Greenpeace défend par idéologie une mauvaise politique énergétique.

La politique énergétique défendue par GREENPEACE a deux défauts majeurs :

1) elle est contraire à une saine analyse rationnelle attestée par des rapports sérieux

2) elle ignore les effets désastreux que cette politique a eu dans des pays comme l’Allemagne et la France et même la Suisse.

1. Une politique énergétique contraire à une saine analyse rationnelle

Petit rappel historique : la Suisse a eu longtemps une politique énergétique favorable avec, en matière d’électricité, un approvisionnement abondant, bon marché et complètement décarboné, grâce au tandem hydraulique et nucléaire. Puis, suite aux évènements de Fukushima, elle a accepté en votation en 2017 la Stratégie Énergétique 2050 qui fixait comme objectif de remplacer tout le nucléaire par que du renouvelable. Plusieurs spécialistes, dont notre association, ont publié des analyses et des rapports qui montraient que cet objectif de la Stratégie énergétique 2050 n’était pas faisable dans l’état actuel de la technique. Même avec une facture très élevée, il ne serait pas possible de produire en tout temps, hiver, comme été, la nuit comme le jour, la quantité d’électricité dont la Suisse avait besoin.

S’est ajouté une autre décision politique : l’ouverture du marché de l’électricité voulue par Bruxelles. S’ajoutait alors une autre difficulté supplémentaire : la responsabilité de la sécurité d’approvisionnement en électricité était retirée aux entreprises supra cantonales en charge de la production (les Ueberlandwerke dans le jargon) et confiée au marché. Marché que personne ne peut contraindre à produire en suffisance: « On ne peut pas convoquer le marché devant un tribunal, disait le prof. EPFL Matthias Finger. Résultat : la Suisse a fermé Mühleberg et la production par le solaire et le vent n’a pas compensé l’augmentation de la consommation. Les conséquences ont été sévères et durent encore : menace de pénurie et hausse sensible du prix de l’électricité.

Nous avons régulièrement informé de cette impasse : voir p. ex.   https://clubenergie2051.ch/2018/05/14/strategie-energetique-2050-une-etude-de-plus-le-confirme-elle-est-non-faisable/   et  https://clubenergie2051.ch/2023/01/30/electricite-le-point-sur-une-situation-difficile/

Puis il y a eu une amélioration remarquable de la position de la Confédération avec l’arrivée au DETEC du Conseiller fédéral Albert Rösti. On lui doit deux actions dans lesquelles il a rétabli l’équilibre vers

1) plus d’analyse scientifique sérieuse en demandant une expertise au PSI (Institut Paul Scherrer) et aux deux EPF, intitulée « Monitoring technologique de l’énergie nucléaire », publiée le 1er juillet 2024. Voir : https://www.bfe.admin.ch/bfe/de/home/news-und-medien/publikationen.exturl.html/aHR0cHM6Ly9wdWJkYi5iZmUuYWRtaW4uY2gvZW4vcHVibGljYX/Rpb24vZG93bmxvYWQ et

2) une politique qui a pris les distances raisonnables à l’égard de certaines visions idéologiques en proposant de modifier la loi sur « Stratégie Énergétique 2050 » et d’en retirer l’interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires. Cette nouvelle orientation il l’a présentée dans une conférence de presse du 28 août 2024, voir :  https://www.bfe.admin.ch/bfe/de/home/news-und-medien/publikationen.exturl.html/aHR0cHM6Ly9wdWJkYi5iZmUuYWRtaW4uY2gvZW4vcHVibGljYX/Rpb24vZG93bmxvYWQ

et dans le « Rapport explicatif du DETEC relatif au contre-projet indirect à l’initiative « Stop au blackout »» du  20-12-2024, voir : https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/91234.pdf

GREENPEACE s’est alors opposé tout récemment (11 mars 2025) à cette nouvelle orientation du DETEC en publiant le document « Commentaires sur le rapport explicatif (du DETEC) relatif au contre-projet indirect à l’initiative « Stop au blackout » », voir : https://www.greenpeace.ch/static/planet4-switzerland-stateless/2025/03/20250311-Critique-du-rapport-explicatif-pour-le-contre-projet-indirect-a-linitiative-_Stop-Blackout_-FINAL-1.pdf et le communiqué de presse intitulé « Initiative pro-atome: quand le DETEC peint le nucléaire en rose », voir : https://www.greenpeace.ch/fr/communique-de-presse/118105/detec-nucleaire-rose/ .

Pour comprendre en quoi la position de GREENPEACE est contraire à une saine analyse rationnelle, il faut lire et comparer d’un côté les documents du PSI + EPF et du DETEC et de l’autre côté de Greenpeace. Un gros travail. GREENPEACE reproche en particulier au DETEC de s’être appuyé sur le rapport évoqué du PSI et des deux EPF, rapport dont il conteste la qualité scientifique.

Exemple 1 : « Coûts : si l’on considère les centrales les plus récentes, le nucléaire est aujourd’hui le mode de production d’électricité le plus cher (p.3 du rapport GREEENPEACE) ».

Cet argument tient compte de déboires réels qu’a connu la France avec ses nouveaux réacteurs EPR. Mais GREENPEACE  ne tient pas compte que a) ces déboires sont dus à 20 ans d’arrêt pour des raisons politiques du développement de l’activité industrielle de Framatome et que b) le coûts du nucléaire historique est un des plus bas dans le monde et qu’il n’y a pas de raison qu’en mettant la politique industrielle à nouveau sur de bonnes voies on ne retrouve pas les prix de revient de la belle époque.

Exemple 2 : « Respect de l’environnement : toute forme de production d’électricité a une empreinte environnementale. Celle de l’électricité nucléaire est considérable car elle inclut la gestion à long terme des déchets, qui restent radioactifs pendant des millénaires. (p.3 du rapport GREENPEACE) ».

Cet argument est emblématique de la vision GREENPEACE. Il omet de dire que le Plutonium (l’isotope radioactif pendant des millénaires), se forme par capture neutronique dans l’Uranium 238, mais que l’homme a le choix d’en faire un déchet, ou des bombes ou enfin de l’énergie en le brûlant dans des réacteurs dits à neutrons rapides. Sur ce type de réacteurs, voir l’avis très positif de l’Académie des Technologies française : https://www.academie-technologies.fr/publications/trajectoire-vers-un-nucleaire-durable-pour-la-france/  

Il omet aussi de dire que pour faire du Plutonium un combustible fissionnable, il faut faire ce qu’on appelle dans le jargon « la fermeture du cycle du combustible », à savoir retraiter et recycler le combustible irradié des centrales. GREENPEACE omet aussi de dire que « retraiter et recycler » qui sont le B A BA d’une saine gestion écologique dans tout procédé, sont précisément interdits dans un article de la fameuse loi de 2017 dite « Stratégie Énergétique 2050 ». Cela ne peut s’expliquer que par la « fureur antinucléaire » de l’idéologie verte. Enfin omission supplémentaire dans l’argumentation de Greenpeace : les déchets radioactifs, sont diabolisés, mais en oubliant de dire qu’ils font partie des déchets dits « spéciaux », les fameux « déchets des déchets » qui nous restent sur les bras lorsque tout ce qui le peut a été incinéré, recyclé ou dilué. Les déchets non nucléaires eux ont une durée qui n’est pas longue mais illimitée. Et leur volume est environ 100 fois celui des déchets radioactifs. Les déchets classiques représentent donc un problème autrement plus préoccupant que ceux du nucléaire. Si la civilisation se met à les diaboliser eux aussi, alors c’est un pan énorme de l’activité industrielle et artisanale qu’il faudrait supprimer. À noter enfin que quand la gestion de déchets est insuffisamment sécurisée, on court le risque de pollutions. On en connaît beaucoup, yc en Suisse liées aux déchets classiques, pas aux déchets nucléaires.

2. Déni grave de réalité : GREENPEACE ignore les conséquences catastrophiques que la politique énergétique qu’il soutient a eu appliquée à des pays comme l’Allemagne et la France.

La comparaison des arguments scientifiques de la Confédération avec ceux de GREENPEACE est complexe et peu accessible dans les médias. Seuls deux arguments ont été repris ici, mais tous les autres sont contestables de la même manière. Mais il y a une réalité qui est plus facile à constater : la situation catastrophique dans laquelle sont plongés des pays comme l’Allemagne et la France qui ont appliqué à grande échelle les recettes défendues par GREENPEACE, à savoir remplacer le nucléaire par des renouvelables. C’est plus facile à constater parce qu’il y a des rapports d’enquêtes disponibles qui sont un peu plus faciles à lire que des rapports du PSI et des EPF.

Pour l’Allemagne : il y a ce rapport du 7 mars 2024 «Mise en œuvre de la transition énergétique en matière de sécurité d’approvisionnement, d’accessibilité financière et de compatibilité environnementale de l’approvisionnement en électricité » https://www.bundesrechnungshof.de/SharedDocs/Downloads/DE/Berichte/2024/energiewende-volltext.pdf?__blob=publicationFile&v=5

Résumé F :   https://www.bundesrechnungshof.de/SharedDocs/Kurzmeldungen/DE/2024/energiewende/kurzmeldung.html  

Voir aussi cette analyse (très lisible) du Prof. Samuele Furfari : https://atlantico.fr/article/rdv/la-cour-des-comptes-allemande-dresse-un-tableau-apocalyptique-de-la-transition-energetique-deployee-par-berlin-samuel-furfari

Pour la France : il y a les conclusions d’une grande clarté de l’enquête de l’Assemblée Nationale française sur la perte de souveraineté énergétique de la France, voir :https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/ceindener/l16b1028_rapport-enquete.pdf

Nous en avons fait un compte rendu sur ce site, voir : https://clubenergie2051.ch/2023/04/11/assemblee-nationale-francaise-les-conclusions-dune-grande-clarte-de-lenquete-sur-la-perte-de-souverainete-energetique-de-la-france/                                                                            

Les effets de la transition énergétique sur l’Allemagne et la France sont impressionnants. Et les rapports disponibles relativement faciles à lire. Le constat, ces deux pays, qui disposaient d’un approvisionnement électrique abondant, bon marché et faible en émission de CO2, connaissent maintenant une triple peine : menace de pénurie, prix en forte hausse et, pour l’Allemagne, des kWh émettant beaucoup de CO2. Pour la France l’effet négatif sur le CO2 est moins prononcé parce qu’elle n’a fait qu’une transition partielle, en conservant une partie importante de son parc historique de centrales nucléaires. Mais elle paie chère, avec une performance industrielle fortement dégradée (coûts et durée de construction des réacteurs en forte hausse) son interruption de 20 ans dans l’activité industrielle.

Pourquoi ces réalités en Allemagne et en France sont-elles ignorées par Greenpeace ? Hypothèse : on peut admettre de la part de GREENPEACE une forme d’aveuglement idéologique. Sur cet aveuglement rappelons une vieille réflexion : il y a un seul mot « écologie » pour deux réalités différentes, la science de l’environnement et une doctrine politique. Par contre il y a deux mots différents pour astronomie et astrologie. Plus sur : https://clubenergie2051.ch/2022/05/12/lecologie-une-bonne-intuition-qui-a-mal-tourne/

On peut s’étonner aussi que les situations difficiles de l’Allemagne et de la France n’aient pratiquement pas suscité de commentaires dans les médias romands. Pourtant les élections récentes en Allemagne ont été bien couvertes, mais bien plus sous l’angle du clivage droite-gauche que celui de l’énergie. Il n’y a pas eu un mot pour évoquer la responsabilité de Mme Merkel et de M. Scholz dans les difficultés énergétiques de l’Allemagne. Et concernant la France, l’enquête parlementaire aurait pu intéresser le citoyen Suisse, parce qu’elle explique assez bien ce qui se passe de désagréable aussi chez nous : la menace de pénurie et la forte hausse des prix. Des heures de vidéos avec des auditions de grands patrons de l’électricité et de l’industrie étaient pourtant disponibles (chercher sous LCP La Chaîne Parlementaire), et très éclairantes.

Au final : une petite réflexion sur le tandem Science – Société. Certes la science ne répond pas à toutes les questions et ne peut se substituer à la politique. Mais certaines questions ne sont pas juste des questions d’opinions, de convictions ou de préférences. La politique doit s’assurer de la faisabilité technique et économique des mesures qu’elle souhaite prendre. Par ex. savoir s’il est possible avec les techniques disponibles aujourd’hui de remplacer tout le nucléaire, voire tous les fossiles par que des renouvelables, est une question dont la réponse demande un peu de travail scientifique. Savoir si les bilans comparés en CO2 ou en coûts sont plutôt favorables au nucléaire ou aux renouvelables se vérifie. Sur cette dernière question, voir en particulier l’analyse et les chiffres de Edouard Kiener, ancien directeur de l’OFEN (Office fédéral de l’énergie) sur https://clubenergie2051.ch/2025/03/03/lapprovisionnement-electrique-est-il-assure-par-les-seules-renouvelables-par-eduard-kiener/

L’information et les décisions sur ces questions ne doivent pas s’appuyer sur des croyances ou des préférences, mais sur des chiffres bien vérifiés. Si non, nous subirons les mauvaises surprises de l’Allemagne et de la France. Ce qui est déjà le cas en Suisse : la menace de pénurie et l’élévation des prix nous ont aussi atteints, alors que pendant des dizaines d’années qui ont précédé la transition énergétique, et l’ouverture du marché, nous n’avons jamais connu ces difficultés.

Relevons, dans ce contexte, qu’un film récent « Wisdom of Happiness » met en scène l’enseignement du Dalaï Lama. L’accent est bien sûr largement mis sur la bienveillance et la compassion en vue de vivre en paix, mais il y a aussi cette recommandation, de mémoire : « développez votre esprit d’analyse pour mieux distinguer la réalité de l’apparence… »

JFD/20-03-2025

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