Projet de Loi fédérale sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre – 2ème partie

Nous continuons nos commentaires sur ce projet de Loi sur le CO2.

(voir ici la première partie)

Voici quelques implications pratiques pour parvenir à un niveau de 50% d’émissions en 2030 par rapport au niveau de 2010.

L’Office fédéral de l’environnement a publié le 9 décembre 2020 un document qui précise que la Suisse s’engage à réduire ses émissions de CO2 de 50% en 2030 par rapport au niveau de 2010 et non plus de 1990 (les marques en jaune et commentaires chiffrés sont de ma part).

Il est vain de toujours parler de %, alors que le problème pratique se pose bien plutôt en millions de tonnes de CO2.

Voyons cela dans le détail : en 2010, secteurs énergétique et non-énergétique compris, les émissions totales du pays ont été de 54.83 Mt en équivalents CO2, dont 45.15 Mt de CO2, 5.15 Mt d’équivalents CO2 dues au méthane, 3.01 Mt d’équivalents CO2 dues au protoxyde d’azote et 1.51 Mt d’équivalents CO2 dues aux gaz synthétiques. Dans les émissions de CO2, celles dues au secteur non-énergétique étaient de 5.23 Mt, celles dues au secteur énergétique étaient de 39.92 Mt, dont celles dues aux carburants, 17.42 Mt (9.90 Mt dues aux véhicules à essence, 7.18 Mt dues aux véhicules et machines à diesel et 0.43 Mt dues aux véhicules à gaz), et celles dues aux combustibles, 22.50 Mt, dont 11.00 Mt dues aux chauffages des maisons d’habitation.

Reprenons ces derniers chiffres pour évaluer l’effort à faire pour parvenir à un niveau de 50% d’émissions. Pour cela, il faut revenir aux agents énergétiques sous-jacents, causes de ces émissions. En 2010, la Suisse a consommé 11.342 Mt de produits pétroliers, dont 6.890 Mt de carburants (3.164 Mt d’essence, 2.298 Mt de diesel et 1.428 Mt de kérosène) et 4.452 Mt de combustibles, et encore 32.204 TWh de gaz (soit aussi quelque 3 milliards de m³, ou 2.8 Mt d’équivalent-pétrole). Ce sont ces consomma-tions qu’il s’agirait de diviser par deux d’ici à 2030.

Voyons d’abord les carburants : épargner 50% de 6.890 Mt de carburants, soit 3.445 Mt, pourrait être réalisé soit par une diminution du nombre de véhicules, soit par une diminution de la consommation spécifique de carburants aux 100 km, soit par une électrification des véhicules, soit, bien sûr, par une combinaison des trois mesures. Que signifierait une électrification des véhicules à essence pour atteindre seule cette épargne ? Un véhicule électrique (VEL) consomme en moyenne 20 kWh(él)/100 km (avec environ 90% de rendement) et un véhicule à essence 60 kWh(th)/100 km (avec environ 30% de rendement). À raison de 15’000 km/an, un véhicule à essence consomme ainsi 0.77 t d’essence par an. Pour la seule part « essence » de l’épargne, il faudrait diminuer de 50% les 3.164 Mt d’essence, soit 1.582 Mt, ce qui correspondrait à supprimer 2 millions de véhicules à essence ! Si ces 2 millions de voitures à essence (avec 30% de rendement) étaient remplacées par deux millions de VEL (avec 90% de rendement), leur consom-mation d’électricité serait de 6 TWh. En regard de ce chiffre (presque 10% de la consommation électrique actuelle du pays), on a éteint la centrale nucléaire de Mühleberg qui assurait 3 TWh par an, soit 5% de la consommation du pays. Ce remplacement de véhicules à essence d’ici à 2030 représenterait donc une production (encore à couvrir) équivalant à deux centrales nucléaires de Mühleberg.

Il faut encore remplacer 50% des 2.298 Mt de diesel, soit 1.149 Mt, et 50% de 1.428 Mt de kérosène, soit 0.714 Mt — tout cela éventuellement par des moteurs avec piles à combus-tible à hydrogène (avec 60% de rendement), à produire aussi par électrolyse (avec 70% de rendement), donc avec une consommation d’électricité, probablement de l’ordre de 15 TWh supplémentaires —, et encore 50% de 4.452 Mt de combustibles, soit 2.226 Mt, par exemple, par un renforcement des isolations des bâtiments, mais aussi par l’emploi de pompes à chaleur électriques (avec un COP de 3), ce qui représenterait encore une demande en électricité supplémentaire de près de 9 TWh, soit encore 15% de la consom-mation électrique actuelle du pays.

Au total, toutes ces mesures d’économie d’émissions se transposent dans une consomma-tion accrue d’électricité de près de 30 TWh, soit 50% de la consommation actuelle ! On voit qu’il est très facile de parler de 50% de réduction des émissions, mais il est bien plus réaliste de considérer de près à quoi cela devrait correspondre très concrètement. À l’hori-zon 2050, si l’on voulait atteindre zéro émissions de CO2, ce chiffre est à doubler et la demande supplémentaire en électricité avoisinerait 60 TWh, soit 100% de la consomma-tion actuelle…

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2 commentaires pour Projet de Loi fédérale sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre – 2ème partie

  1. JL Dreyer dit :

    Remarquable article !
    Vraiment remarquable, étoffé, complet et convaincant !
    Bravo !
    Jean-Luc Dreyer

  2. herculano4 dit :

    La loi sur le CO2 c’est du Commerce.
    Taxer les billets d’avion va pénaliser les pauvres et la classe moyenne. Pour les bons salaires ce n’est pas grave.
    L’idéal serait de donner à chaque citoyen X km de vols par année.
    Qui ne voyage pas pourrait vendre ses km.
    Cela pourrait être intéressant.

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