’à peine plus que la machine de Gries-I. La vitesse moyenne du vent ne peut qu’y être plus faible de 15%.

Comme nous le montrons plus bas, on peut donc écarter les objections qui nous sont faites, et réaffirmer encore plus clairement nos conclusions.

  • L’argument d’une position en aval du barrage moins bonne que la position de la machine Gries-I est confirmé.
  • Les promoteurs du parc revendiquaient en 2014 une productivité de 13 GWh/an. Une production de 7.8 GWh est mesurée en 2017. L’excès d’optimisme est de 70%.
  • Si on se limite aux trois nouvelles machines E92 de Gries-II, 11 GWh étaient revendiqués en 2014 pour 5.8 GWh mesurés en 2017. L’excès est ici de 90%. Cet excès d’optimisme est encore plus élevé que celui de Gries-I.
  • L’argument d’une première année qui ne devrait pas être utilisée pour tirer de conclusions ne résiste pas aux statistiques existantes, pour Gries comme pour les autres parcs en opération

 

Plus de détails sur les données et les calculs

Pour trancher ce différent avec sécurité, il faut disposer d’éléments additionnels. Ici en l’occurence la production individuelle de chacune des quatre machines. Ces données
sont publiées annuellement par la fondation RPC [ref 3]. Elles nous ont été aimablement transmises par Jean-Marc Chapallaz. Un extrait pour Gries est donné dans la Table 2. Dans cette dernière les machines sont numérotées, mais il n’est pas précisé la position correspondante dans la parc. Nous avons donc choisi le cas le plus favorable à l’argument de M. Lemoine, voir Table 2 et Table1.

Notre numérotation des machines, du bas vers le haut, est illustrée  dans la Figure 2.

Papier_Gries_II_Table

La Table 1 (colonne bleue) et la figure 1c) montre une production presque égale pour les quatre machines, probablement légèrement plus élevée pour la machine numéro 1. La machine 2 est celle de Gries-I , une Enercon E70 , moins performante que les trois E92 de Gries-II , numérotées 1, 3 et 4, du bas vers la haut. Le comparaison de performance en fonction de la vitesse des deux modèles est donnée dans la Figure 1a) et leur rapport dans 1b). Pour les vitesses moyennes annuelles de Gries, environs 5 m/s, E92 produit 40% d’énergie électrique de plus que E70. La vitesse moyenne de vent nécessaire pour obtenir les productions individuelles est donnée dans la partie droite de la table (colonne bleue pour les valeurs mesurées). On y voit que la vitesse à la machine 1 est 13% plus basse qu’à la machine 2. Ce qui invalide l’argument de René Lemoine qui nous explique que la position 1 est meilleure que la position 2.

Papier_Gries-II_FIG_plus_titre

La simulation 3D qu’il évoque serait correcte si la production correspondait aux valeurs avancées par les promoteurs en 2014. Pour obtenir 13 GWh au total, dont 2 GWh pour la machine de Gries-I, il resterait à produire 11 GWh avec les trois nouvelles machines, voir Table 1. Ce qui nécessiterait des vitesses de vents supérieures à 6 m/s, voir la colonne “vitesses selon promoteurs 2014” de la Table1. Mais les faits son têtus, c’est loin d’être le cas, comme le montent les production réelles mesurées.

Notre seule erreur aura été de penser que les vitesses aux positions 3 et 4 seraient un peu meilleures qu’en position 2, ce qui n’est pas le cas non plus, voir Table 1.

Il nous est objecté aussi qu’un projet ne peut être jugé sur sa première année de production (Isabelle Chevalley et René Lemoine). La Figure 1d) montre l’évolution de la production annuelle de 2012 à 2017 pour la machine de Gries-I comparée à un indicateur de la moyenne suisse. Ce dernier agrège les données de trois parcs d’altitude qui n’ont pas été l’objet de changements de machines durant cette période. On y voit trois indications. Gries suit plutôt bien la moyenne, sauf en 2015 (panne?, perte d’efficacité?). L’année 2017 est plus ventée que la moyenne. Et surtout, la première année de pleine opération de Gries-I a été bonne. Il suffit d’ailleurs de consulter l’historique d’autres parcs [ref 4] pour voir que c’est presque toujours le cas.

Avec les données supplémentaires de la production individuelle des quatre machines du parc, on peut donc écarter les objections qui nous sont faites, et réaffirmer encore plus clairement nos conclusions.

  • L’argument d’une position en aval du barrage moins bonne que la position de la machine Gries-I est confirmé.
  • Les promoteurs du parc revendiquaient en 2014 une productivité de 13 GWh/an. Une production de 7.8 GWh/an est mesurée en 2017. L’excès d’optimisme est de 70%.
  • Si on se limite aux trois nouvelles machines, il faut déduire les 2 GWh/an de la machine E70 de Gries-I, soit 11 GWh/an revendiqués en 2014 et 5.8 GWh/an mesurés en 2017. L’excès est ici de 90%. Cet excès est encore plus élevé que celui de Gries-I.
  • L’argument d’une première année qui ne devrait pas être utilisée pour tirer de conclusions ne résiste pas aux statistiques existantes, pour Gries comme pour les autres parcs en opération.

References

1. https://clubenergie2051.ch/2018/04/01/la-tres-chere-production-de-l-office-federal-de-lenergie-le-parc-de-gries/

2. Bernard Wuthrich, Le Temps, lundi 18 juin 2018 à 07:4, https://www.letemps.ch/suisse/parc-eolien-nufenen-loeil-cyclone

3. http://www.bfe.admin.ch/themen/00612/02073/index.html?lang=fr&dossier_id=0216

4. https://wind-data.meteotest.ch/index.php

Cet article a été publié dans Electricité, Energie éolienne, Energie éolienne, Politique, Production d'électricité. Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Un commentaire pour Parc éolien de Gries : conclusions renforcées par de nouvelles données

  1. Ping : La très chère production éolienne de l’ Office Fédéral de l’Energie : le parc de Gries. | clubenergie2051.ch

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s