Rappel : une très bonne raison – entre autres – pour laquelle il ne faut pas renoncer au nucléaire …

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On trouvera ici des données chiffrées que l’on n’a pas vues lors de cette campagne sur l’initiative de sortie du nucléaire. La conclusion, alléchante, saura retenir l’attention des lecteurs ne craignant pas trop les chiffres, en particulier ceux d’entre eux qui sont actifs dans l’économie ou la finance, pour lesquels des données en milliards sont – sans jeu de mot – monnaie courante …

Le parc nucléaire suisse actuel, qui va durer 50 ans, aura demandé au total 3’600 t (tonnes) de combustible, à raison de 72 t par an. Ce combustible est constitué de petites pastilles d’oxyde d’uranium enfilées dans de longs « crayons » métalliques maintenus dans des assemblages, appelés éléments combustibles. La composition isotopique initiale du combustible est d’environ 4% d’uranium 235 et 96% d’uranium 238, le premier étant fissile, le second fertile ; cela signifie que seul le premier isotope peut fissionner spontanément et que le second peut, sous l’effet des neutrons issus des fissions, se transmuter, par exemple, en plutonium 239 qui est lui-même aussi fissile. Après séjour de quelques années dans un réacteur de production, on retire les éléments combustibles pour les stocker dans une piscine durant plusieurs années afin de laisser décroître la radioactivité.

L’inventaire de ce combustible « usé » est maintenant le suivant : encore 1% d’U235 non fissionné, 94% d’U-238 et 1% de Pu239, accompagné d’autres actinides transuraniens en moindre quantité et formés, tout comme le Pu239, progressivement dans le cœur du réacteur par transmutation de l’U238 sous l’effet des neutrons issus de la fission. De fait, 2% de l’U238 ont été transmutés en Pu239 dont la moitié, soit 1%, a aussi fissionné et il en reste 1% de l’inventaire. Les 4% restants sont les vrais résidus, les produits de fission ; ce sont d’autres éléments chimiques, la plupart radioactifs dont certains hautement radioactifs, avec des périodes très diverses. Ce sont là les matières qu’il faut isoler de l’environnement et gérer convenablement.

Sur les 72 t de combustible utilisées par année, seules un peu moins de 3 t ont subi la fission, soit environ 144 t en 50 ans. Reprenant notre bilan initial, après 50 ans, les 3’600 t de combustibles sont devenus 36 t d’U235, 36 t de Pu239, 3’384 t d’U238 inchangé et 144 t de produits de fission à gérer. Sachant que la densité de l’oxyde d’uranium est de 11 t/m3 (tonnes par mètres cube), le volume total initial des 3’600 t d’oxyde d’uranium frais était de 327 m3 ; le volume des oxydes d’uranium et de plutonium sortis du réacteur (soit 3’384 t d’U238, 36 t d’U235 et 36 t de Pu239) est de 307 m3 et le volume des produits de fission, d’une densité environ moitié moindre, est de 26 m3.

Actuellement la Suisse interdit dans sa loi sur l’énergie nucléaire d’exporter et de retraiter ce combustible usé. Ce retraitement consiste en la séparation chimique des matières fissiles et fertiles et des produit de fission. Cela a été une décision politique, mais qui contredit la bonne habitude suisse de trier ses déchets ! On a pu le faire durant quelques années (pour 770 tonnes exactement), mais, dès 2006, il y a actuellement un moratoire de dix ans reconduit une nouvelle fois le 14 juin 2016. En faisant soigneusement ce tri (ce qui a été mis en œuvre pendant des années), nous aurions, d’une part, ces 144 t de vrais déchets dont on devra s’occuper avec soin pour les tenir à l’écart de l’environnement, et, d’autre part, ces autres 3’456 t de matières dites valorisables. Pourquoi on parle ici de matière valorisable, parce que la future génération de réacteurs (la 4e génération en cours de développement) pourra entièrement les utiliser. En Suisse, pour l’instant, on ne fait pas cette séparation ; on va garder tels quels les éléments combustibles usés, donc ce mélange, et les stocker en profondeur, à 500 m, dans une couche d’argile sèche, vieille de centaines de millions d’années.

Il est intéressant de faire ces autres calculs simples : si toute la matière de ces 3’600 t (équivalent à 340 m3) était mise dans des conteneurs vitrifiés en la diluant à environ 4% en volume dans du verre, le volume résultant serait de 8’000 m3, soit un cube de 20 m de côté. Ce volume représente 8% des 100’000 m3 prévus par la Nagra pour tous les déchets radioactifs du pays, soit les matières plus ou moins activées des futures démolitions de centrales (bétons armés et ferrailles activés) et les résidus nucléaires de la science et de la santé. La majorité de ce volume de 100’000 m3, de la taille du hall de la gare de Zurich, est constituée de matières très faiblement radioactives et très diluées. Il faut bien noter que, du point de vue de la radioactivité, ces 8’000 m³ recèlent à eux seuls plus de 99% de toute l’activité de tous les déchets nucléaires à gérer en Suisse.

Les 8’000 m3 hautement radioactifs représentent aussi un volume d’environ 1 L (litre ou décimètre cube) par personne ! On y trouve 434 g (grammes) de matières radioactives diluées à 5% en volume dans du verre, dont 417 g sont des matières valorisable et 17 g sont des produits de fission, les vrais déchets ; ces 434 g représentent un volume de 41 cm3 (centimètres cubes ou millilitres) dont les 17 g de produits de fission représentent un volume de seulement 3 cm3, soit un dé à coudre ! Tout cela cumulé après 50 ans d’utilisation d’énergie nucléaire et par habitant.

Si, à l’exemple de ce que l’on fait pour nos déchets ménagers, et en partie pour nos déchets chimiques, la séparation et le retraitement des combustibles nucléaires usés étaient maintenus, il resterait à notre disposition les 3’456 t de matières valorisables comme nouveau combustible pour des réacteurs de la 4e génération. Sachant qu’en 50 ans on n’a utilisé que 144 t de combustible sur les 3’600 t au total, pour produire de l’électricité 50 années durant (quelque 1200 TWh au total !), nous aurions encore 3’456/144 = 24 fois la durée de 50 ans, soit 1’200 ans de production d’énergie électrique…

C’est un potentiel formidable qu’il serait absurde de négliger. Sachant que la production actuelle d’électricité nucléaire en Suisse est de quelque 24 TWh (térawattheures ou milliards de kWh) par an et que le prix de revient de la production nucléaire est de 5 centimes par kWh, on calcule que le potentiel énergétique est de 28’800 TWh (!), soit un potentiel économique faramineux de quelque … 1’440 milliards de francs ! Ainsi dans chaque kg de soi-disant déchets nucléaires issus de nos réacteurs se cachent au bas mot 400’000 francs d’énergie valorisable ! Considérant la bouteille de 1 L par personne, son contenu représente plus de 170’000 francs. Quon se le dise !

 

Christophe de Reyff

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2 commentaires pour Rappel : une très bonne raison – entre autres – pour laquelle il ne faut pas renoncer au nucléaire …

  1. Dreyer Jean-Luc dit :

    Excellent article – Félicitations ! – extrêmement bien présenté
    Pourquoi ceci n’a pas paru dans la presse durant la campagne ?

    JL Dreyer

    • Christophe de Reyff dit :

      Cher Jean-Luc,

      Merci pour ton message !
      J’avais bien sûr préalablement soumis cet article au Temps comme « Opinion » dans la page « Débats », mais en vain…

      Christophe

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