Récapitulatif de quelques documents en partie oubliés que nous ont laissés les « pères » de la politique énergétique suisse. Survol de leurs principaux messages.
- Pourquoi ce récapitulatif ?
La raison est que la politique énergétique suisse est controversée. Le cœur de la controverse est lié au nucléaire et à cette question, très clivante : doit-il faire partie ou être exclu du mix-énergétique souhaitable ?
Cette question est, par la nature du système énergétique, à la fois politique et scientifique. Quand on se pose la question de savoir si le nucléaire est une bonne ou une mauvaise énergie, on peut penser que le débat est surtout politique, si non éthique et moral. Mais seulement en apparence. Parce qu’une bonne énergie c’est une énergie qui satisfait à des critères objectifs, et assez techniques, comme l’abondance, le coût, l’impact sur l’environnement, les risques et leur prévention à court et à long terme, etc.…, critères que personne ne conteste. L’évaluation de ces critères peut se faire au sentiment et à l’émotion, mais la société a intérêt à traiter les questions techniques en utilisant au mieux les connaissances et les méthodes de la science et de la technique. Mais cela ne résout pas encore les controverses et les disputes. Car le monde politique est divisé, et même le monde scientifique aussi. Les divisions du monde scientifique rendent les évaluations techniques très difficiles, pour les profanes que sont en général le politicien et le citoyen.
Dans ce contexte, l’utilisation intelligente et l’application sérieuse des critères techniques pour le choix d’une bonne énergie, passe par des études et des analyses scientifiques.
Nous avons au ClubEnergie2051 une expérience du terrain et de ces analyses. Nous avons donc observé les nouvelles analyses et recommandations qui émergeaient de l’EPFL et de l’UNIL. Et nous avons constaté que les deux institutions ont pris des positions qui ignoraient ou contredisaient, quelques documents et analyses qui avaient marqué la naissance d’une politique énergétique suisse. Deux documents principaux parmi ces documents oubliés et un peu désavoués :
- le rapport CGE-GEK 1978 ou Rapport de la Commission fédérale pour une Conception globale de l’énergie
- le « livre jaune » du prof. EPFL André Gardel intitulé « Énergie : économie et prospective » publié chez Pergamon en 1979.
Certains d’entre nous avaient disposé de ces documents dans leurs (vieilles) archives, mais en recherchant sur Internet, on en trouvait des traces, mais pas les contenus. En 1980 ce n’était pas encore la pratique de numériser les documents et de les mettre à disposition sur Internet.
Pour le Rapport CGE-GEK 1978 nous avons eu l’aide capitale du prof. Suren Erkman de l’UNIL qui en a trouvé un exemplaire à la bibliothèque cantonale universitaire de Lausanne (BCUL), et qui a aussi obtenu de la BCUL qu’elle en numérise l’intégralité et mette un lien Internet à disposition du public. Merci à Suren Erkman, merci à la BCUL et à son assistant Pierluigi Esposito !
André Gardel s’est impliqué fortement dans le domaine de l’énergie à travers l’EPFL (création du Laboratoire des Systèmes énergétiques, le LASEN), son bureau d’ingénieurs (BG Bonnard et Gardel Ingénieurs à Lausanne) et la centrale de Lucens. Avec ce « livre jaune » , dont voilà la page de couverture
il s’est efforcé d’établir des scénarios d’ingénieur sur la base des recommandations de la GEK Nous avons retrouvé une réédition/réactualisation de ses analyses publiées en 1991 par la Fédération Romande de l’Énergie. Nous l’avons numérisée et en donnons ci-après le lien Internet.
Ci-dessous nous présentons ces documents historiques, avec quelques autres ajoutés de la même veine et plus récents. Cela nous permettra, en fin d’article, de faire quelques observations sur les divergences de vue que nous avons eues avec l’UNIL et l’EPFL d’aujourd’hui.
- L’élément déclencheur : les chocs pétroliers de 1973 et 1979.
https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/choc-petrolier
Avant la Suisse n’avait pas de politique énergétique. Elle avait des énergéticiens (pétroliers, gaziers, électriciens) qui approvisionnaient les consommateurs et s’efforçaient d’être en mesure de couvrir en tout temps la demande et sa hausse régulière, parfois forte. Puis il y eu ces chocs pétroliers qui brutalement ont fait prendre conscience de la vulnérabilité de l’approvisionnement et surtout des désagréments (crises) que pouvaient provoquer une pénurie et/ou de fortes hausses des prix.
- De la CGE 1978 à l’article constitutionnel sur l’énergie de 1990
Très vite la Confédération met en chantier la préparation d’une politique énergétique en nommant en 1974 une commission d’experts avec la mission d’élaborer une Conception globale de l’énergie (en français CGE, en allemand GEK pour Gesamt Energie Konzeption). C’était la mode des « conceptions globales. Le rapport CGE déclenche une activité politique intense accompagnée de travaux scientifiques dont ceux du prof. André Gardel de l’EPFL, qui va créer à l’EPFL le Laboratoires des systèmes énergétiques et le Cours post-grade sur l’énergie. Notre collègue le prof. Gérard Sarlos lui avait succédé dans ces activités à l’EPFL.
- Le rapport CGE-GEK 1978.
Principaux messages :
- La Suisse doit réduire à terme fortement sa dépendance excessive à l’égard du pétrole
- Les inconvénients majeurs sont
- L’épuisement des réserves
- Les impacts sur l’environnement, en particulier la pollution atmosphérique (agglomérations)
- Les contraintes géopolitiques liées à la localisation des réserves principales (Moyen Orient, on fait des guerres pour le pétrole)
- La question climatique est déjà connue, mais n’est, à cette époque, pas considérée comme la contrainte majeure.
- Moyens principaux pour réduire la dépendance pétrolière :
- La substitution par les énergies renouvelables
- La substitution par l’énergie nucléaire
- L’utilisation rationnelle de l’énergie (économies d’énergies, faire plus avec moins)
- Une vision et un objectif à long terme : une réduction rapide n’est pas possible à court terme. Des moyens techniques doivent encore être développés pour tirer massivement parti des énergies renouvelables et du nucléaire. En particulier des moyens de stockage sont à développer pour compenser la production irrégulière intermittente des énergies renouvelables (solaire et éolien) et pour remplacer le pétrole dans le transport automobile.
- Les délais seront longs et incertains.
Le rapport CGE 1978 est volumineux : deux volumes de 821 et 549 p. Ils ont été numérisés récemment par la Bibliothèque cantonale universitaire de Lausanne (BCU-L) et sont à disposition en ligne.
Liens Internet :
Vol. I / Rapport final : situation actuelle, perspectives, objectifs, postulats, mesures
https://renouvaud1.userservices.exlibrisgroup.com/view/delivery/41BCULAUSA_LIB/12405016310002852
Vol. 2 / Rapport final : scénarios d’une future politique suisse en matière d’énergie, article constitutionnel oui ou non ?
https://renouvaud1.userservices.exlibrisgroup.com/view/delivery/41BCULAUSA_LIB/12405604750002852
Résumé (20 p.):
Rédigé par Michael Kohn, président de la commission. Il a été publié dans le Bulletin de la SIA, voir : CH GEK Kurzfassung M. Kohn Bull. SIA 1979 Band 97 Heft 3
- Le livre « Energie : économie et prospective », 1979 du prof. André Gardel, EPFL.
André Gardel publie cet ouvrage en 1979 chez Pergamon. Il était connu des familiers sous le nom de « livre jaune », à cause de la couleur de sa couverture :
Une édition réactualisée a été publiée par la FRE en 1991. Elle est disponible sur notre site : (ici P:\documents\JFD hp 2\Personalia\GARDEL André prof EPFL\Perspectives énergétiques A. Gardel FRE 1991 light.pdf ).
Perspectives énergétiques A. Gardel FRE 1991 light
Principaux messages.
Gardel a développé et approfondi les scénarios de la CGE. Il a élaboré des scénarios d’ingénieur, soit des scénarios réalisables. Il confirme la nécessité de développements qui font que les étapes seront encor longues et nécessaires. Sur le nucléaire il constate que sans lui, on ne peut réduire la part du pétrole, et les émissions de CO2. Il estime que les citoyens sont victimes de désinformation, il vaut mieux bien sécuriser le nucléaire, ce qui est faisable, que l’interdire. L’interdiction est plus dangereuse qu’une utilisation prudente avec des normes de sécurité exigeantes.
- Le manuel « Systèmes énergétiques » 2003 du LASEN – EPFL
Ce manuel est à la base de l’enseignement dispensé par le Laboratoire des systèmes énergétique (LASEN) et dans le cours Post-grade sur l’énergie de l’EPFL. Il se veut une méthode de base pour l’analyse de l’offre et de la demande. Il est co-signé du Prof. Gérard Sarlos, de Pierre Verstraete et de Pierre-André Haldi. Le prof. Gérard Sarlos a été le successeur du prof. André Gardel à la tête du LASEN.
Page de couverture:
Lien Internet pour la description de l’ouvrage :
https://www.epflpress.org/produit/68/9782880744649/Systemes%20energetiques%20(TGC%20volume%2021)%20
Principaux messages :
Cet ouvrage s’attache à montrer la dimension systémique de l’énergie et plaide pour une analyse approfondie des réalités complexes des différents éléments du système et de leurs liens. Il met l’accent sur les méthodes d’évaluation des différents critères techniques dont il fait un inventaire détaillé : ressources et réserves, coûts, impacts écologiques, risques et leur prévention, …. Sur les risques du nucléaire il indique que ces risques doivent être comparés aux risques de s’en passer, qui sont estimés plus graves, en particulier dans la perspective d’économiser les ressources et de protéger le climat.
- L’article constitutionnel sur l’énergie de 1990.
Cet article a été le résultat le plus tangible du rapport CGE-CGK de 1978. Bien que divisée sur l’opportunité d’instituer un volontarisme politique en matière d’énergie (la Suisse a été et reste un pays qui a connu peu de pannes, des prix modérés et un des meilleurs bilans écologiques, notamment des émissions de CO2 comparativement faibles), une faible majorité a recommandé l’introduction de cet article et contribué à en déterminer le contenu.
Cet article a été adopté en votation populaire en septembre 1990.
Lien Internet (contenu):
Art. 89 Politique énergétique dans https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19995395/index.html
Rem. 1 : le cœur de cet article constitutionnel déclare
1 Dans les limites de leurs compétences respectives, la Confédération et les cantons s’emploient à promouvoir un approvisionnement énergétique suffisant, diversifié, sûr, économiquement optimal et respectueux de l’environnement, ainsi qu’une consommation économe et rationnelle de l’énergie.
C’est un texte modéré, un texte de « bonnes intentions ». Aujourd’hui la question se pose : ce texte ne s’oppose-t-il pas à la Stratégie Énergétique 2050 – base actuelle de la politique énergétique de la Confédération, dans la mesure où cette stratégie présente des risques de précarisation de la sécurité d’approvisionnement, de conduire à des coûts excessifs et d’augmentation des émissions de CO2 ?
Rem. 2 : en même temps que le souverain acceptait cet article constitutionnel, il acceptait un moratoire de 10 ans sur l’énergie nucléaire. Le nucléaire restait au cœur du débat énergétique.
- Ce que nous disent ces « anciens » documents aujourd’hui.
8.1 Sur le dialogue avec L’EPFL.
Deux points marquants :
1) l’EPFL d’aujourd’hui occulte le passé, voire son propre passé dans l’énergie. Elle occulte en particulier les travaux des prof. André Gardel et Gérard Sarlos et du LASEN. Révélateur à cet égard cette déclaration du directeur de la communication, Jérôme Gross, en 2014 à l’occasion de la nomination d’un nouveau directeur, le prof. Berend Smit, à la tête du Centre de l’Énergie CEN :
« L’énergie est un enjeu de première importance pour l’EPFL au moment de la sortie du nucléaire. (…) L’EPFL a tardé à faire du domaine de l’énergie un pôle de compétences-clé coordonné. Pour rappel le CEN a été créé en 2006 par Hans Björn Püttgen ». (Citation: 24H du 4 janvier 2014)
Ce qui sous-entend clairement que l’énergie n’avait pas d’importance avant d’envisager l’interdiction du nucléaire, et surtout que l’EPFL n’avait rien fait dans ce domaine avant 2006, comme si Gardel, Sarlos, leurs collaborateurs et le LASEN n’avaient pas existé……
2) Le Centre de l’énergie CEN de l’EPFL développe, dès le début des débats sur la Stratégie Énergétique 2050, l’Energyscope, un outil de simulation numérique disponible en ligne au public qui permet à tout un chacun de simuler divers scénarios énergétiques en choisissant à son gré certains paramètres comme la proportion des diverses sources d’énergie dans le mix énergétique. L’Energyscope devient un site Internet, un livre et des cours pour ceux qui veulent comprendre : http://energyscope.ch/ .
L’idée est en soi excellente. Nous essayons de comprendre le simulateur numérique. Les résultats que nous obtenons pour divers paramètres nous sont incompréhensibles. Le CEN alors, dans divers publications et conférences, affirme en substance :
« …ce n’est pas difficile de remplacer tout le nucléaire par des nouvelles énergies renouvelables (éolien et solaire), c’est parfaitement réalisable techniquement. Et de plus ça ne coûte pas plus cher : les variations de prix sont en dessous des marges d’incertitudes économiques ». (Sources à disposition)
Une délégation du ClubEnergie2051 a rencontré en 2015 le directeur par intérim du CEN pour comprendre comment et sur quelle base ce résultat était-il possible. Nous n’avons pas eu d’explication probante. Nous lui avons demandé, pour simplifier, de simuler deux scénarios contrastés, a) le scénario que proposait l’économie électrique avec trois grandes centrales nucléaires à construire pour remplacer à terme les anciennes, et b) un scénario sans nucléaire pour voir comment et à quel coût cela pouvait-il se faire. Il s’est engagé à nous répondre, mais nous n’avons rien reçu.
8.2 Sur le Dialogue avec l’UNIL.
L’UNIL a ouvert un dialogue public en créant le projet Volteface
Lien Internet : http://www.volteface.ch/
ClubEnergie2051 a suivi et même participé à certains travaux de ce projet. Ce projet nous a déçu, pour une Université, par son absence d’objectivité scientifique.
Ainsi au niveau du concept général du projet, l’idée était que la Stratégie Énergétique 2050 était une bonne stratégie a priori. Le grand problème : il y a des personnes réticentes à cette stratégie. L’objectif du projet : convaincre les réticents.
Un sous-projet de Volteface appelé « Témoignage d’anciens » s’est intéressé à la mémoire d’anciens spécialistes qui avaient vécu la mise en place de la politique énergétique, pour mieux appréhender la pertinence de la SE 2050. Le ClubEnergie2051 a contribué à ces témoignages. Volteface et ses sous projets s’est terminé dans la confusion. Dans une phase des travaux, le sous projet « Témoignages d’anciens » un document a été considéré comme « le document qui avait déjà tout dit dans le passé sur une « bonne » politique énergétique » : le rapport SPEOS de Bernard Saugy. Or ce rapport avait son intérêt, il traitait du stockage de la chaleur dans le sous-sol des bâtiments, captée en été et rendue en hiver. Mais ce n’était qu’un petit morceau du vaste puzzle du système énergétique global. Nous avons souhaité en débattre avec les divers témoins et les responsables du sous-projet, sans succès.
Les rapports CGE-GEK et les analyses de Gardel ont été occultés.
8.3 Sur les manifestations de rue des activistes du climat.
Une des revendications majeures des (jeunes) activistes qui manifestent dans la rue, sur le modèle de Greta Thunberg, c’est :
« …mais faites donc quelque chose, vous les vieux ! Vous n’avez rien fait… ».
Pourtant les pères de la politique énergétiques avaient déjà établi en 1978, que la grande priorité était de sortir du pétrole et des autres énergies fossiles.
8.4 Sur la Stratégie Énergétique 2050 du Conseil Fédéral.
Sur la faisabilité de la SE2050, la Confédération, et l’OFEN, ne disent rien. Le message du CF accompagnant la SE 2050 se contentait de fixer des objectifs, sans préciser les mesures nécessaires, ni leur nature, ni leurs coûts et ni les délais. Pour faire une analogie avec le choix et la construction d’une maison, on est dans la situation incroyable d’un architecte qui vous proposerait un cahier des charges, mais pas les plans, ni le prix…
La Commission CGE n’avait pas utilisé le terme de transition. Mais elle avait évoqué la nécessité d’une longue évolution dans le temps, par étapes, qui dépendraient du rythme des percées technologiques encore nécessaires et en bonne partie imprévisibles. De fait c’était bien une transition qu’ils avaient décrite. Paradoxe : c’est Madame Doris Leuthard qui va se servir du mot transition en 2011, inspirée probablement par le mot allemand Wende (Energiewende) de Mme Angela Merkel, mais elle est très discrète sur les délais des percées technologiques. De fait elle donne l’impression que ce sera pour tout de suite.
- Épilogue.
Ainsi, même sur les questions techniques, celles que la méthode scientifique et les connaissances permettent de vérifier et de confronter avec les faits, ce sont aussi les scientifiques qui ne sont pas d’accord entre eux.
Les questions qui divisent sont particulièrement :
- Est-il possible techniquement et à un coût supportable de remplacer le nucléaire par l’éolien et le solaire,
- Peut-on raisonnablement sécuriser le nucléaire et répondre aux attentes légitimes de la population en matière d’accidents nucléaires et de gestion des déchets radioactifs
Ces questions sont bien de nature technique, et les scientifiques sont les premiers divisés: ils portent donc la responsabilité d’avoir transmis cette division au reste de la société, reste de la société qui ne peut être qu’impuissante.
La petite confrontation qui précède entre les documents des « pères » de la politique énergétique et ceux de la génération actuelle de l’EPFL et de l’UNIL montre un net écart de qualité des analyses : chez les premiers des analyses approfondies et chiffrées, chez les seconds des affirmations non étayées, des convictions qui tiennent de la croyance.
Une 1ère cause à cela : la politisation du débat. Il se trouve que l’affrontement renouvelables – nucléaire est devenu un affrontement gauche – droite et que beaucoup de scientifiques sont politisés.
Une 2e cause : le silence, la résignation des Académies des sciences. Elles ont les ressources et les moyens pour vérifier les faits qui tiennent et pour reconnaître les incertitudes éventuelles qui subsistent. Cela été pratiqué au début des années 80 de manière très probante et éclairante par la Société Helvétique des Sciences naturelles (SHSN). Mais cela n’a plus été appliqué. Pour avoir été membre de la Commission Énergie de l’Académie des sciences techniques, j’ai dû constater que beaucoup d’avis de cette commission représentaient d’avantage des convictions personnelles que la réalité des connaissances. C’est pourtant une préoccupation permanente du scientifique de savoir si ce qu’il comprend, et explique, est bien le reflet de la réalité ou… celui de ses préférences. Constat: cette préoccupation n’est pas partagée dans toute la communauté scientifique.
- Espoir.
Il y a des documents « modernes » qui sont dans la ligne rigoureuse des « pères » de la politique énergétique. On peut citer en particulier (ce n’est pas exhaustif) deux documents remarquables :
1) l’étude « Neue erneuerbare Energien und neue Nuklearanlagen : Potentiale und Kosten» de 2005 de l’Institut Paul Scherrer (PSI) réalisée dans le cadre du projet « Ganzheitliche Betrachtung von Energiesystemen (GaBE) sous la conduite de Stefan Hirschberg. Cette étude établissait claitrement que les énergies renouvelables seules n’avaient pas le potentiel pour remplacer le nucléaire. Le rapport est sur : https://www.psi.ch/sites/default/files/import/ta/SwissEnePerspEN/PSI-Bericht_05-04sc.pdf
2) l’étude du prof. Silvio Borner et de ses collaborateurs de l’IWSB (UNI-Basel) publiée en 2014, intitulée « Energiestrategie 2050 : eine institutionnelle und ökonomische Analyse». Dans cette étude Silvio Borner montre que tant techniquement qu’économiquement la SE 2050 ne se base pas sur des données fondées : elle n’est pas réalisable. Lien : https://www.iwsb.ch/studien/IWSB_Energiestrategie_2050.pdf
Post Scriptum.
Le nucléaire est bien la question clef de la politique énergétique. Le Conseil fédéral a proposé sa Stratégie Énergétique 2050 et l’abandon progressif du nucléaire, en réponse à Fukushima et au réchauffement climatique.
Le ClubEnergie2051 a sur le nucléaire d’abord une position de principe : les positions extrêmes qui sont « non à tout prix » d’une part, ou « oui à tout prix » d’autre part, sont aussi mauvaises l’une que l’autre. La bonne attitude et « le oui mais », le « mais » signifiant sous des conditions à bien définir, conditions qui devraient être le centre du débat. En particulier les conditions de sécurité et de préventions des risques. Et d’une manière générale le respect des critères de choix évoqués plus haut. Le principe que nous soutenons : un usage intelligent, et bien sécurisé du nucléaire, vaut mieux qu’une interdiction aveugle (plus sur : https://clubenergie2051.ch/2016/10/24/nucleaire-une-utilisation-intelligente-vaut-mieux-quune-interdiction-aveugle/ ).
En 2009, un évènement est venu éclairer de manière probante la réalité du nucléaire : c’est la décision de la Suède. La Suède avait décidé par référendum en 1980 de sortir à terme du nucléaire. Cette décision, de l’opinion publique, faisait suite à l’accident de la centrale de Three Miles Island (Harrisburg, USA). Une importante fusion du cœur, mais sans contamination grave à l’extérieur de la centrale. Cette décision était assortie de deux conditions préalables à satisfaire avant de la mettre à exécution : montrer qu’une sortie du nucléaire était possible 1) sans augmenter les émissions de CO2 et 2) à un coût supportable. La Suède n’a pas réussi à démontrer ces deux conditions : en conséquence elle a annulé, en 2009, le décret de sortie du nucléaire. Voir :http://energie.lexpansion.com/energie-nucleaire/comment-la-suede-a-renonce-a-sortir-du-nucleaire_a-32-841.html
Les médias n’en ont pas parlé. Nous avons évoqué cet évènement avec l’Energy Center de l’EPFL et demandé si la Suède avait eu tort de ne pas leur confier l’étude (sic !), puisque le centre affirme que c’est réalisable sans problèmes, ni techniques et ni économiques. Réponse : le centre n’avait pas connaissance de cette décision de la Suède.
Moralité : il y a un large problème d‘information, même au sein de la communauté scientifique. Nous y reviendrons.
JFD/26-07-2020