De nouvelles formes de stockage d’électricité existeront qui – selon une lettre de lecteur de M. Serge Ansermet, ancien secrétaire du WWF Vaud, parue dans Le Temps du 21 mars – deviendraient moins coûteuses que nos barrages. Il faut se confronter aux chiffres pour relativiser ces dires.
Rappelons (chiffres arrondis de l’année hydraulique 2013/14 et de l’année hydraulique 2014/15) que 56% (34 TWh, ou milliards de kWh) de la consommation annuelle brute d’électricité en Suisse (62 TWh) a lieu en hiver, une part qui est couverte à 41%, soit 14 TWh par nos centrales nucléaires, celles-ci assurant la demande de base (ou en ruban) avec une puissance de 3,3 GW, mais les 17 TWh de nos centrales hydrauliques sont en majeure partie exportés en énergie de pointe vendue chèrement à l’Italie principalement puisqu’on exporte 19 TWh en hiver ; il nous faut donc importer 20 TWh pour compléter et assurer la consommation du Pays de 34 TWh en hiver :
HIVER 2013/14 ÉTÉ 2014 TOTAL HIVER 2014/15 ÉTÉ 2015 TOTAL
HYDRO 17 22 39 18 22 40
NUCLÉAIRE 14 12 26 14 10 24
AUTRES 2 2 4 2 2 4
TOTAL BRUT 33 36 69 34 34 69
POMPAGE -1 -2 -3 -1 -2 -3
TOTAL NET 32 34 67 34 33 66
EXPORT NET -19 -23 -42 -20 -24 -44
CONSOMMATION
PART NATIONALE 14 11 25 14 8 22
IMPORT NET 20 17 37 21 20 41
CONSOMMATION
BRUTE 34 28 62 34 28 63
PERTES -2 -2 -4 -2 -2 -4
CONSOMMATION
NETTE 32 26 58 32 26 58
Si la part nucléaire venait à être supprimée, il faudrait que les nouvelles sources d’énergie renouvelables prévues par la Stratégie énergétique 2050 (éolien et surtout photovoltaïque), principalement actives pour les 2/3 de leur production en été, produisent en été non seulement de quoi remplacer les 12 TWh produits actuellement par les centrales nucléaires durant cette saison, mais, en plus, un excès à stocker sous une forme ou une autre pour pouvoir l’utiliser en hiver. Il s’agirait donc de stocker, par exemple, au moins de quoi produire par turbinage l’équivalent des 14 TWh du nucléaire d’hiver qui serait manquant. Avec 80% de conversions du pompage-turbinage, il s’agirait de stocker par pompage 17,5 TWh. Cela représente neuf fois la capacité de la Grande Dixence, une installation qu’il ne semble pas possible de répliquer en Suisse.
Venons-en aux autres formes proposées. Imaginons la mise en œuvre de futures batteries, parmi les meilleures possibles, celles au lithium-air (ou lithium-oxygène), ayant une capacité (purement théorique) très élevée de 12 kWh par kg de lithium, mais pratiquement de 5 kWh/kg. On n’en est pas encore là : entre 1,7 et 2,4 kWh/kg à ce jour. Pour stocker un seul TWh, avec la capacité théorique, il faudrait 83’000 tonnes de lithium, soit un volume de 156’000 m3. Pour les 14 TWh à retrouver en hiver, ce serait un volume de 2,2 millions de m3, ou un cube de 130 m de côté, soit une masse de 1,2 million de tonnes de lithium pur. Cela représente 35 fois la production mondiale annuelle de lithium qui est de 34’000 tonnes. Et ne parlons pas du prix ! Pour information, la tonne de lithium métal coûte actuellement 270’000 USD. Chacun peut faire la multiplication…
Christophe de Reyff
(mise à jour du 30 juin 2016)
Ping : ClubEnergie2051.ch recommande de voter non à la Stratégie 2051 le 21 mai 2017. Les arguments en bref. | clubenergie2051.ch
Les faits sont obstinés …
Cela n’empêche pas des ingénus de croire ce qu’ils désirent : une solution simple au problème compliqué des énergies intermittentes.
Autre aspect toujours ignoré : stocker et restituer de l’énergie passe toujours par des pertes. Il faut donc produire encore plus pour gagner moins. Elles sont de l’ordre de 10-20% dans l’hydraulique et beaucoup plus dans le thermique. Pour les grosses batteries rechargeables, si elles se développent à l’échelle du GWh, il faudra prévoir de grandes surfaces de refroidissement..