_____________________________________________________________
Note de correction de l’auteur
Un fidèle lecteur me signale que, si l’on fait une lecture attentive du rapport en question, les 1’400 milliards sont composés d’investissements qui de toute manière devraient être effectués, effroi climatique ou non. Dont acte.
On peut alors se demander pourquoi ce chiffre faramineux est introduit s’il n’a pas de relation avec le sujet. On mangera des glaces et boira de la bière aussi d’ici à 2050, pourquoi ne pas incorporer cela dans une « stratégie climatique » ?
Sans présumer de l’intention du Conseil fédéral il faut tout de même supposer qu’il s’agisse de disposer d’un pouvoir sur de tels investissements afin que le troupeau ait un comportement conforme au dogme climatique.
_____________________________________________________________
Le Conseil fédéral a déterminé le 27 janvier 2021 la « Stratégie climatique à long terme de la Suisse ». Le Temps s’en est fait l’écho le 28 janvier.
En prenant pour argent comptant toutes les affirmations foireuses contenues dans cette stratégie et dans sa présentation, voici ce que l’on peut analyser, simplement et sans détours.
Il faut aussi noter l’ironie dans le communiqué fédéral qui parle de protection du climat, ce qui indique que l’on ne sait pas qui et quoi sont vraiment à protéger de quoi et de qui !
À vos calculettes donc !
En d’autres termes :
Selon les données mêmes du Conseil fédéral, il faudra dépenser entre 10 et 23 Fr pour économiser 1 Fr sur les pertes que pourrait entraîner le changement climatique.
Inutile de pinailler sur les détails, ni de savoir de quoi il retourne quant au climat, c’est de la pure démence.
Pourquoi cette obstination folle ?
- Multiples intérêts particuliers selon le 1er principe de l’économie et du mercantilisme : ce qui rapporte à l’un coûte à l’autre, et vice versa.
- Mainmise étatique sur toutes les formes d’énergie, et ainsi contrôle absolu sur tous les aspects de la vie.
- Groupthink, conformisme planétaire, peur de déplaire.
- Narratif pseudo-moral, « pour votre propre bien. »
Merci de compartir cet article
Cette stratégie climatique, que Christophe de Reyff nous fait découvrir, fait suite à la Stratégie Énergétique 2050 (SE 2050), adoptée par votation populaire le 21n mai 2017. Cette dernière avait deux défauts majeurs :
1) elle prétendait répondre aussi aux attentes climatiques, mais en fait, au départ, elle n’était qu’une réponse politique aux évènements de Fukushima. Elle répondait à la peur du nucléaire en interdisant la construction de nouvelles centrales. Elle ne traitait que du secteur électrique avec pour objectif principal de remplacer le nucléaire par les renouvelables. Tout le secteur non électrique, qui consomme la plus grande partie des fossiles (mobilité, chauffage des bâtiments, diverses applications industrielles) était oublié.
2) elle ne donnait pas de programme de réalisation avec des mesures concrètes chiffrées pour atteindre l’objectif de remplacer le nucléaire par des renouvelables. Pour des raisons d’intermittences et de difficultés de stockages non-résolues des renouvelables, plusieurs analyses sérieuses ont montré que cette stratégie était irréalisable en l’état actuel des connaissances (plusieurs articles du site y sont consacrés). On a comparé cette stratégie à une maison que proposerait de bâtir un architecte, mais dont il ne donnerait que le cahier des charges mais… pas les plans!
Si donc on n’arrive pas à remplacer le nucléaire par les renouvelables dans le secteur électrique, comment remplacer tous les fossiles du secteur non électrique par les renouvelables, tâche encore plus gigantesque ?
À 1ère lecture rapide du nouveau rapport : il ne donne pas la réponse, en particulier il n’y a pas une description détaillée des technologies de substitution des fossiles par les renouvelables, de leur état de développement, des délais de mise en œuvre et de leurs coûts. Même si un coût total est donné : 1’400 milliards Fr (!). Par exemple, pour la mobilité, va-t-on aller plutôt vers des batteries pour alimenter des voitures électriques ou vers un fuel synthétique (dérivé de l’hydrogène) pour alimenter des moteurs thermiques ? Or on sait que dans les deux options il y a encore des problèmes de développements à résoudre. À nouveau, l’architecte ne donne pas les plans, mais va probablement sous peu demander de signer le contrat de construction.
La SE 2050 était une imposture, il semble que la nouvelle stratégie climatique en soit une nouvelle.
Une tribune récente dans « Le Monde de l’énergie » fait une synthèse de comment une certaine désinformation scientifique fait le forcing pour démontrer, de manière irréaliste, que les renouvelables seraient en mesure seuls de tout résoudre:
https://www.lemondedelenergie.com/savants-energies-renouvelables/2021/02/05/
Question : qui a trouvé dans ce rapport de la Confédération, Stratégie climatique à long terme de la Suisse des informations sérieuses sur les solutions techniques éprouvées à mettre en places pour remplacer à la fois le nucléaire et les fossiles ?
D’accord à cent pour cent. La stratégie était une sortie du nucléaire à l’aide de centrales à gaz, mais avec l’accord de Paris 2015 on a tout simplement laissé tomber le gaz.
Le chiffre de 1’400 milliards n’est expliqué nulle part. On l’a placé comme si on avait voulu tester les réactions.
Dans le document « Perspectives énergétiques 2050+ Résumé des principaux résultats » du 26 novembre 2020, on trouve ceci:
« Les Perspectives énergétiques 2050+ proposent deux scénarios de base: le scénario « Zéro émission nette » (ZÉRO) et le scénario « Poursuite de la politique énergétique actuelle » (PEA).
Les investissements prévus de toute façon jusqu’en 2050 dans la rénovation, la modernisation et le remplacement des infrastructures énergétiques existantes, des bâtiments, des installations, des appareils ou des véhicules se montent à 1’400 milliards de francs environ. L’objectif de zéro émission nette fixé à l’horizon 2050 fait augmenter ce besoin d’investissement de 109 milliards de francs (ou 8%), mais permet de réaliser des économies au niveau des coûts de l’énergie à hauteur de 50 milliards de francs.
Le scénario de comparaison PEA prévoit des investissements dans des centrales, des installations, des générateurs de chaleur, des véhicules et des parties de bâtiments pertinentes du point de vue énergétique à hauteur de quelque 1’400 milliards de francs d’ici à 2050. Il s’agit de coûts non influençables encourus même si aucune mesure n’est prise pour atteindre l’objectif de zéro émission nette. Malgré cette somme, les émissions de gaz à effet de serre ne diminueront que de 30% environ dans le scénario PEA d’ici à 2050 par rapport à aujourd’hui (2018). »
@ Laurenz Hüsler
Un grand merci de nous faire découvrir votre article sur le site CCN:
https://www.c-c-netzwerk.ch/strategie-fuer-co2-freie-energie/
Bravo !
@Christophe de Reyff
« Il s’agit de coûts non influençables encourus même si aucune mesure n’est prise pour atteindre l’objectif de zéro émission nette » – incluant véhicules et bâtiments?
Il y a quelque chose qui cloche dans ce texte. C’est plein de non-dits, il me semble.
Cette analyse contient une erreur fondamentale et ne démontre malheureusement rien du tout. En particulier, l’auteur mélange deux notions.
L’auteur tente d’estimer le « nombre d’années nécessaires à absorber une perte de PIB ». Dans quel but ? Le rapport du Conseil fédéral ne mentionne aucune éventuelle « perte » de PIB qui serait potentiellement causée par la dérive climatique. Le rapport mentionne des coûts annuels, supportés par la société dans son ensemble, de l’ordre de 4% du PIB et fait en parallèle une hypothèse de croissance du PIB jusqu’en 2050. Jamais il ne suppose une récession qui contracterait le PIB.
En résumé, l’auteur confond une récession économique unique et des coûts qui vont se répéter d’année en année. En réalité, si l’on voit les 1’400 milliards de francs comme un investissement, alors celui-ci sera amorti en 48 à 66 ans (sur la base des coûts à supporter en 2050).
On notera que la croissance du PIB est une hypothèse dans ce « modèle ». On est donc face à un bel exemple de GIGO* : des hypothèses absurdes mènent à des conclusions encore plus absurdes.
* (https://en.wikipedia.org/wiki/Garbage_in,_garbage_out)
Qu’est-ce qui permet raisonnablement de supposer qu’on connaîtra la croissance sur 30 ans, alors qu’on risque au contraire de traverser des crises majeures (énergétiques notamment, alimentaires dans une moindre mesure) ? Rien !
En fait, il n’y a qu’à regarder autour de nous, les contre-exemples sont nombreux. Beaucoup de pays se sont effondrés, soit à cause de troubles alimentaires (dus à la dérive climatique), soit parce qu’ils n’avaient plus accès à de l’énergie abondante et bon marché, soit les deux : Grèce, Tunisie, Égypte, Venezuela, Syrie, etc.
En p. 27 du document « Stratégie climatique à long terme de la Suisse » du 26 janvier, on trouve ceci :
• La population de la Suisse progressera en moyenne de 0,9 % par an d’ici 2030 et de 0,4 % par an d’ici 2050. Elle comptera donc environ 10,3 millions de résidents permanents en 2050.
• La performance économique, mesurée en termes de produit intérieur brut (PIB), progressera en moyenne de 1,3 % par an d’ici 2030, puis de 0,9 % par an d’ici 2050. Le PIB augmentera donc d’ici 2050 d’environ 38 % par rapport à aujourd’hui. (Secrétariat d’État à l’économie (2018) : Scénarios à long terme de l’évolution du PIB de la Suisse, Berne)
Donc, selon le Seco, en partant de 727 milliards de francs en 2019, le PIB de la Suisse serait bien de l’ordre de 1’000 milliards de francs en 2050 ; on passerait ainsi de 87’000 à 97’000 francs par habitant, cette augmentation de 10’000 francs n’est pas extravagante !
Une autre question est à poser : le total des investissements pour la transition énergétique et pour la lutte contre le réchauffement climatique, donné comme étant de 1’459 milliards de francs, représente tout de même l’équivalent de deux années de PIB ; cela est un défi à financer en 30 ans.
Ces 1’400 milliards sont nécessaires avec la stratégie des énergies renouvelables.
Avec des centrales nucléaires, le même résultat coûterait 90 milliards.
Merci pour ces sources ! Je connais le rapport du SECO, même si je n’ai jamais eu le courage de lire attentivement leur méthode, disponible uniquement en allemand. Néanmoins, je constate que les mots « énergie » ou « pétrole » n’y figurent pas … Cela indique que la méthode du SECO est basée sur des théories purement économiques qui ne collent pas, même en grosses mailles, aux données empiriques. En particulier, au niveau mondial, le PMB (= PIB du monde) est parfaitement corrélé à la consommation d’énergie primaire (https://theshiftproject.org/lien-pib-energie/). Notamment, quand la quantité d’énergie disponible diminue, le PMB se contracte. Cela fait des décennies que c’est vrai.
Dès lors, je ne vois pas comment on peut raisonnablement tabler sur une croissance du PIB à long terme alors qu’on prévoit dans le même temps une diminution de la consommation d’énergie. La seule manière dont la Suisse pourrait tirer son épingle du jeu dans ce contexte serait de se convertir encore plus à une économie de services, peu consommatrice d’énergie au premier ordre. Cependant, les services ne sont fournis qu’à l’industrie qui, quant à elle, est fortement consommatrice d’énergie (indépendamment du fait qu’elle soit localisée en Suisse ou à l’étranger, d’ailleurs). Ce scénario présuppose donc que la consommation d’énergie au niveau mondial va continuer de croître, donc que l’économie mondiale ne va pas sortir des énergies fossiles, puisque celles-ci représentent 80% de l’énergie primaire consommée. Dans ce cas, on ne résout pas la question climatique : fin de la partie !
On peut illustrer le problème différemment. Le scénario du SECO semble faire fi d’un fait fondamental : notre productivité est déterminée au premier ordre par notre consommation d’énergie. Partant de ça, il n’existe que deux options pour que notre PIB augmente : soit nous augmentons notre propre consommation d’énergie pour disposer nous-mêmes d’une industrie plus productive, soit nous profitons de la productivité industrielle des autres à qui nous achetons des biens et fournissons des services (chose que l’on sait très bien faire en Suisse).
Vous avez cependant raison sur un point : tacler la crise climatique va nous coûter très cher ! Je suis néanmoins prêt à parier que ne pas tacler la crise climatique nous coûterait encore plus cher. Je prends à témoin une publication d’Axa qui stipule qu’un monde à +4 °C n’est pas assurable (https://www.axa.com/fr/magazine/non-scepticisme-il-faut-agir).
Certes la corrélation historique entre PMB et consommation mondiale d’énergie primaire (ou consommation brute) est avérée.
L’article de G. Giraud et Z. Kahraman (2014) cité dans The Shift Project, que vous indiquez, mentionne un paramètre, « Energy efficiency », qui est estimé être entre 0,6 et 0,7. Si l’on comprend correctement ce paramètre comme le rapport entre l’énergie finale, utilement consommée, et l’énergie primaire brute demandée, il est évident que les progrès technologiques en cours vont conduire à une efficacité croissante, jusqu’à bien au-delà de 0,8 ; cela va entraîner une demande en énergie primaire brute décroissante alors que l’énergie finale va encore pouvoir continuer de croître. Il faudra donc à l’avenir rechercher une nouvelle corrélation entre cette dernière et le PMB.
Par exemple, pour ce qui est de la Suisse, entre 2000 et 2017, la demande en énergie primaire a diminué de 2,40% alors que la consommation d’énergie finale a crû de 0,40%. Les énergies sont exprimées en joules ; mais, étant donné que la population a crû de 17,65% entre 2000 et 2017, si l’on prend un autre indicateur spécifique, en watts par habitant, la demande primaire spécifique a diminué de 16,82% et la demande finale spécifique a aussi diminué de 14,43%. L’efficacité énergétique est donc déjà passée de 0,76 à 0,79 entre 2000 et 2017 et cela devrait continuer à croître avec les progrès technologique et l’efficacité des processus énergétiques (p. ex., pompes à chaleur, voitures électriques).
L’efficacité énergétique s’améliore d’environ 1,05% par an. On voit notamment que l’intensité énergétique du PMB diminue de manière continue (https://cutt.ly/kkfuggj). Cependant, sortir des énergies fossiles va impliquer une réduction de notre consommation d’énergie de 3 à 5% par an. Clairement, l’amélioration de l’efficacité énergétique ne compensera pas totalement la décrue énergétique causée par la fin des énergies fossiles.
Par ailleurs, vous prenez l’exemple de la Suisse pour appuyer l’idée qu’un découplage PMB-énergie va s’effectuer naturellement. Or, l’évolution de la consommation d’énergie en Suisse n’est pas du tout représentative de ce qui se passe au niveau mondial. Pour se faire une image honnête de la dépendance réelle du PIB suisse à l’énergie, il faut tenir compte du fait qu’une bonne partie de celui-ci est réalisée à l’étranger. Il faudrait prendre en compte la part d’énergie consommée à l’étranger dont le PIB suisse profite. Il s’agit de faire une distinction de même nature que celle qui existe entre émissions des GES réalisées en Suisse et empreinte totale de la Suisse. Mais pour l’intensité énergétique du PIB, je ne sais malheureusement pas si une telle étude existe …
@ Mathieu Schopfer,
Je suis pour la neutralité carbone. Mais on peut la réaliser avec 90 milliards avec des centrales nucléaires – et on ne peut pas la réaliser avec le plan du gouvernement et ses 1’400 milliards.
Voici mon plan :
https://www.c-c-netzwerk.ch/strategie-fuer-co2-freie-energie/
@ Laurent Hüsler
Je suis totalement favorable à déployer du nucléaire. C’est effectivement une technologie qui pourra efficacement nous aider à décarboner, ou au moins à amortir le choc en cas de décrue des énergies fossiles. Mais là n’était pas la question …
Mes commentaires visaient à relever que les hypothèses qui stipulent :
1° une perte de PIB de seulement 4% à l’horizon 2050, au cas où rien ne serait fait pour lutter contre le changement climatique
2° une croissance du PIB de 0,5 à 1,5% par an d’ici à 2050
sont fausses. Dès lors, toute conclusion tirée sur la base de ces hypothèses est nécessairement soit absurde, soit fortuite. Pour le cas d’espèce, je voulais relever qu’on ne peut pas aussi facilement estimer – ce que cet article prétend faire – ce que 10 à 23 CHF dépensés aujourd’hui nous feront économiser (ou pas) sur les conséquences de la dérive climatique à l’horizon 2050.
Poser une hypothèse est justement une reconnaissance de l’absence de certitudes.
Critiquer cela tient du pinaillage inutile.
D’ailleurs, le lecteur en possession d’une calculette peut effectuer le même calcul avec ses hypothèses à soi. Si, par exemple, la croissance devait être nulle pour les trente prochaines années, alors les pertes à éviter seraient moindres pour les mêmes dépenses exorbitantes, ce qui renforcerait l’argument traitant cette stratégie de démence.
En science, une hypothèse est toujours étayée, sinon le modèle auquel elle mène est potentiellement hors-sol. Après, libre à vous de faire tous les modèles hors-sol que vous souhaitez, vous vous exposez juste à de mauvaises surprises.