Confédération : deux évènements importants en faveur du nucléaire.

1er évènement: Le Conseiller fédéral Albert Rösti souhaite lever l’interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires.

En charge de l’énergie et de l’environnement, Albert Rösti a fait cette annonce le 28 août 2024 dans une conférence de presse et un communiqué de presse: https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-102240.html

Albert Rösti avait soutenu la nouvelle loi sur l’électricité, acceptée en votation populaire le 9 juin 2024 par 68.7% des votants. Son argument : la Suisse a besoin de plus d’électricité, avec cette loi elle encourage la production à partir de sources renouvelables. Maintenant il constate que, même avec un effort accru en faveur des renouvelables, on ne peut pas satisfaire tous les besoins, du moins dans l’avenir planifiable. L’interdiction actuelle de construire de nouvelles centrales nucléaires avait été acceptée par une autre votation populaire le 21 mai 2017. Cette votation faisait suite à une crainte renforcée à l’égard de l’énergie nucléaire provoquée par le tsunami de 2011 qui avait endommagé la centrale nucléaire de Fukushima au Japon et conduit à une contamination des régions environnantes.

De nombreuses voix dans la communauté scientifique compétente avaient critiqué cet objectif de la Confédération de remplacer tout le nucléaire par que des renouvelables. Le principal argument : ce remplacement est irréalisable avec les techniques disponibles aujourd’hui. Y compris Edouard Kiener, ancien directeur de l’Office fédéral de l’énergie, qui avait publié un article retentissant . Voir une partie des diverses contributions ici: https://clubenergie2051.ch/2018/05/14/strategie-energetique-2050-une-etude-de-plus-le-confirme-elle-est-non-faisable/ ). Malgré de nombreux documents, rapports et analyses publiés dans ce sens, le CF restait inébranlable, ne répondait même pas aux critiques. Cette déclaration du 28 août du CF Alber Rösti qui reconnaît la nécessité du nucléaire est donc réellement un évènement marquant.

2e évènement: les deux Écoles polytechniques et l’Institut Paul Scherrer publient une étude « Monitoring technologique de l’énergie nucléaire » le 1er juillet 2024.

Cette étude fait un état des lieux des questions techniques, économiques et écologiques liées à l’énergie nucléaire. Cet évènement est aussi marquant parce que ce rapport a été élaboré sur mandat de l’OFEN. Il confirme les qualités et avantages du nucléaires. Ce rapport est d’autant plus marquant qu’il confirme les critiques adressées par de nombreux spécialistes en relation avec les problèmes  sans solution que soulève la Stratégie Énergétique 2050 (SE2050), critiques auxquelles la Confédération n’avait jamais répondu.

Dans ce contexte, demander des analyses à des spécialistes compétents, est un évènement. Il faut rappeler aussi un épisode regrettable, passé inaperçu : au printemps 2017, soit peu avant la votation de septembre de la même année sur la SE 2050, le PSI avait élaboré une étude comparative de tous les paramètres principaux caractérisant les divers modes de production de kWh électriques. Or cette étude fournissait des chiffres qui montraient la non faisabilité de la SE 2050. Le DETEC (Le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication dans lequel se trouve l’OFEN) donna la consigne au PSI de garder le silence sur ce rapport. Cette anecdote est pour le moins révélatrice d’une attitude inacceptable du DETEC de l’époque à l’égard de la science. Aujourd’hui la reconnaissance des analyses des EPF et du PSI corrige d’une certaine manière cette erreur du passé.

Autre anecdote révélatrice. Dans un premier entretien en 2011, un ou deux mois après le tsunami de Fukushima, Mme la CF Doris Leuthard annonce à la Commission énergie du Conseil National son intention de suivre l’exemple de l’Allemagne de Mme Angela Merkel de préparer une transition énergétique visant à sortir du nucléaire. Certains membres de cette Commission lui ont vivement recommandé de ne pas prendre de décision précipitée en lien avec Fukushima. Ils lui ont dit en substance : « …aujourd’hui c’est le temps de la technique, le temps de la politique viendra ensuite… ». Le point essentiel et peu connu : un rapport avait été demandé à L’Inspectorat fédéral de la sécurité nucléaire (IFSN) pour faire toute la lumière sur Fukushima : 1) pour bien comprendre ce qui s’était passé et 2) pour bien vérifier que les évènements de Fukushima ne révélaient pas des faiblesses éventuelles de nos réacteurs qui auraient été ignorées jusque là.. Ce rapport ne fut livré qu’environ 1 ½ an après la 1ère annonce de Doris Leuthard d’envisager une interdiction du nucléaire. Or ce rapport révélait que les réacteurs suisses, comme tous les réacteurs occidentaux, avaient été révisés suite à l’analyse de l’accident en 1979 de la centrale de Three Miles Island (Harrisbug USA). Cet accident avait conduit à la fusion du cœur du réacteur, cependant sans contamination à l’extérieur de la centrale. Mais les analyses avaient montré qu’on n’était pas passé loin d’une contamination grave. Pour augmenter la marge de sécurité il avait été montré, et décidé, qu’il fallait rajouter 4 dispositifs de sécurité aux centrales actuelles en Occident. Le Japon avait refusé de le faire pour ses centrales (un ami de notre association, après avoir fourni de tels équipements aux centrales suisses, s’était rendu à Fukushima pour en proposer aussi à cette centrale. Il avait essuyé un refus. Le point essentiel: l’étude de l’ENSI a montré que si ces améliorations avaient été faites à Fukushima, la contamination à l’extérieur de la centrale aurait pu être évitée. Question : dans une telle situation, quelle est la bonne attitude d’une gouvernance respectueuse et prudente vis-à-vis de la technique ? Interdire la technique ou la sécuriser ? Poser la question, s’est y répondre. Dit autrement: certains pays comme la suisse et l’Allemagne ont pratiqué une sorte d’auto-punition à l’égard de leur parc nucléaire, à cause d’erreurs commises au Japon.

Que dit cette étude « Monitoring technologique de l’énergie nucléaire » du 1er juillet 2024 ?

Le rapport complet et accessible sur internet au lien : https://www.bfe.admin.ch/bfe/de/home/news-und-medien/publikationen.exturl.html/aHR0cHM6Ly9wdWJkYi5iZmUuYWRtaW4uY2gvZW4vcHVibGljYX/Rpb24vZG93bmxvYWQvMTE4Mzg=.html

Les auteurs principaux sont les Professeurs Annalisa Manera (EPFZ + PSI) et Andreas Pautz (EPFL + PSI). La liste complète est sur https://clubenergie2051.ch/wp-content/uploads/2024/10/les-auteurs-11838-final_bfe_report_mit_zusammenfassung_und_disclaimer-1-07-2024-1-copy-psiepf-profs-manera-pautz.docx

Il fait 277 pages, principalement en anglais… On y trouve aux pp. 25 à 39 un résumé en français qui est accessible ici: https://clubenergie2051.ch/wp-content/uploads/2024/10/resume_pp.-25-a-39-du-rapport-manera-pautz.pdf .

David Vonplon a publié dans la NZZ du 7 septembre 2024 un résumé encore plus compact intitulé « Nouvelles centrales nucléaires en Suisse : sept raisons pour lesquelles les scientifiques suisses sont confiants ». Cet article est à ce lien: https://clubenergie2051.ch/wp-content/uploads/2024/10/nucleaire-ch-7-raisons-de-confiance-des-scientifiques-nzz-7-09-2024.pdf

Voilà ces 7 raisons telles que présentées dans la NZZ :

  1. Le nucléaire fait son grand retour

      Dans ses dernières perspectives annuelles, l’Agence internationale de l’énergie atomique prévoit que la capacité nucléaire installée fera plus que doubler d’ici 2050.

      2. Les centrales nucléaires peuvent également être construites en un temps record

            La plupart des centrales nucléaires actuellement en construction sont de troisième génération. La plupart d’entre eux sont des réacteurs à eau légère éprouvés qui utilisent de l’eau ordinaire comme liquide de refroidissement. Au total, 38 réacteurs de ce type sont en service dans le monde ; leur construction a duré en moyenne huit ans. C’est à peine plus qu’avec les réacteurs de la génération précédente. Selon les auteurs de l’étude, l’opinion générale selon laquelle les délais de construction des nouvelles centrales nucléaires ont considérablement augmenté n’est pas vraie.

            3. L’énergie nucléaire n’est pas plus chère que les autres formes d’énergie

            Selon l’étude, des sources scientifiques – dont l’Institut Paul Scherrer – évaluent les coûts de production d’électricité des nouvelles centrales nucléaires entre 7 et 12 centimes par kilowattheure. Toutefois, ceux-ci dépendent fortement de la durée de construction : si celle-ci prend moins de 8 ans, des coûts de 7 centimes peuvent être atteints. Selon les scientifiques, cette valeur se situe dans la fourchette des coûts de production des énergies renouvelables en Suisse. Toutefois, selon l’étude, les coûts de production ne donnent qu’une image incomplète. Si les coûts du système nécessaires au développement des énergies renouvelables sont également inclus – comme l’extension du réseau ou la modernisation des technologies de stockage – l’énergie nucléaire est plus performante.

            4. L’énergie nucléaire devient de plus en plus sûre

            Dans les centrales nucléaires en construction aujourd’hui, la probabilité de dommages nucléaires et de rejets de quantités importantes de radioactivité est plusieurs fois inférieure à celle des centrales nucléaires existantes et rénovées en Suisse.

            5. Les réacteurs à petite échelle sont en hausse

            Selon l’Agence de l’OCDE pour l’énergie nucléaire, les petits réacteurs nucléaires pourraient représenter jusqu’à 9 % de la nouvelle capacité des centrales nucléaires mondiales dès 2035. Toutefois, les SMR ne sont encore opérationnels qu’en Russie et en Chine. Toutefois, plusieurs centrales de ce type sont en construction ou en attente d’autorisation aux États-Unis, au Canada et en France.

            6. Une nouvelle génération de centrales nucléaires est sur le point de faire une percée

            La plupart des réacteurs actuellement en construction sont refroidis à l’eau. La chaleur dissipée est utilisée pour produire de l’électricité. Les réacteurs plus récents, cependant, sont conçus pour être refroidis avec du gaz, un métal liquide tel que le sodium ou le plomb, ou du sel fondu. Beaucoup de ces nouveaux types de réacteurs sont prometteurs, selon le rapport.

            7. L’approvisionnement en uranium n’est pas menacé

            Les chercheurs de l’ETH ne s’attendent pas à des risques à long terme pour la sécurité d’approvisionnement de la Suisse en combustible nucléaire. Les réserves naturelles d’uranium constituent une ressource largement répandue et dureront pendant les siècles à venir

            En conclusion : le Clubenergie2051 se réjouit que le Conseil Fédéral avec cette démarche d’Albert Rösti renoue avec une vieille tradition de saine coopération entre science et politique, collaboration qui a souvent permis à la Suisse de connaître à la fois le progrès et la sécurité. Parce que lorsque la politique soulève des questions techniques et scientifiques, il s’agit à la fois

            a) de collaborer avec des spécialistes confirmés, et

            b) de comprendre que les faits sont plus importants que les croyances

            JFD / 7-10-2024

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