Bien sûr, les 10 ans de Fukushima ont été l’occasion pour les anti-nucléaires de se faire entendre. Leur anti-nucléarisme aveugle ne s’est pas renouvelé, il met toujours les mêmes arguments en avant. Fait réjouissant : les analyses réalistes du nucléaire supportent très bien l’épreuve des ans.
Survol de quelques publications marquantes et des principaux arguments.

Jacki Guérinot, ingénieur en génie atomique, ancien inspecteur au parc nucléaire EDF, ancien chargé de mission à la Délégation aux Risques Majeurs
« FUKUSHIMA, bilan de l’accident 10 ans après »
J. Guérinot fait une analyse précise des raisons pour lesquelles les réacteurs de Fukushima (Concept américain BWR de GE) ont pu relâcher des quantités excessives de radioactivité. Message principal : les centrales occidentales avaient été rééquipées de plusieurs systèmes de sécurité pour éviter une fusion du cœur ou une libération forte de radioactivité. Ces systèmes manquaient à Fukushima. Les mêmes situations ne peuvent pas se reproduire en Occident (Europe, USA).
Extraits :
« Finalement, l’accident de Fukushima est arrivé parce que la sûreté nucléaire n’avait pas fait l’objet d’une priorité quotidienne et exigeante requérant l’attention d’une ingénierie spécialisée s’interrogeant sur le retour d’expérience issu du parc nucléaire mondial ».
« … le tsunami très destructeur survenu en Indonésie en 2004 (200 000 morts) n’avait pas donné lieu à un exercice de retour d’expérience explicite à la centrale de Fukushima. Celui-ci, normalement réalisé par l’ingénierie de sûreté de la centrale, aurait dû amener TEPCO à surélever les diesels de secours, ce qui était tout à fait possible entre 2004 et 2011, auquel cas il n’y aurait jamais eu d’accident nucléaire à Fukushima ».
__________________________________________________________________________________________________________________________
Géraldine Woesner / Le Point, une journaliste qui se démarque souvent en privilégiant avec courage l’analyse scientifique à l’idéologie politique
« Zéro mort, aucun cancer : le vrai bilan de l’accident nucléaire de Fukushima »
https ://amp.lepoint.fr/2417139
Géraldine Woesner fait le point sur le nombre de victime des accidents des centrales de Fukushima sur la base des meilleures analyses par des spécialistes de santé publique et des effets des radiations :
Extraits : citant le dernier rapport de 248 pages rédigé par l’UNSCEAR, comité scientifique de l’ONU créé en 1955 (voir le lien dans l’article du Point), G. Woesner déclare,
« Confirmant celles de ses précédents rapports, ses conclusions vont totalement à rebours de la perception qu’en ont les opinions publiques : 55 % des Français restent persuadés que les retombées radioactives de l’accident ont causé des centaines de morts, selon le dernier baromètre de perception des risques de l’IRSN. La réalité ? Elles n’en ont causé aucun, et aucun cas de cancer n’a pu être, dix ans après, lié à ces mêmes retombées radioactives. Aucun impact n’a non plus été démontré sur l’environnement, profondément altéré, en revanche, par les opérations de décontamination pharaoniques engagées les années qui ont suivi l’accident par les autorités japonaises ».
______________________________________________________________________________________________________________________________
Haut Commissaire au Plan (Gouv. F, François Bayrou)
« Électricité: le devoir de lucidité »
Résumé:
https://www.gouvernement.fr/electricite-le-devoir-de-lucidite
Rapport:
https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2021/03/electricite_le_devoir_de_lucidite.pdf
La France s’est un peu faite la championne d’une transition écologique qui devrait permettre à terme de se passer du nucléaire. Dans ce rapport, les spécialistes du gouvernement français tombent le masque et soulignent (enfin) qu’il n’est pas possible à la fois de :
— réduire les émissions de CO2
— de maintenir la sécurité d’approvisionnement en électricité (et la prospérité)
— de se passer du nucléaire
Extraits:
« Augmentation massive de la consommation d’un côté, diminution
massive de nos capacités de production de l’autre, le simple
rapprochement de ces deux orientations montre qu’il existe un
gouffre entre l’évolution annoncée de notre consommation
électrique et celle de notre production.
Il est inéluctable que nous allons droit à des difficultés
considérables et même à une impasse, nous empêchant
techniquement de remplir en même temps les objectifs que nous
prétendons solennellement avoir fixés ! «
(…)
« Il apparaît donc en réalité, que sous couvert de promesses
optimistes, nous nous dirigeons vers un certain nombre d’impasses
extrêmement préoccupantes pour l’avenir.
De sorte que le débat sur l’énergie tel qu’il se développe est un lieu
de non-dits ou d’a priori, jamais dévoilés, dont la persistance
empêche la tenue d’une discussion publique, sincère et efficace. «
____________________________________________________________________________________________________________________
Gregory Bovay, Centre Patronal Vaud, responsable politique énergétique
« La sortie du nucléaire rend la Suisse vulnérable »
Gregory Bovay ose faire le même constat en Suisse que la France : sans nucléaire, avec les seules énergies renouvelables, on va vers la pénurie d’électricité avec des risques de grandes pannes (black Out).
Extraits :
« Prise dans une relative précipitation, cette décision (la sortie du nucléaire) est pourtant lourde de conséquences dans la lutte contre le réchauffement climatique. En effet, la décarbonisation favorise l’électrification et entraînera une hausse considérable de la consommation d’électricité en Suisse, alors que notre pays se voit amputer progressivement de la production issue du nucléaire (encore 32% en 2018). Malgré un soutien financier conséquent, la production issue des énergies renouvelables ne semble pas à ce jour capable de pouvoir remplacer l’énergie atomique ».
« Cette situation questionne notre sécurité en approvisionnement. Elle révèle aussi une certaine hypocrisie puisque pour faire face aux besoins en matière d’énergie et d’électricité, nous sommes contraints d’acheter celle-ci à des pays producteurs notamment d’énergie nucléaire ou issue du charbon. De plus, la réorientation énergétique planifiée de nos pays voisins nous oblige à payer davantage une énergie que nous aurions la capacité de produire sur notre sol ».
________________________________________________________________________________________________________________________
Gérard Petit, R&D, ingéniérie, formation, exploitation et inspection dans l’électronucléaire
« Virus, réchauffement, nucléaire : « vivre avec », une philo protéiforme »
Gérard Petit nous montre qu’il n’y a pas que le nucléaire qui soit l’objet d’une perception faussée de la réalité par l’opinion publique. En cause la politisation du débat qui conduit à une grande désinformation. La pandémie, le climat, conduisent à des malentendus de même nature que le nucléaire
Extraits :
« L’Europe de l’ouest toute entière, développe massivement les sources électriques renouvelables (éolien on et offshore, solaire PV) et y consacre déjà des sommes considérables qui devront être décuplées, pas moins, si on met en œuvre les vertigineux programmes annoncés.
Rien n’indique pourtant que de tels développements soient pertinents lorsqu’ils visent à se substituer au nucléaire, qui n’émet pas davantage de GES, voire moins, malgré la désinformation massive en la matière, qui est un signe en soi ». « En variant encore sur le thème du « vivre avec », le nucléaire s’invite naturellement. Seul moyen avec l’hydraulique de produire en masse et à la demande une électricité décarbonée, il est pourtant rejeté, parfois violemment, souvent irrationnellement par l’opinion. Celle-ci, en effet, ne se voit que rarement présenter objectivement un bilan bénéfices/coûts pourtant très favorable. Mieux peser chacun des deux termes du ratio aiderait puissamment à montrer qu’il est censé, pour une société moderne, de vivre avec le nucléaire ».
______________________________________________________________________________________________________________________________
Rodney Stark (USA), sociologue des religions
« Comment l’Occident a-t-il triomphé ? »
Article sur le livre de Rodney Stack par Rodolphe van Cauwenberghe dans Contrepoints
https://www.contrepoints.org/2021/04/02/394440-comment-loccident-a-t-il-triomphe
Analyse étonnante, qui sort un peu du nucléaire. Parce que le nucléaire n’est pas la seule phobie d’une partie de l’opinion publique. Rodney Stark analyse ici une autre phobie qu’on peut observer en Occident : on peut l’appeler phobie anti-rationalité, anti-progrès, voire anti-démocratie. Cette phobie englobe l’antinucléarisme, qui n’en n’est que faible partie. Une des facettes s’appelle « décolonialisme ». Elle se traduit par une stigmatisation systématique et sans nuance de l’homme blanc qui à travers la colonisation se serait montré machiste, raciste et suprémaciste. Cette analyse essaie de remettre la cause de l’occidental et de la chrétienté dans une plus juste perspective. En sommes elle fait pour l’homme blanc ce que le ClubEnergie essaie de faire pour le nucléaire. Mais nous avouons sortir de notre stricte domaine de compétence. Que le lecteur juge lui-même les thèses de Rodney Stark.
Extraits :
« La domination romaine a nui au développement de l’Occident. Le Moyen-Âge n’a pas été une ère obscure mais une formidable période d’innovation technique. Le catholicisme a promu le capitalisme bien avant que la Réforme ne pointe son nez ».
« À la différence des anciens Grecs, les Juifs (et les Chrétiens ensuite) croyaient en un Dieu parfait, donc forcément logique, qui devait avoir organisé le monde selon des règles compréhensibles. Cette vision des choses encourageait les croyants à l’observation et à l’étude de tous les phénomènes naturels pour leur trouver des explications rationnelles. Cette mentalité a perduré ».
« Le commerce transatlantique enrichira les marchands au point de pérenniser l’établissement de la bourgeoisie. C’est de cette classe moyenne aisée que seront issus les grands inventeurs des siècles suivants, notamment ceux de la révolution industrielle du XIXe siècle ».
« Études à l’appui, Stark évoque les répercussions positives des actions de l’Occident dans leurs colonies, dans le domaine de la médecine, de l’instruction, de l’opinion (avec le développement des journaux locaux) et de la politique ».
« Renforcé par une épaisse bibliographie, How the West won (voir le lien dans l’article de Contrepoints) constitue un intéressant outil de survie pour les téméraires qui souhaitent défendre les deux pestiférés de notre époque, le libéral et l’Occidental ».
Remarque personnelle : paradoxe, c’est en Occident que le nucléaire rencontre le plus d’opposition politique, alors qu’il est bien admis en Chine, en Russie et en Asie.
jfd / 3-04-2021
Ping : 10 ans après Fukushima : des analyses positives sur le nucléaire émergent. – Cri Voix Des Victimes
Je n’ai rien à objecter aux articles proposés ici, excepté pour le dernier (van Cauwenberghe), où l’auteur prend des libertés étonnantes avec l’histoire.
L’affirmation suivante :
« À la différence des anciens Grecs, les Juifs (et les Chrétiens ensuite) croyaient en un Dieu parfait, donc forcément logique, qui devait avoir organisé le monde selon des règles compréhensibles. Cette vision des choses encourageait les croyants à l’observation et à l’étude de tous les phénomènes naturels pour leur trouver des explications rationnelles. Cette mentalité a perduré »
est démentie par une simple lecture historique de la Renaissance.
Cette période de l’histoire s’étend aux XIVe et XVe siècles. Elle est précédée d’une pré-Renaissance dès le XIIe. Elle a consisté principalement à redécouvrir les textes des auteurs grecs de l’antiquité ainsi que les arts de la même époque. Si l’on doit au moines savants du Moyen-Age la conservation et la traduction des textes grecs et arabes anciens, c’est bien leur contenu de ces derniers qui a été la moteur de la Renaissance et non le monde biblique. Voir [1,2].
Pour ce qui est de la science, Euclide, Pythagore, Archimède ou Hippocrate sont grecs. Et en simplifiant beaucoup, la science moderne est née avec Galilée puis Newton (XVI et XVIIe), après la Renaissance.
Quand aux supposés bienfaits de la colonisation, il faut lire un autre article qui apparait en marge de la page de celui de van Cauwenberghe, qui dit pratiquement le contraire [3] :
Sa conclusion :
« L’histoire économique montre donc clairement que les pays développés ne doivent pas leur prospérité à la colonisation mais que celle-ci a été un dramatique jeu à somme négative que récusaient les partisans du libéralisme économique. »
Le paradoxe que relève JFD en conclusion (« paradoxe, c’est en Occident que le nucléaire rencontre le plus d’opposition politique, alors qu’il est bien admis en Chine, en Russie et en Asie. ») peut être résolu avec ce qui précède.
Le monothéisme a instauré le dogmatisme en Occident et a réprimé durement tout ce qui le contrariait. On en est sorti dans l’histoire récente, mais beaucoup de nostalgiques du dogmatisme et de l’arrogance qui l’accompagne le regrettent. On les trouve aujourd’hui, dans les ‘sciences alternatives’ (par exemple la biodynamie qui invoque des lois cosmiques non-démontrables, ou l’homéopathie -qui date de 1796, bien avant que l’on connaisse l’existence de atomes- qui refuse les études d’efficacité classiques de la médecine au prétexte qu’elle n’est ‘pas compatible avec ces dernières’, etc). Et aussi dans les mouvances anti-sciences ‘dures’, qu’une fraction des sciences humaines prétend régenter ou brider, rejointes en cela par une partie des églises. Ces mouvances tendent donc à éliminer l’héritage de la Renaissance. Leurs adeptes sont évidemment libres de penser et de vivre comme ils l’entendent. Ce qui pose problème est que certains d’entre eux voudraient imposer leur vues à tous, au besoin par des interdictions strictes, comme le montre de multiples dépôts d’initiatives populaires et des manifestations qui tendent vers la violence. Chez ceux-là, la défense du climat et de l’environnement n’est qu’un prétexte, qui perturbe une approche réaliste des problèmes.
Tous ces arguments devraient être affinés et mieux justifiés, mais ce serait trop pour une commentaire.
[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Renaissance
(Voir le paragraphe 3.3)
[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Renaissance_du_XIIe_siècle
[3] https://www.contrepoints.org/2021/04/03/381675-notre-prosperite-sest-elle-batie-sur-le-pillage-des-colonies