Nucléaire et opinion : la compréhension s’améliore, il y a encore des difficultés.

En ce début d’année, une tentative de bilan entre l’évolution positive de la perception de l’énergie nucléaire dans l’opinion publique et les difficultés encore à surmonter.

1. Améliorations de la perception.

Divers rapports et prises de position, collectives ou individuelles témoignent d’avancées significatives de la compréhension du nucléaire par la politique et l’opinion publique. Sans prétendre à l’exhaustivité, voici quelques signaux marquants :

1.1 L’enquête parlementaire de la France sur la « débâcle de l’électricité ».

La situation du système électrique en France en automne 2022 a été un choc. Jusque-là, la France disposait d’une électricité bon marché, et abondante. Brutalement cette situation bascule avec pénurie de production et hausse sensible des prix. Le Parlement parle de « débâcle de l’électricité » et lance une enquête parlementaire dont le rapport final sera publié le 30 mars 2023. Ce rapport est basé sur les auditions de plusieurs grands patrons de l’industrie électrique (production, recherche, industrie, …). Ces grands patrons disent, avec beaucoup de compétence et de clarté, ce qu’ils ont compris. En gros la politique a fait de l’idéologie et a négligé la rationalité technique.

Le rapport est sur : https://www.assembleenationale.fr/dyn/16/rapports/ceindener/l16b1028_rapport-enquete.pdf  

Une analyse est présentée dans  https://clubenergie2051.ch/2023/04/11/assemblee-nationale-francaise-les-conclusions-dune-grande-clarte-de-lenquete-sur-la-perte-de-souverainete-energetique-de-la-france/

Un gros pavé qui n’est pas resté sans trace dans l’opinion publique. Certains médias français (pas tous) ont évoqué des éléments de conclusions et montré des extraits vidéos des auditions publiques de l’Assemblée Nationale en soulignant  l’importance des témoignages..

À noter : nous n’avons vu aucun compte-rendu de cette enquête parlementaire dans les médias francophones suisses.

1.2 Un blogueur sur Internet traduit bien les analyses des spécialistes.

Patrick Aulnas le dit sans détour : « L’abandon du nucléaire est une erreur historique des démocraties », plus sur  https://www.contrepoints.org/2022/12/19/446196-abandon-du-nucleaire-lerreur-historique-des-democraties

1:3 Loïc Le Floch Prigent, l’avis d’un bon connaisseur des réseaux de gaz et d’électricité.

Position d’une grande clarté dans cette interview : « Énergie électrique : peut-on continuer longtemps à dire des âneries ? », à voir sur  https://www.contrepoints.org/2020/06/16/373708-energie-electrique-peut-on-continuer-longtemps-a-dire-des-aneries

1.4 Rapport éclairant de l’EPF-Zürich.

Dans un rapport de 2023, l’EPFZ analyse, sur mandat d’Economiesuisse, les perspectives du nouveau projet énergétique révisé de la Confédération, dit « Mantelerlass ». Ce projet mise sur une réduction des obstacles administratifs à l’implantation de centrales solaires PV et d’éoliennes. Le rapport de l’EPFZ analyse l’impact d’un prolongement des réacteurs nucléaires existants et l’éventuelle construction de nouveaux réacteurs. Conclusion principale : le nucléaire, additionné aux renouvelables, permet de rendre la transition énergétique plus sûre et moins coûteuse Sans la construction de nouveaux réacteurs, même en prolongeant beaucoup les réacteurs actuels, il ne sera pas possible d’éviter de recourir à des importations de courant de l’UE. Ce rapport est sur : https://nexus-e.org/role-of-nuclear-power/ , la version complète est sur https://nexus-e.org/wp-content/uploads/2023/09/Report_Economiesuisse_Schwarz_Nuclear_Study-20.pdf

Communiqué de presse d’Economiesuisse en lien avec ce rapport : https://www.economiesuisse.ch/fr/articles/une-nouvelle-etude-montre-quavec-le-nucleaire-la-transition-energetique-serait-plus-sure

1.5 Les producteurs suisse de courant nucléaire sortent d’une certaine réserve.

Dans son Bulletin 4/2023 le Forum nucléaire suisse présente un dossier très convaincant sur les perspectives favorables du nucléaire https://www.nuklearforum.ch/fr/bulletin/bulletin-42023  et Axpo a pris clairement position pour estimer que « les centrales nucléaires sont économiquement plus avantageuses que les installations photovoltaïques », voir ;  https://www.nuklearforum.ch/fr/nouvelles/analyse-axpo-les-centrales-nucleaires-economiquement-plus-avantageuses-que-les

1.6 Prises de position favorables de non-spécialistes.

Parmi beaucoup d’autres, à noter celles de :

 l’Editeur Pierre-Marcel Favre « Vaincre la peur » dans LMD, où il fait une analyse élaborée des fausses peur liées à Fukushima https://clubenergie2051.ch/wp-content/uploads/2024/01/vaincre-la-peur-pm-favre-matin-dimanche-24.9.23.pdf ,                                                                                                          Pauline Blanc, présidente des Jeunes Libéraux-Radicaux vaudois qui déclare, dans un billet d’opinion de 24H, « Le nucléaire, énergie indispensable pour une véritable transition énergétique »,  https://clubenergie2051.ch/wp-content/uploads/2024/01/nucleaire-indispensable-pauline-blanc-24h-26-04-2023.docx                                                                                                     et Pierre-Alain Blanchard à Montricher dans une lettre de lecteur intitulée « Énergies : dire la Vérité » de 24H https://clubenergie2051.ch/wp-content/uploads/2024/01/energies-dire-la-verite-p.-a.-blanchard-24h-p.10-27-03-2923.docx

1.7 Déclaration forte de Peter Grossi, directeur de l’IAEA.

Peter Grossi dans cette interview toute récente 19-01-2024 du Temps déclare : « Avec le nucléaire, un retour au réalisme » https://clubenergie2051.ch/wp-content/uploads/2024/01/nucleaire-retour-au-realisme-r-grossi-lt_19-01-2024_2.pdf

1.8 Les analyses lucides du projet du CF dit « Mantelerlass »

Intéressant, les critiques convergentes de deux personnalités d’horizon très différents.

Edouard Kiener, ancien directeur de l’Office Fédéral de l’Énergie, qui fait « Une analyse fouillée des dernières modifications législatives du Parlement sur l’approvisionnement en électricité du Pays » : https://clubenergie2051.ch/2023/11/18/une-analyse-fouillee-des-dernieres-modifications-legislatives-du-parlement-sur-lapprovisionnement-en-electricite-du-pays/   

Marie-Hélène Miauton qui déclare : « Mantelerlass, le bien ne saurait primer sur le beau » dans sa chronique du Temps du 4-12-2023 https://clubenergie2051.ch/wp-content/uploads/2024/01/mantelerlass-le-bien-ne-saurait-primer-sur-le-beau-mh-miauton-le-temps-4-12-2023.docx

2. Encore des obstacles à surmonter.

Oui, et lesquels ?

2.1 Le mirage du « risque zéro » ou « le risque zéro est un risque »

L’énergie nucléaire est une technologie à risques, c’est bien le principal problème. Ce n’est pas la seule. Pensons au génie génétique, aux pesticides dans l’agriculture, etc… Toutes les technologies à risque posent des problèmes de société, même si elles peuvent être utiles. Quelques réflexions peuvent nous éclairer.

On connait bien l’adage qui dit que « le risque zéro est le plus grand risque ». Au-delà de ce gag, aujourd’hui le problème principal vient d’une mauvaise application du fameux « principe de précaution ».

Le principe de précaution consiste à réduire au maximum ce qu’on appelle le risque résiduel d’une technologie. La mauvaise application consiste à interdire la technologie si ce risque résiduel n’est pas strictement zéro. La bonne application consiste en fait à calculer trois risques résiduels :1) le risque de la technologie examinée, 2) le risque de ne rien faire et 3) le risque de faire autre chose. C’est le bon sens même.

Il faut ajouter une prise de conscience de ce que nous apporte la faculté de prendre des risques. Evandro Agassiz, philosophe des sciences, invité à un séminaire EPFL en juin 2000 sur « L’éthique de l’ingénieur », nous avait ouvert les yeux en soulevant d’abord cette question : « qu’est-ce qui est le propre de l’homme ? », à laquelle nous ne trouvions pas la réponse. Il nous l’a alors donnée : « le projet ». Explication : le projet est cette faculté de l’homme de prendre conscience d’un écart entre la réalité du monde et nos souhaits. C’est cet écart qui nous pousse à entreprendre des « projets » pour améliorer notre condition d’humain. La fourmi peut avoir une organisation sociale admirable dans une fourmilière, mais elle n’a pas de projet, si non des facultés d’adaptation (Darwin). L’homme lui a une conscience, des projets, et ces projets le poussent à imaginer, puis à suivre, des voies nouvelles : l’amélioration de son cadre de vie, le progrès, sont à ce prix. Mais qui dit voies nouvelles, dit risques inhérents. L’homme généralement réduit autant que possible ces risques en anticipant les accidents possibles et en prévoyant des parades. Mais il n’a jamais de certitude d’avoir tout anticipé, c’est le risque résiduel. Au final, ces trois choses sont liées dans l’activité de l’homme : le projet, le sens et le risque. Sans risque, pas de projet et pas de sens à sa vie.

2.2 Se poser la bonne question sur une technologie à risques.

La question habituelle qui fait débat est : cette technologie est-elle bonne ou mauvaise, voire représente-t-elle le Bien ou le Mal ? C’est une mauvaise question parce qu’une technologie n’est qu’un outil mis à disposition de l’humanité par le développement scientifique. Un outil n’est pas fondamentalement bon ou mauvais. C’est son usage par l’Homme qui peut être est bon ou mauvais. La bonne question, politique ou sociale, que doit alors se poser la Société à propos de toute technologie est celle définir un « bon usage ». En particulier définir des normes de sécurité et de protection de l’environnement adéquates pour parer aux risques et aux impacts. Le bon usage, les normes de sécurité et environnementales, doivent être élaborées par les spécialistes compétents, mais aussi être acceptées démocratiquement. En somme, ce qui compte ce n’est pas de dire oui ou non à une technologie à risques, mais de dire « oui, si », et tout est dans le « si », à savoir dans les règles adéquates de sécurité et de protection de l’environnement à définir, à appliquer et accepter par la Société.

2.3 Bilans écologiques.

L’écologie offre un bon outil pour mieux prendre en compte les impacts écologiques réels de nos choix et les minimiser. Deux types d’analyses se sont affrontés dans l’histoire des analyses comparatives des kWh provenant de diverses sources d’énergie : les bilans écologiques et les labels écologiques. Les bilans écologiques sont basés sur une analyse scientifique et chiffrée de tous les impacts liés à la production d’un kWh, en amont, comme en aval de la centrale de production. Les labels écologiques sont basés sur des « évaluations » faites par des ONG qui décernent leur label. Le classement par les « bilans » donne en tête le kWh issu de la grande hydraulique, suivi presque ex aequo par le kWh nucléaire. Ensuite viennent les kWh des autres renouvelables, puis à bonne distance les kWh des énergies fossiles (https://clubenergie2051.ch/2014/10/27/bilan-ecologique-de-diverses-sources-denergie-2/ ) . Le classement par les « labels » désigne en tête le kWh hydraulique, mais de la mini-hydraulique ( https://www.naturemade.ch/fr/label-de-qualite.html  ) ensuite viennent les divers kWh du soleil est du vent. Les kWh fossiles et nucléaires sont loin derrière, voire pas classés. Les deux classements sont juste inversés. Cherchez l’erreur.

Une histoire du même type s’est déroulée au début de la controverse nucléaire. Les analyses de coûts du kWh montraient  régulièrement un avantage pour le nucléaire. Avec raison, des associations écologiques ont fait valoir qu’il fallait inclure dans ces coûts non seulement les coûts directs, mais aussi les coûts dits externes, en particulier les coûts environnementaux, en amont comme en aval de la centrale de production. L’UE a alors mis en route un programme destiné à analyser et intégrer ces fameux coûts externes. Ce programme s’appelait ExterneE ( https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/8bf62940-c92f-11e6-ad7c-01aa75ed71a1/language-en ). Les résultats ont montré que l’avantage du nucléaire se renforçait en incluant les coûts externes. Les associations écologiques n’ont alors plus parlé des coûts externes, ni de l’étude ExternE.

2.4 Fanatisme et contre-fanatisme.

Il y a du fanatisme dans le débat nucléaire que nous connaissons. Il résulte de ce qui vient d’être évoqué, à savoir poser, ou pas, la bonne question. Il y a deux positions extrêmes qui sont fanatiques toutes les deux : refuser le nucléaire à tout prix ou le promouvoir à tout prix.  

Il y a dans l’opposition au nucléaire, tant de la part des militants anti-nucléaire que de l’écologie politique, une forme de fanatisme. Le fanatisme est dans le côté aveugle de l’opposition à la technologie nucléaire. J’ai toute compréhension pour le citoyen profane à qui les accidents de Tchenobyl et de Fukushima, ou les déchets nucléaires, font peur. On peut comprendre cette peur et l’envie d’interdire. Mais la manière non fanatique de combattre le nucléaire consisterait à dire « nous avons regardé de près la sécurité des réacteurs et de la gestion des déchets, nous avons trouvé des faiblesses qu’il faudrait corriger, Voilà les faiblesses, voilà les arguments… ». Or cela intéresserait beaucoup les professionnels, en particulier les spécialistes de sécurité. Pour une bonne raison : la sécurité consiste principalement à anticiper tous les dysfonctionnements possibles pouvant conduire à des dégâts, et prévoir des parades efficaces. L’angoisse du spécialiste est qu’il n’a pas la certitude d’avoir pensé à tous les dysfonctionnements possibles. Des personnes critiques, qui seraient moins le nez dans le guidon, pourraient peut-être mieux imaginer les éventuels dysfonctionnements « oubliés ». Mais l’argument des opposants militants se limite en substance à dire « …il ne sert à rien d’analyser le nucléaire. Il est tellement mauvais qu’il faut juste l’interdire… ».

.Avec ce type de raisonnement les Hommes auraient dû, à la préhistoire déjà, interdire le feu, et donc tous les développements de la civilisation qui ont suivi, c’est tellement dangereux le feu, il y a tellement de victimes. Voir : https://clubenergie2051.ch/2016/10/24/nucleaire-une-utilisation-intelligente-vaut-mieux-quune-interdiction-aveugle/  ).

2.5 Paradoxe du fanatisme.

Cette position fanatique du militantisme anti-nucléaire devrait faciliter l’argumentation, et la compréhension, pour les partisans du nucléaire. Paradoxe, ce n’est pas ce qui se passe, voire le contraire. La cause est qu’en défendant le nucléaire, ses partisans sont perçus comme tenant d’une position du type « oui, à tout prix », donc des fanatiques aussi. Un ancien responsable de communication d’EDF, Louis Timbal-Duclos, l’avait dit il y a déjà très longtemps, à sa manière : « Le jour où nous avons dit que le nucléaire était une nécessité absolue, le mal était fait… ». L’opinion n’aime pas le fanatisme, aucun fanatisme.

3. La nécessité d’analyses rationnelles et chiffrées pour dépasser les convictions émotionnelles, idéologiques ou morales.

Au final, sur toutes les questions que soulève l’énergie nucléaire, l’opinion et les convictions personnelles ne suffisent pas. Il faut des analyses chiffrées pour évaluer tout ce qui vient d’être évoqué :

– Les risques

– Les impacts sur l’environnement

– Et tout particulièrement les coûts et la faisabilité du remplacement du nucléaire et du fossiles par que des énergies renouvelables, donc de la « transition énergétique »

À l’EPFL, le Prof. André Gardel avait été un des premiers à faire des travaux sur la dernière question ci-dessus. Il avait participé après le 1er choc pétrolier de 1973 aux travaux de la Commission fédérale pour une conception globale de l’énergie (CGE, présidée par Michael Kohn). Cette commission avait recommandé d’aller à (long) terme vers un approvisionnement énergétique sans fossile. André Gardel avait créé le Laboratoire des systèmes énergétiques (LASEN) de l’EPFL et publié en 1979 un ouvrage de référence intitulé « Energie : économie et prospective ».

Voir : https://clubenergie2051.ch/2020/07/26/quelques-documents-marquants-a-lorigine-de-la-politique-energetique-suisse/

Gardel a développé et approfondi les scénarios de la CGE. Il a élaboré des scénarios d’ingénieur, soit des scénarios réalisables. Il confirme la nécessité de développements qui font que les étapes seront encor longues et nécessaires. Sur le nucléaire il constate que sans lui, on ne peut réduire la part du pétrole, et les émissions de CO2. Il estime que les citoyens sont victimes de désinformation, il vaut mieux bien sécuriser le nucléaire, ce qui est faisable, que l’interdire. L’interdiction est plus dangereuse qu’une utilisation prudente avec des normes de sécurité exigeantes.

Aujourd’hui, au seuil de 2024, de nombreuses études ont été publiées par divers auteurs et institutions très compétentes (EPFL, EPFZ, PSI, associations diverses de spécialistes) à la suite du Prof. André Gardel. L’objectif principal : élaborer et chiffrer des scénarios réalisables pour se passer du fossile et du nucléaire. Nous avons dans plusieurs articles précédents inventoriés ces analyses de faisabilité des scénarios de transition énergétique. Un des derniers : https://clubenergie2051.ch/2023/01/30/electricite-le-point-sur-une-situation-difficile/

Toutes ces études montrent que, aujourd’hui encore :

1) le nucléaire a permis de décarboner l’électricité,

2) on n’arrive pas à remplacer TOUT le nucléaire et TOUT le fossile par QUE des renouvelables. La difficulté principale est d’abord que le nucléaire a une grande densité d’énergie (1g d’Uranium c’est autant d’énergie qu’une tonne de pétrole), qu’il est difficile de faire autant de kWh avec une énergie très diluée comme le soleil et le vent. Mais il y a une difficulté qui s’ajoute : la production est irrégulière à cause des variations de soleil et de vent: c’est la fameuse intermittence. Il faut donc stocker les kwh excédentaires dans les moments d’abondance pour les redistribuer dans les périodes creuses. On a envisagé le pompage-turbinage hydraulique, par exemple avec le nouvel aménagement de Nant de Dranse, dans le complexe d’Émosson. Le TJ de la RTS a présenté lors de son inauguration cet ouvrage comme la solution. Oui mais il faudrait un bassin de l’ordre de 10 fois celui de Grande Dixence pour stocker les kWh nécessaires. Or Nant de Dranse ne fait que 1/10 du volume de Grande Dixence. Donc ce n’est que 1% de la solution… On a aussi envisagé les batteries Tesla au Lithium. Les besoins en Lithium seraient tels que la production mondiale ne suffirait pas pour la seule Suisse.

3) supprimer le nucléaire augmente les émissions de CO2.

L’obstacle le plus difficile aujourd’hui à surmonter et de faire admettre ces réalités par la politique fédérale et les médias.

Dans ce contexte l’évènement qui donne le plus à réfléchir est le suivant :

l’Institut Paul Scherrer (PSI) a publié, en 2017, une étude très élaborée sur les coûts totaux, le potentiel et les impacts environnementaux de tous les principaux moyens de générer de l’électricité

Cette étude est sur: https://www.psi.ch/sites/default/files/import/lea/HomeEN/Final-Report-BFE-Project.pdf
(avec résumés F et D)

Une révision a été publiée en 2019:
 https://www.psi.ch/sites/default/files/2019-10/CH%202050%20Update.pdf 

Ces deux études démentent clairement l’argumentation idéologique des militants de la « transition écologique ». En particulier : le coût total et l’impact écologique du nucléaire sont les deux plus favorables que ceux des renouvelables. Et surtout la transition énergétique n’est pas faisable.

Le plus incroyable : la Confédération (DETEC) a donné la consigne au PSI de ne pas ébruiter l’étude de 2017, qui paraissait avant la votation sur la Stratégie Énergétique 2050, stratégie qui proposait de ne miser que sur les renouvelables, et d’interdire le nucléaire.
Or le PSI est un pôle de compétence multi-énergie de la Confédération, payé par les citoyens suisses. La Confédération prive donc elle-même ses propres citoyens des analyses compétentes de ses propres services.
Le PSI est aussi un institut annexe des deux EPF. On n’a pas entendu les EPF sur cette consigne de silence. Pourtant leur devoir eut été :
—  soit de dénoncer une éventuelle « mauvaise science » pratiquée par le PSI, en donnant des arguments fondés                                       –  soit de dénoncer un acte de censure scientifique irresponsable de la part de la Confédération.

C’est un vrai scandale politique et scientifique.
Évidemment les faits de base sont peu connus, cela justifierait une enquête parlementaire.

À ces difficultés politiques, s’ajoutent deux éléments aggravant qui font encore obstacle à une meilleure prise en compte des réalités techniques dans les débats politiques et dans l’opinion publique :

1) un certain silence de la branche électrique, qui connaît bien (ou devrait bien connaître) la réalité du terrain. Or il y a des déclarations inexactes de certains responsables. Ainsi ce CEO d’une société de distribution romande qui estime (en allégeance à une certaine politique ?) qu’il suffit de réduire les obstacles administratifs à l’éolien et au solaire pour que les énergies renouvelables fournissent tout ce dont le pays a besoin. Cela est démenti de manière impressionnante par le cas de l’Allemagne. Elle a été la première a décider une « transition énergétique ». Elle a dès le début mis dans sa législation non seulement des mécanismes d’encouragements (subventions), mais aussi une interdiction de faire opposition à des installations solaires ou éoliennes au motif que ces énergies étant admises bonne pour l’environnement, on ne saurait y faire opposition. Or c’est une croyance non seulement démentie par les calculs sérieux, mais par la situation catastrophique de l’Allemagne précisément : certes cela a boosté les installations solaires et éoliennes, mais le résultat est un manque d’électricité, une forte hausse du prix, de fortes émissions de CO2 (charbon) et … une récession économique.

2) les disputes entre experts. Il peut y avoir des divergences entre scientifiques, mais on peut y mettre de l’ordre en faisant deux inventaires : celui des faits confirmés et celui des incertitudes encore en suspens. Ce serait la tâche de nos universités, hautes écoles et académies de faire les clarifications nécessaires. Cette situation est très dommageable pour la démocratie : les citoyens et les élus sont simplement « largués » en face d’experts qui disent les un noir les autres blanc. Voir : https://clubenergie2051.ch/2019/03/10/le-catastrophisme-a-la-mode/ et https://clubenergie2051.ch/2022/08/21/penurie-delectricite-3e-partie-science-ou-militantisme/

On connaissait des universitaires en sciences politiques qui confondaient science et militantisme au profit de préférences politiques. Maintenant, c’est aussi chez les ingénieurs qu’on trouve des disputes entre ceux qui font de la science et ceux qui font du militantisme politique.

3) l’attitude des médias. Ils devraient au moins tendre les micros à toutes les opinions et à tous les experts. Ils devraient ainsi jouer un rôle de relai entre les diverses sources d’information et d’analyses d’un côté et les destinataires de ces informations d’autre part. Ils ne le font pas souvent : ils jouent plutôt un rôle de filtre sélectif en fonction de leurs préférences personnelles. Exemple éclairant : vous souvenez vous la dernière fois que vous avez vu dans les médias un professionnel du nucléaire expliquer son métier avec un nom et un visage ? Or la confiance joue un rôle clef dans ce débat. Et s’il y a confiance ce n’est pas dans la technique en soi qu’elle peut exister, mais en celles et ceux qui doivent maîtriser cette technique. Comment établir cette confiance si ses responsables  sont sans voix et sans visages ?

4. Le mot de la fin à Peter Brabeck.

L’ancien PDG de Nestlé et actuel président du Forum GESDA (Geneva Science and Diplomacy Anticipator https://gesda.global/ ) a donné récemment dans le Temps du 29 déc. dernier une interview dans laquelle il fait ce constat désabusé sur une dérive de notre époque :

« Aujourd’hui, comme il n’y a pas une vérité, on se met à croire. Les gens ne veulent plus savoir, ils veulent croire. C’est le grand problème. Et si le système est trop complexe, vous essayez de simplifier. Plus vous simplifiez, plus vous êtes compréhensibles pour les gens. Et on trouve en cela la base du populisme, sa force même : la simplification à l’extrême. »

https://clubenergie2051.ch/wp-content/uploads/2024/02/nous-avons-perdu-le-controle-p-brabeck-interview-le-temps_29-12-2023_1.pdf      https://clubenergie2051.ch/wp-content/uploads/2024/02/nous-avons-perdu-le-controle-p-brabeck-interview-le-temps_29-12-2023_2.pdf

JFD / 1-02-2024


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3 Responses to Nucléaire et opinion : la compréhension s’améliore, il y a encore des difficultés.

  1. Ping: Réflexions sur la Conférence-séminaire du 30 mai dernier à l’EPFL consacrée à la transition énergétique | clubenergie2051.ch

  2. Ping: Post Scriptum : Tout savoir sur la radioactivité | clubenergie2051.ch

  3. Avatar de cmbrunner@bluewin.ch cmbrunner@bluewin.ch dit :

    Remerciements chaleureux et félicitations à Monsieur DUPONT pour son analyse/rapport du 1 février 2024 Respectueusement Claude Brunner Economiste entr. HES 1110 Morges mmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmm

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