L’accident CFF de Daillens incite à revenir sur la manière dont notre société débat et gère les risques, manière assez différente selon la technologie concernée : chimie, aéronautique ou nucléaire.
Deux éléments de réflexions en relation avec l’accident CFF de Daillens:
1) l’attitude de Doris Leuthard : son agacement face aux critiques montre que réagir à chaud sur un accident peu banal, à la veille d’élections fédérales, est un exercice plus difficile que de promettre le nirvana énergétique pour 2050.
2) en matière de transport de matières dangereuses chimiques et nucléaires, il vaut la peine de comparer les approches de sécurité. Si on gratte la réalité derrière les idées reçues, le nucléaire est plus une solution que le problème.
1) l’attitude de Doris Leuthard: le cas Daillens vs le cas Fukushima
Doris Leuthard répond aux critiques après l’accident survenu à Daillens dans un article de dans 24H du 28-04-2015, voir: http://www.24heures.ch/suisse/rail-risques-existent/story/29766805?track
Extraits:
- Le risque zéro n’existe pas
- il n’y a pas eu de victimes
- Il ne faut pas oublier que toutes ces substances sont importantes pour notre économie
- Dans le cas de Daillens, je rappelle qu’à aucun moment la population n’a couru de danger. Il ne faut pas exagérer aujourd’hui.
Sur le fond, elle calme le jeu sur Daillens en disant ce qu’elle aurait pu ou dû dire sur Fukushima, où elle a préféré attiser la peur. Sur la forme, elle cache mal son irritation: réagir à chaud sur un accident peu banal. à la veille d’élections fédérales, se révèle, pour notre ministre des transports et de l’énergie, un exercice plus difficile que de promettre le nirvana énergétique pour 2050. Elle fait penser à une institutrice agacée par ces « gamins » qui ne font que râler parce qu’il faut 3 X le temps habituel pour aller de Neuchâtel à Lausanne (via Berne) ou parce qu’ils sont régulièrement proches d’une ligne CFF.
2) transports de matière dangereuses: nucléaire vs chimie
La comparaison du débat sur la sécurité aéronautique vs nucléaire était pleine d’enseignement (c’était sur: https://clubenergie2051.ch/2015/04/03/securite-nucleaire-et-aeronautique-une-comparaison-pleine-denseignements/) .
Il en va de même si on compare la sécurité du transport de matières radioactives ou de toxiques chimiques. Le point central est que: a) on vise une sécurité absolue dans le nucléaire avec des conteneurs de transport blindés qui doivent résister à la fois à une collision avec une locomotive lancée à 100 km/h, un incendie d’une 1/2 h et une immersion dans un lac par 100 m. b) ce type de mesure est possible dans le nucléaire parce que le report sur le coût du kWh est à peu près indolore. C’est lié à la densité énergétique de l’Uranium: 1g U 235 est équivalent à 1,5 t de pétrole. On fait beaucoup plus d’énergie avec beaucoup moins de matière dans le nucléaire, que le coût des soins pris pour sécuriser la matière se retrouve fortement dilué lorsqu’il est ramené au kWh. Le conteneur blindé n’est simplement pas payable dans le cas de la chimie. Lire à ce sujet les réflexions faites, il y a un peu moins d’une année, à propos de la catastrophe ferroviaire de Lac Mégantic, sur: http://www.lesobservateurs.ch/2013/07/11/lac-megantic-et-le-transport-de-matieres-dangereuses/ Regardez en particulier les deux vidéos de l’article, celle sur l’accident de Lac Mégantique et celle montrant un crash test de conteneur blindé de transport de matières radioactives. Elles sont toutes deux, à leur façon, impressionnantes.
Jean-François Dupont / 29-04-2015