La science et la politique du changement climatique

Lennart Bengtsson

Paru en allemand dans la NZZ du 14.04.2014

Traduction française par Jean-Pierre C. pour Contrepoints, parue le 18.04.2014

Depuis la fin du XIXe siècle, nous savons que le climat de la Terre est sensible aux gaz à effet de serre (GES) de l’atmosphère. À cette époque, le chimiste suédois Svante August Arrhenius (1859-1927) a montré qu’une augmentation de la concentration de CO2 créerait un réchauffement du climat. Cependant, Arrhenius avait peu d’espoir que cela arriverait. Par conséquent, les Suédois devraient continuer à souffrir d’un climat triste et froid ! Depuis lors, beaucoup de choses ont changé. Les émissions annuelles de CO2 sont désormais à peu près 20 fois plus grandes que celles de 1896. C’est une source de préoccupation dans le monde entier.

Plus de CO2 dans l’atmosphère conduit sans aucun doute à un réchauffage de la surface de la Terre. Cependant, la mesure et la vitesse de ce réchauffement sont toujours incertaines parce que nous ne pouvons pas encore suffisamment séparer l’effet de serre des autres influences climatiques. Bien que la contrainte radiative par les GES (incluant le méthane, les oxydes d’azote et les fluorocarbures) ait augmenté de 2,5 watts par mètre carré depuis le milieu du XIXe siècle, les observations montrent seulement un réchauffement modéré de 0,8 °C. Donc, et de manière significative, le réchauffement est plus faible que prévu par la plupart des modèles climatiques.

De plus, le réchauffement au dernier siècle n’a pas été uniforme. Les phases de réchauffement manifeste ont été suivies de périodes sans réchauffement du tout ou même par du rafraîchissement. La relation complexe, seulement partiellement comprise, entre les gaz à effet de serre et le réchauffement climatique conduit à un dilemme politique. Nous ne savons pas quand un réchauffement de 2 °C arrivera. Le GIEC (Groupe  Intergouvernemental d’Experts sur l’Évolution du Climat) suppose que la Terre se réchauffera de 1,5 à 4,5 °C pour un doublement de concentration de CO2. Cependant, ces hautes valeurs de sensibilité climatique ne sont pas celles mesurées. Autrement dit, le réchauffement climatique n’a pas été un problème sérieux jusqu’ici si nous faisons confiance aux observations. C’est seulement un problème lorsque nous croyons aux simulations climatiques des modèles informatiques.

Il n’y a aucune alternative à de telles simulations informatiques pour prévoir le futur. Cependant, puisqu’il est impossible de les valider, les prévisions sont plus une question de foi qu’un fait établi. Le GIEC a publié son avis d’experts, il y a quelques mois, et l’a présenté sous forme de probabilités. Tant que les résultats ne peuvent pas être appuyés par des modèles validés, ils produisent une fausse impression de fiabilité.

Les États membres de l’Union Européenne poursuivent la stratégie de réduire le risque climatique à un minimum en réduisant l’utilisation de combustibles fossiles dans le temps le plus court. Beaucoup de citoyens sont opposés au risque et soutiennent donc cette politique. De plus, beaucoup veulent la suppression progressive de l’énergie nucléaire que l’on voit aussi comme trop risquée. Éliminer à la fois l’énergie nucléaire et les combustibles fossiles est un énorme défi. Néanmoins, l’Allemagne et la Suisse ont opté pour une telle transition énergétique. Poursuivre une telle politique énergétique radicale, et probablement risquée, est un engagement énorme au vu des capacités économiques et techniques limitées des deux pays.

Il y a deux choses qui doivent être abordées dans ce contexte :

  • Premièrement, de telles transitions énergétique feront peu malheureusement pour réduire les émissions de CO2 mondiales, puisque 90% de ces émissions viennent de pays en dehors de l’Europe. Beaucoup de ces pays vont probablement accroître leurs émissions de CO2 dans l’avenir, avec leurs augmentations de population et leur priorité absolue d’améliorer le niveau de vie de leurs citoyens. La Chine est un cas spécial. Ses émissions de CO2 ont plus que doublé la dernière décennie et sont maintenant d’environ 50% plus grandes que celles des États-Unis. Pour diverses raisons, il n’y a aucune alternative pour l’instant aux combustibles fossiles dans les pays en voie de développement. La forte demande en énergie est pressante. Il y a maintenant 1,3 milliard de personnes qui n’ont pas accès à l’électricité. Pour réduire leurs émissions de CO2 facilement et rapidement, les pays de l’OCDE ont externalisé une partie de leur production à forte consommation d’énergie vers les pays en voie de développement. Dans les statistiques nationales, cela a bonne allure. À l’échelle mondiale cependant, il n’y a pas beaucoup de changement, puisque les émissions de CO2 se produisent tout simplement ailleurs.
  • Deuxièmement, la transition rapide vers les sources d’énergie renouvelables est accompagnée d’une augmentation considérable du prix de l’énergie dans beaucoup de pays et particulièrement en Europe. Cela a affaibli la compétitivité et a conduit à une délocalisation d’industries à forte consommation d’énergie vers des pays comme les États-Unis, où le prix de l’énergie a baissé significativement avec l’utilisation du gaz de schiste.

Ce n’est pas une surprise qu’il y ait d’autres forces qui conduisent à un changement rapide. Puisque, quand des subventions publiques sont impliquées, des profits énormes sont disponibles. Cependant, avant que des changements radicaux et hâtifs du système énergétique actuel ne soient mis en œuvre, il doit y avoir des preuves solides que le changement climatique est vraiment nuisible. Nous sommes toujours loin d’une telle preuve. Il serait faux de conclure en lisant le rapport du GIEC et les rapports semblables que la question scientifique est réglée.

Nous ne connaissons pas encore la meilleure façon de résoudre les problèmes énergétiques de notre planète. Mais beaucoup de choses peuvent se produire dans les 100 ans qui viennent. Une sensibilité climatique modérée, comme suggérée par des observations récentes, pourrait fournir au monde un moment de répit d’environ un demi-siècle (mais pas beaucoup plus longtemps) si dans le même temps un changement du charbon au gaz naturel s’accomplit. Cela nous donne l’occasion d’éviter d’inutiles investissements dans la panique et de plutôt investir les ressources disponibles dans des programmes de recherche orientés, bien réfléchis et à long terme. Ceux-ci incluent les nouveaux types d’énergie nucléaire aussi bien que l’utilisation des déchets nucléaires pour produire de l’énergie.

[*] Lennart Bengtsson était jusqu’à 1990 le directeur de l’Institut Max Planck de Météorologie de Hambourg. Après sa retraite, il a dirigé, entre autres, le Département des Sciences de la Terre à l’Institut International des Sciences Spatiales (ISSI) à Berne. Il a fait un rapide passage à la Global Warming Policy Foundation (GWPF) dont il a démissionné peu de temps après, en dénonçant, dans sa lettre de démission, un genre de McCarthysme ambiant dont la pression lui était devenu proprement intolérable.

 

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