Décès de Silvio Borner, professeur d’économie

Silvio Borner, professeur émérite d’économie à Bâle, est mort. Il est décédé lundi 7 décembre à l’âge de 79 ans, comme l’a annoncé sa famille dans le faire-part publié dans la Neue Zürcher Zeitung du 9 décembre (voir aussi la mention parue le 9 décembre, ainsi que la nécrologie parue le 10 décembre dans la Basler Zeitung). Il a été l’un des onze membres fondateurs le 8 juin 2016 du Carnot-Cournot-Netzwerk qui lui rend ici hommage.

L’économiste, reconnu bien au-delà des frontières de la Suisse, a étudié et obtenu son doctorat à l’Université de Saint-Gall. Après avoir travaillé entre autres à l’Université de Yale aux États-Unis, il a obtenu son habilitation à l’Université de Saint-Gall où il a été nommé professeur ordinaire d’économie en 1976. Il a obtenu ensuite un poste de professeur d’économie publique à l’Université de Bâle où il a mené ses recherches et enseigné jusqu’à sa retraite en 2009.

Borner est connu du grand public grâce à ses publications de qualité dans de nombreux médias, notamment dans les colonnes de la Weltwoche, publications qui reflétaient ses opinions libérales. Ses recherches ont porté sur l’économie du développement, l’économie institutionnelle et les relations économiques internationales.

Silvio Borner a porté à plusieurs reprises une attention particulière à la politique énergétique suisse. L’expert reconnu qu’il était a régulièrement critiqué la stratégie énergétique de la Suisse et ceci jusqu’à un âge avancé. « C’est libre d’esprit, autodéterminé, fort et toujours droit que Tu as traversé cette vie », sont les mots que lui adresse sa famille dans son faire-part mortuaire. À la demande du défunt, il ne sera pas organisé de service funèbre.

NZZ – Commentateur invité

Silvio Borner, le 25 septembre 2019

La religion de l’énergie contredit les lois de la nature

Sous nos latitudes, l’énergie solaire restera un créneau en croissance mais de portée limitée. Le champ offert au développement des cellules solaires, des éoliennes et des batteries, qui est délimité par les conditions physiques et économiques, est déjà largement occupé.

La politique énergétique et climatique suisse est en compétition avec la méconnaissance des lois physique établies. De la géothermie il y a longtemps que nous n’en avons plus entendu parler, la bioénergie (hormis le recyclage des déchets) a été démasquée comme étant un désastre écologique et économique. En ce qui concerne les incendies en Amazonie, seuls les mangeurs de viande sont visés comme coupables ; en revanche, les monocultures destructrices et destinées à la production de biocarburants « sauveteurs du climat » ne le sont pas. Récemment, même des organismes officiels en Suisse ont commencé à reconnaître le quasi-épuisement de l’énergie hydroélectrique. L’énergie nucléaire est juridiquement et politiquement morte. Un vent critique souffle contre les éoliennes. Il ne reste plus qu’à mettre ses espoirs dans le soleil. Mais, sous nos latitudes, l’électricité solaire ne pourra jamais garantir l’approvisionnement de base. Plus de cinquante ans après l’invention des cellules solaires et des installations éoliennes, y compris les batteries, leur champ d’application, délimité par les limites physiques et les conditions économiques, est déjà largement occupé.

Les batteries sont gourmandes en ressources

La nouvelle religion de l’énergie donne à croire que les progrès techniques dans la conversion de l’énergie du soleil et de celle vent, et dans la capacité des batteries seront, comme pour l’informatique, de plus en plus rapides et conduiront finalement à des coûts marginaux nuls, de sorte que l’énergie tôt ou tard serait gratuite. C’est un non-sens. Les coûts marginaux ne sont pertinents qu’à court terme pour des capacités données et sans besoin d’investissements. Mais, pour le soleil, le vent et les batteries, les coûts d’investissements nécessaires à assurer la stabilité du système sont en constante augmentation, car, contrairement à la production d’informations, la conversion de l’énergie en des étapes de plus en plus nombreuses engloutit de plus en plus de ressources, tandis que la valeur boursière du courant électrique intermittent devient de plus en plus souvent négative.

C’est Nicolas Léonard Sadi Carnot qui a déjà clairement démontré en 1824 que les machines à vapeur et les moteurs à combustion ont une limite supérieure de rendement insurmontable (en précurseur de la deuxième loi de la thermodynamique). Il en va de même pour le photovoltaïque : la conversion maximale de la lumière en énergie électrique avec la technologie au silicium est de 34%, et 26% a déjà été atteint. Avec le vent, la conversion maximale de l’énergie cinétique en électricité est de 60%, dont un bon 40% peut déjà être atteint aujourd’hui. Les densités de l’énergie du soleil et du vent sont naturellement très limitées. Pour ce qui est des batteries, elles sont extrêmement gourmandes en ressources : pour chaque kilogramme de batterie, ce sont 50 à 100 fois plus de matières premières qu’il faut traiter – un désastre écologique potentiel. Le contraste est frappant avec l’informatique, où un téléphone portable nécessite entre un cinquantième et un centième de machines, d’appareils et de réseaux fixes. Il a été calculé que la production annuelle de Tesla, le plus grand fabricant de batteries, ne permet pas de stocker plus de trois minutes de la consommation électrique américaine.

Un réseau numérique intelligent pourra bien être capable de lisser quelque peu la consommation, mais il ne peut en rien modifier les contraintes physiques que sont la densité énergétique et les pertes de conversion. Il y aura encore des progrès, mais ils seront de plus en plus limités. Les véritables révolutions technologiques sont basées sur des nouveautés commercialisables issues de la recherche fondamentale et non sur le développement de technologies déjà dépassées, soutenues par des aides politiques.

Les éoliennes et les capteurs solaires nécessitent également d’énormes ressources en surfaces mobilisées, en matériaux de construction, en entretien et en élimination des produits de déconstruction. Plus nous convertissons d’énergie au moyen des ressources solaire et éolienne et plus nous la stockons au moyen de batteries, non seulement les coûts, mais aussi l’impact global sur l’environnement croîtront. Un réseau électrique 100% solaire et éolien doit non seulement garantir la demande de pointe à tout moment, mais aussi être capable de gérer les pics de production, lorsque les niveaux de consommation sont faibles, par un stockage, directement dans des batteries, ou, indirectement, par pompage dans des barrages ou par conversion chimique. Un stockage saisonnier nécessite énormément de ressources. Pour chaque kilowattheure d’énergie nucléaire supprimé, nous devrons installer en Suisse au moins 4 à 5 kilowattheures d’énergie solaire et éolienne pour assurer la consommation annuelle du pays. Mais comme le soleil et le vent, en morte saison, peuvent tomber à zéro, même cela n’est pas suffisant. Dire que le soleil et le vent peuvent assurer la parité entre production et demande sur le réseau électrique est donc un mensonge aussi bien à la lumière de la physique que de l’économie.

Dommages potentiels

Les seuls coûts de production et les coûts de transformation, qui sont en baisse pour des sources d’énergie intermittentes, comme le vent et le soleil, sont ainsi trompeurs, car, avec une part croissante de cette électricité intermittente, les coûts de stockage, de réserve et de stabilisation augmentent de manière plus que proportionnelle, de sorte que les coûts économiquement importants de ces systèmes deviennent toujours plus élevés. Les agents énergétiques fossiles et nucléaires ont non seulement des densités énergétiques et des facteurs de charge extrêmement élevés, mais aussi des coûts de stockage beaucoup plus faibles et des capacités mondiales de transport. Tout cela n’est pas seulement de la théorie, mais est fondé sur l’expérience et la pratique. Le coût de l’électricité en Allemagne est aujourd’hui trois fois supérieur à celui des États-Unis, mesuré une fois les subventions soustraites des revenus du marché et des prix à la consommation. Et tout cela sans aucun avantage climatique, mais avec des dégâts économiques et écologiques croissants. Malheureusement, le dommage politique, issu du refus de prendre en compte les lois de la nature ne se produit qu’à la toute fin, lorsque la crise est pleinement installée.

Silvio Borner, professeur émérite d’économie à l’Université de Bâle et membre fondateur du Réseau Carnot-Cournot.

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