La gestion de la crise, sanitaire et économique, du Coronavirus est avec raison prioritaire. Mais des réflexions émergent déjà pour dire que les anciens débats sur l’environnement, le climat ou l’énergie vont revenir à la une des priorités. Les propositions seront, comme avant, partagées entre deux tendances : une tendance pessimiste face aux problèmes qui choisit de réduire notre niveau de vie et une tendance optimiste préférant des solutions constructives pour maintenir et renforcer notre bien-être. Pour simplifier : faut-il baisser les bras ou se retrousser les manches ?
L’option de baisser les bras fait déjà l’objet de premières réflexions dans les médias. L’idée est la suivante : l’environnement va mal, menace grave sur le climat (CO2), épuisement des ressources, pollutions qui provoquent une charge excessive à la nature, … La cause principale est un excès de consommation, dont le niveau était encore en pleine croissance juste avant la pandémie. La solution : la décroissance, par une réduction volontaire de notre niveau de consommation et donc notre niveau de vie. À l’appui de cette option, on entend deux arguments qui s’appuient précisément sur l’expérience de la pandémie :
- les réductions de consommation et de mobilité induites par la forte restriction imposée aux activités économiques et sociales (mesures de confinement) ont provoqué une réduction spectaculaire des émissions de CO2 et des émissions polluantes
- la pandémie ne peut être vaincue que grâce à la proclamation de l’état d’urgence et à la prise de mesures contraignantes et autoritaires fortes que permet l’état d’urgence. Il faut appliquer la même recette, état d’urgence et mesures drastiques d’austérité aux « autres crises ». Au nom de « sauver l’environnement ».
La thèse de « baisser les bras » : exemples.
L’interview de la climatologue Sonia Seneviratne « La planète respire un peu mieux grâce au virus » dans 24 Heures du 24-03-2020, Le coronavirus bon pour la planète S. Seneviratne 24H 24-03-2020
L’interview du climatologue Jean Jouzel : « L’urgence climatique est aussi importante que l’urgence sanitaire » dans Ouest-France su 23-03-2020, Urgence climatique comme le virus J. Jouzel O-France 23-03-2020
L’article de Jean-Christophe Graz « La transition socio-écologique sera-t-elle la grande oubliée de la relance post-Covid ? » dans The Conversation du 2-04-2020 https://theconversation.com/la-transition-socio-ecologique-sera-t-elle-la-grande-oubliee-de-la-relance-post-covid-135231
L’interview de Jacques Dubochet: «Le virus est à tout le monde, le CO2 aussi» dans Le Temps du 3-04-2020, https://www.letemps.ch/sciences/jacques-dubochet-virus-monde-co2 .
L’article de Sara Gnoni dont le titre est un chef d’oeuvre en soi «Ne revenons pas «à la normalité», car c’est précisément le problème » publié dans Le Temps du 2-04-2020 https://www.letemps.ch/opinions/ne-revenons-normalite-cest-precisement-probleme .
La thèse de « se retrousser les manches » : exemples.
L’analyse de Pierre Tarissi « Coronavirus : la consommation en baisse… comme la pollution ? » dans Contrepoints du 11-03-2020 : https://www.contrepoints.org/2020/03/11/366180-coronavirus-la-consommation-en-baisse-comme-la-pollution
L’analyse de Samuele Furfari «L’ultimatum du Covid-19 contre la transition énergétique » dans Contrepoints du 25-03-2020 : https://www.contrepoints.org/2020/03/25/367440-lultimatum-du-covid-19-contre-la-transition-energetique
L’interview de Marcel Kuntz « »En quoi la grippe espagnole était-elle due à la perte de biodiversité? » dans L’Express du 5-04-2020. Il dénonce une dérive de la politique écologique en lien avec l’agrobiologie. Ici: Grippe et perte de biodiversité M. Kuntz L’Express 5-04-2020
Les idées de base derrière les analyses de Tarissi, Furfari et Kuntz sont les suivantes :
- l’austérité et la baisse de la consommation font souffrir la population, les plus touchés sont les faibles revenus. Il y a des alternatives moins douloureuses.
- Le problème principal n’est pas la consommation, mais de cas en cas, les modes de production de nos biens de consommation qui peuvent être inefficaces et polluants. Ces défauts de production peuvent être corrigés par des améliorations technologiques qui seront beaucoup moins pénalisantes que des restrictions de consommation.
- L’épuisement des ressources et la pollution atmosphérique sont des problèmes souvent liés à l’énergie, en particulier à notre (trop) forte dépendance des agents fossiles (pétrole, gaz, charbon). Des voies existent pour diminuer cette dépendance, mais ce ne sera pas une question de semaines, comme avec la pandémie, mais des questions de plusieurs dizaines d’années. De la recherche et des investissements à long terme seront nécessaires.
- Une voie majeure est le renforcement de l’efficacité énergétique (réduction des gaspillages) et aussi les efforts de remplacement des agents fossiles par d’autres agents : le solaire (et ses dérivés) et le nucléaire.
- Les transitions énergétiques telles que promues en Suisse (Stratégie Énergétique 2050), en France (Transition Écologique) et dans l’UE (Green New Deal) font une grave erreur : elles privent la société de l’énergie nucléaire. Même si à très long terme un approvisionnement énergétique exclusivement renouvelable de la civilisation n’est pas exclu, ce sera beaucoup plus long, coûteux et pénible qu’en s’appuyant sur le nucléaire. Certains voient dans l’atome un oreiller de paresse qui nous éloignerait d’un approvisionnement entièrement renouvelable, en réalité c’est bien plutôt un tremplin nécessaire pour accéder au Graal.
- Les biotechnologies sont essentielles pour assurer une nourriture à tous et lutter contre les prédateurs et toxines naturels.
- Cette question du nucléaire ne pourra être mieux évaluée par l’opinion publique que par une meilleure information, en particulier en corrigeant une certaine désinformation qui joue sur la peur pour écarter les connaissances. Voir en particulier l’analyse de Jean-Pierre Schaeken Willemaers « L’avenir alternatif de l’électronucléaire européen » dans EuropeanScientist du 30-03-2020 https://www.europeanscientist.com/fr/redactions-choice-fr/lavenir-alternatif-de-lelectronucleaire-europeen/
Au lecteur de s’informer et de réfléchir. À chacun de trier entre fantasmes idéologiques, et dangereux, et la réalité.
Le ClubEnergie2051 a fait son choix, ses membres sont à disposition pour contribuer à une information scientifique de base.
Un constat qui concerne les médias romands.
C’est dans leurs colonnes qu’ont été trouvés la plupart des articles et analyses de la catégorie « baisser les bras » ci-dessus. Par contre, aucune des analyses de l’option « se retrousser les manches » ne se retrouve dans ces mêmes médias romands.
Souhait : une plus grande pluralité d’analyses et d’opinions.
Post Scriptum 1.
ClubEnergie2051 a souvent dénoncé un défaut rédhibitoire de la Stratégie Energétique 2050 de la Confédération : elle n’est pas réalisable. Nombreuses analyses sur ce site et sur celui du Carnot Courrot Netzwek (CCN) , site https://www.c-c-netzwerk.ch/.
Il est incompréhensible que la Confédération continue à nier l’évidence et à ne pas répondre à nos arguments technico-économiques. Dernier exemple de non-réponse : cette page publicitaire dans Le Matin Dimanche du 5-04-2020, Annonce Suisse Énergie LMD 5-04-2020 .
Post Scriptum 2.
Avant la crise du coronavirus un certain catastrophisme à la mode prédisait Le Grand Collapse avec cette idée que « l’homme est un poison pour la nature », voir https://clubenergie2051.ch/2019/03/10/le-catastrophisme-a-la-mode/ .
Le coronavirus ne nous révèle-t-il pas l’inverse, que parfois « la nature est un poison pour l’homme ». L’important : si l’homme peut être un poison, il peut aussi être le remède.
JFD / 6-04-2020
Pas d’accord avec ce post sctriptum 2… La nature est un poison pour l’homme ?
La nature peut vivre sans l’homme, souvent prédateur et empoisonneur. Elle existait avant lui.
Genèse 1, v.28: Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-la. Soumettez les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et toute bête qui remue sur la terre (Version TOB) C’est hélas à partir de cet ordre « divin » que tout s’est détérioré… Anthropocentrisme !