La Commission fédérale de l’électricité (ElCom) est davantage préoccupée par la capacité de la Suisse de faire face à l’arrêt programmé des centrales nucléaires sans devoir recourir à des importations massives de courant, principalement de France. « Il faut se rappeler que l’Italie, qui s’est passée du nucléaire et a recouru massivement aux importations d’électricité, facture le courant le plus cher de toute l’Europe », relève Antonio Taormina, vice-président de l’ElCom.
Dans un article du Temps du 13 juin 2014, on trouve cette déclaration lucide, et courageuse, d’Antonio Taormina. Ce dernier est aussi senior consultant chez Alpiq après avoir été membre de la direction générale et chef de la division Energy Western Europe business.
Le marché suisse de l’électricité est partiellement ouvert depuis 2009. Mais il a fallu cinq ans pour constater de réelles évolutions. La plupart des grandes entreprises ont récemment changé leur comportement d’achat de courant électrique, en faisant jouer la concurrence entre les fournisseurs. C’est l’une des constatations faites par la Commission fédérale de l’électricité (ElCom), qui a tiré, jeudi, le bilan de l’année 2013.
L’an dernier, note Carlo Schmid, président de l’ElCom, les entreprises dites éligibles, soit celles qui consomment plus de 100 000 kWh par an, ont massivement choisi de sortir du marché des prix fixes pour entrer sur le marché libre. Il reste encore un potentiel de libéralisation non exploité, mais 27% des entreprises consommatrices concernées, couvrant théoriquement 47% du volume sur le marché libre, ont déjà franchi le pas en octobre 2013 afin de modifier leurs contrats d’approvisionnement en 2014.
Le bond est important. Il correspond à un doublement comparé à 2013, alors qu’une progression semblable s’était déjà produite entre 2011 et 2013. 28 000 entreprises, dont de nombreuses PME – puisqu’une boulangerie industrielle ou un grand hôtel sont déjà des consommateurs qui peuvent atteindre la limite de 100 000 kWh – ont la possibilité d’entrer sur le marché libre de l’électricité; 7500 d’entre elles ont désormais opté pour le marché libéralisé et totalisent une consommation annuelle de 9 milliards de kWh, alors que 19 milliards sont théoriquement en libre marché sur une consommation totale de quelque 53 milliards de kWh.
Ce changement de tendance est lié à l’effondrement des prix sur le marché européen de l’énergie, ce qui pose problème à de grands producteurs suisses qui ne peuvent plus couvrir les coûts des installations hydroélectriques récentes. Alors qu’en 2009 le prix sur le marché était supérieur au prix réglementé appliqué aux consommateurs captifs, ce n’est plus le cas depuis quelques années. Selon une récente statistique de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN), les entreprises paient aujourd’hui leur courant en moyenne 20% moins cher que les particuliers. Ces derniers devraient pouvoir accéder au marché libre dès la fin de 2017 si l’avant-projet de libéralisation totale, promis cette année par la conseillère fédérale Doris Leuthard, franchit sans dommage le cap du parlement, voire celui du référendum populaire.
L’ElCom a également présenté jeudi un rapport sur l’état de la sécurité de l’approvisionnement en électricité du pays. Son constat est positif. «Cette sécurité est bonne aujourd’hui et à moyen terme», indique Carlo Schmid, qui relève que les investissements dans les réseaux de distribution se poursuivent à un rythme normal, de l’ordre de 1,4 milliard de francs par an. Les coupures de courant ont été faibles en 2013 en moyenne européenne. Deux consommateurs suisses sur trois n’en ont jamais subi l’an dernier. Lorsqu’elles se sont produites, elles ont représenté une durée moyenne de vingt-cinq minutes par consommateur en Suisse, contre une heure en France et quarante-cinq minutes en Italie.
L’ElCom est davantage préoccupée par la capacité de la Suisse de faire face à l’arrêt programmé des centrales nucléaires sans devoir recourir à des importations massives de courant, principalement de France. «Il faut se rappeler que l’Italie, qui s’est passée du nucléaire et a recouru massivement aux importations d’électricité, facture le courant le plus cher de toute l’Europe», relève Antonio Taormina, vice-président de l’ElCom.
Le problème de dépendance se situe donc davantage au niveau du prix que des capacités physiques des réseaux, puisque la Suisse dispose d’une capacité d’importation de 6250 mégawatts (MW), dont 3060 en provenance de France, alors que la consommation suisse nécessite une puissance de 5000 à 10 000 MW.