Nucléaire : son utilité, voire sa nécessité, et sa maîtrise des risques de mieux en mieux reconnues. Mais l’opposition reste dogmatique et idéologique.

Plusieurs analyses ont été publiées récemment sur le nucléaire. Constat, si des avis négatifs continuent à être publiés, des analyses, solidement argumentées, se sont multipliées pour souligner deux points essentiels : que le besoin de centrales nucléaires augmente pour des raisons de sécurité d’approvisionnement et que la maîtrise des risques d’accidents de réacteurs et des déchets sont en fait des points forts du nucléaire. Tentative de faire un point de situation.

1. Des centrales nucléaires pour assurer la sécurité d’approvisionnement

1.1 Les signaux soulignant l’importance de renforcer la production nucléaire émanent d’organes en charge de la sécurité d’approvisionnement.

Un des premiers à avoir tiré la sonnette d’alarme dans l’époque récente est Michael Wider, membre de la direction générale d’Alpiq (producteur suisse d’électricité, issu de la fusion d’EOS et d’Atel) et président de l’AES (Association suisse des entreprises électriques). Dans une interview à Bilan le 11-10-2018 il déclarait :

« Or, avec la sortie du nucléaire, nous deviendrons de plus en plus dépendants de l’étranger à un moment où nos voisins risquent de réduire, eux aussi, leur capacité. Une chose est déjà sûre : tous les pays européens ne pourront pas devenir importateurs d’électricité. »

https://www.bilan.ch/economie/_l_europe_electrique_se_fait_sans_la_suisse_

RTE, le gestionnaire du réseau de transport de l’électricité français tire la sonnette d’alarme. Dans son rapport « Bilan prévisionnel 2021 »

https://assets.rte-france.com/prod/public/2021-04/Bilan%20previsionnel%202021%20-%20principaux%20enseignements.pdf

RTE constate que le programme politique de transition énergétique veut réduire à zéro la production thermique, réduire à 50% la production nucléaire et ne réussit pas à compenser par suffisamment de production renouvelable qui de plus n’est pas pilotable (c.à.d. ne produit sur demande, mais selon les aléas du soleil et du vent). Extrait :

« … les différentes hypothèses conduisent à une détérioration des marges dans le cas de référence du Bilan prévisionnel, sans en modifier les caractéristiques générales. RTE estime désormais que la période de tension préalablement identifiée dans le Bilan prévisionnel s’étend à 2021-2024. »

La SFEN (Société française d’énergie nucléaire)

https://www.sfen.org/rgn/rte-alerte-securite-approvisionnement-france

souligne que l’alerte de RTE ne vaut pas que pour la France mais aussi  pour une bonne partie de de l’UE :

« Mais plus encore que la situation française, c’est la stratégie de nos voisins qui inquiète le gestionnaire de transport d’électricité : « l’ensemble des pays européens se sont engagés de manière concomitante dans la fermeture de capacités de production pilotables ». En effet, l’Allemagne, la Belgique, la Suisse et l’Espagne ont annoncé la fermeture anticipée de moyens de production pilotables, nucléaire ou charbon, dans l es années qui viennent, sans stratégie claire sur ce qui les remplacerait. »

Ce qui confirme les craintes évoquées plus haut par Michael Wider d’Alpiq.

1.2 Les organes politiques ne semblent pas prendre la mesure de l’alerte.

Le CF, Mme Sommaruga en charge de l’énergie, l’OFEN reconnaissent certes que la situation pourrait devenir critique, mais ne proposent pas des mesures à la hauteur. Ainsi dans une interview récente le 18 juin 2021 sur Forum-RTS, Mme Sommaruga annonce qu’il faudra en substance : « … renforcer l’hydraulique et le solaire. », et peut-être prolonger de 10 ans les centrales nucléaires actuelles.

https://www.rts.ch/play/radio/forum/audio/les-energies-renouvelables-au-coeur-dune-grande-reforme-interview-de-simonetta-sommaruga?id=12268225

On croit rêver avec de telles propositions. Renforcer l’hydraulique, comment ? Tout a pratiquement été exploité en Suisse qui pouvait l’être. Le solaire, qui n’est pas pilotable, on n’a pas les moyens de le stocker en masse dans les proportions nécessaires. Avec le pompage-turbinage il faudrait 10 bassins du volume de Grande-Dixence (Nant de Dranse fait 1/10) et avec les batteries Tesla, la production mondiale de Lithium ne suffirait pas pour la seule Suisse.

Plus inquiétant : la SE 2050, la fameuse stratégie énergétique de Mme Leuthard après Fukushima, entendait remplacer, dans l’électricité, tout le nucléaire par des renouvelables. Elle ne disait pas comment, plusieurs analyses ont montré que cela n’était pas réalisable, voir : https://clubenergie2051.ch/2018/05/14/strategie-energetique-2050-une-etude-de-plus-le-confirme-elle-est-non-faisable/ . Or la Confédération a sorti récemment un rapport qui annonce une « Stratégie Climatique » pour 2050. Dans cette stratégie il s’agirait non seulement de remplacer le nucléaire du secteur électrique, mais aussi tout le fossile du reste de l’énergie (chauffage, mobilité, industrie) par des renouvelables. Comment ? Toujours pas de programme concret et vérifiable. Voir :  https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-82140.html et https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/65875.pdf

Exception : la Conseillère nationale UDC Magdalena Martulo-Blocher pense que non seulement il faut prolonger la durée de vie des centrales nucléaires actuelles, mais elle estime nécessaire la construction d’une nouvelle centrale nucléaire. Voir :  https://www.swissinfo.ch/fre/toute-l-actu-en-bref/magdalena-martullo-blocher-veut-une-nouvelle-centrale-nucl%C3%A9aire/46807296

2. Sécurité des réacteurs et gestion des déchets : deux points forts du nucléaire, niés par les militants antinucléaires avec la sympathie de la plupart des médias.

2.1 La sécurité est-elle une raison pour s’opposer au nucléaire ?

En principe oui, c’est du moins la principale raison avancée par les opposants au nucléaire. Mais si on gratte un peu derrière leur argumentation, elle tient plus du parti pris que de l’analyse. Ils veulent l’interdiction du nucléaire, ils ne veulent pas la sécurité. Ils évitent toute discussion sur les analyses de risques et sur les normes et les faiblesses qu’ils pourraient identifier. Leur position est simplement que le nucléaire est tellement dangereux que l’analyse est inutile, seule une interdiction peut le sécuriser.

Thomas Held, philosophe et ancien directeur du think tank AvenirSuisse, avait expliqué que l’attaque des anti-nucléaires était radicale. Cette critique radicale est technique en apparence : c’est en réalité une attaque frontale contre la moralité des professionnels du nucléaire, le reproche : « vous êtes comme des cigarettiers, vous gagnez votre vie en vendant des cancers ». Thomas Held précisait : or, si on analyse, c’est le discours des adversaires du nucléaire qui est immoral.

2.2 Sécurité des réacteurs.

Bien sûr il y a eu Tchernobyl et Fukushima, des accidents qui ont ému avec raison. La technologie de Tchernobyl avait un défaut de sécurité rédhibitoire : la réaction en chaîne pouvait devenir instable et devenir explosive. C’est ce qui s’est passé avec une destruction totale du cœur et de ses protections : ce cœur (de graphite) a brûlé plusieurs jours à ciel ouvert libérant un maximum de ses produits radioactifs. Ce type de réacteur n’a été ni autorisé ni développé en Occident.

À Fukushima, le mécanisme de relâchement de la radioactivité a été lié à au problème principal de sécurité des réacteurs occidentaux: celui qui résulte de deux effets: 1) le dégagement de chaleur, dans le combustible, par les produits de fissions accumulés pendant le fonctionnement des réacteurs (en jargon, chaleur résiduelle), qui ne s’arrête pas avec l’arrêt de la réaction en chaîne et 2) la panne des pompes de circulation d’eau qui normalement refroidissent le combustible en évacuant cette chaleur résiduelle, panne qui résultait a) de l’effondrement du réseau électrique qui alimente ces pompes, par le tsunami et b) du noyage des diesels de secours pour suppléer au réseau électrique. Faute de refroidissement le combustible a surchauffé, a partiellement fondu, la pression est montée dans les circuits de refroidissement et a déclenché l’ouverture de vannes de surpression. La radioactivité a pu s’échapper dans l’environnement. En plus les barreaux de combustible surchauffé ont provoqué le dégagement d’hydrogène provenant de l’eau : des explosions d’hydrogène ont fait voler en éclat le bardage de tôles qui constituait l’enceinte des réacteurs.

À Fukushima le relâchement total a été bien inférieur à celui de Tchernobyl. De plusieurs ordres de grandeur. Mais il a été quand même excessif. Reste que la contamination de Fukushima a été excessive. Deux raisons principales :

1) on savait que dans cette région des tsunamis de 14 m n’étaient pas impossibles. La digue de protection n’était que de 7m. Ou alors il aurait fallu construire les réacteurs quelques mètres plus haut

2) les réacteurs occidentaux ont été rééquipés en dispositifs de sécurité, après l’accident de Three Miles Island (Harrisburg USA), accident qui avait provoqué une fusion partielle du cœur, mais pas de contamination de l’environnement. Mais les experts ont estimé qu’on y avait échappé de peu. Cela a déclenché une opération de « retour d’expérience » pour les réacteurs occidentaux, avant Fukushima.

Mais cette opération n’a pas été faite à Fukushima. Un ami employé de la société Elektrowatt, qui fournissait ce type d’équipements et en avait livré pour les centrales suisses, a essayé de les vendre à Fukushima : sans succès. Ces rééquipements de sécurité étaient : des filtres à sable pour filtrer la vapeur s’échappant des vannes de surpression, des catalyseurs pour recombiner l’hydrogène et l’oxygène et éviter les explosions et des diesels bunkérisés pour supporter une vague d’eau.

Si on sait que suite aux évènements de Fukushima,

  1. le suivi médical des populations par des spécialistes n’a pas montré d’élévations des cancers et n’en laisse pas prévoir dans le futur (voir :  https://www.unscear.org/unscear/en/publications/2020b.html )
  2. des calculs de réduction de l’espérance de vie pour un habitant de Paris à cause de la pollution atmosphérique est de l’ordre de 6 mois, alors que celle de quelqu’un qui n’aurait pas été évacué de la zone contaminée autour de Fukushima serait bien inférieure
  3. bien équipés, les réacteurs de Fukushima auraient relâché bien moins de radioactivité
  4. aucun réacteur occidental n’a jamais contaminé son environnement

la crainte des conséquences d’un accident de réacteurs sont nettement surfaites.

On trouvera dans cet article récent de Jean-Marie Berniolles « Comment les débats exagérés sur la sécurité tuent l’énergie nucléaire européenne » une excellente analyse de la réalité en matière de sécurité des réacteurs, voir : https://www.europeanscientist.com/en/features/how-overblown-safety-debates-are-killing-european-nuclear-energy/

2.2 Et les déchets nucléaires ?

Je renvoie à cet article du ClubEnergie2051 :

https://clubenergie2051.ch/2015/02/13/dechets-nucleaires-est-il-vrai-quil-ny-a-pas-de-solution/

Non seulement les déchets nucléaires ont une solution, mais elle est efficace et peut être porteuse de solution pour des déchets encore plus difficiles à gérer, les déchets spéciaux.

Mais s’il y a un sujet sur lequel le biais médiatique est flagrant, c’est celui des déchets radioactifs. La seule information, qui revient très régulièrement, est : « Il n’y a pas de solutions pour les déchets radioactifs ».

Il faut remonter à plusieurs années pour avoir pu écouter sur la RTS une interview d’un spécialiste de la gestion des déchets expliquer quelle est la solution et pourquoi nous sommes protégés. Il s’agissait d’une interview réalisé par Sarah Dirren (dans CQFD?). Si au moins ceux qui critiquent la gestion des déchets expliquaient pourquoi la solution est mauvaise, ce serait déjà admettre qu’il en existe une, on pourrait débattre. Mais clore le débat avant de l’ouvrir, avec ce « Il n’y a pas de solution », c’est le degré zéro de l’information. De plus s’il y avait une bonne critique de la solution appliquée, les spécialistes seraient très intéressés : leur angoisse est toujours de n’avoir pas pensé à tout, la critique les intéresserait beaucoup. Paradoxe: la réalité est que la gestion des déchets radioactifs non seulement existe, mais elle est porteuse de solutions pour les déchets spéciaux. En effet l’objectif de sécurité pour les deux catégories de déchets est la séparation stricte des déchets de la biosphère. Si on fait des erreurs dans leur gestion, on provoque des contaminations de territoires. Depuis des dizaines d’années qu’on produit des déchets radioactifs stockés et surveillés en surface, en attente de l’enfouissement en dépôts souterrains, il n’y a pas eu de cas de contamination de la biosphère par de la radioactivité.

Par contre, les déchets spéciaux, qui sont aussi non recyclables, non diluables, non destructibles, mais dont la toxicité est chimique, et dont la durée de vie n’est pas longue, mais infinie, ont provoqué plusieurs contaminations. Un inventaire fédéral donne 38’000 sites contaminés en Suisse: pour 4’000 de ces sites la contamination s’étend dans les eaux souterraines ou de surface. Exemples connus: la décharge de Bonfol, le mercure de la Lonza à Viège et récemment la dioxine dans certains terrains lausannois. Voir le dossier de la Confédération : https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/sites-contamines/en-bref.html

2.3  Quatre études récentes confirment à la fois l’utilité du nucléaire pour la sécurité d’approvisionnement en électricité et la maîtrise réussie des risques.

La 1ère étude est celle de l’association citoyenne « Voix du nucléaire » intitulée : «Nucléaire: un bilan positif à mettre en lumière ». Voir :   https://www.voix-du-nucleaire.org/nucleaire-un-bilan-positif-a-mettre-en-lumiere/  Cette association compte beaucoup de professionnels du nucléaire qui ont une connaissance du terrain.

Extrait :

« Nous comptons mettre en lumière la discrimination de traitement dont fait l’objet le nucléaire, contraire aux intérêts des français. 

Nous voulons encourager tous ceux qui voudraient peser sur les décisions en cours au niveau de l’Union Européenne qui menacent la plus importante source d’énergie bas carbone du continent, et la seule, avec l’hydroélectricité, à même d’entraîner la fermeture de capacités fossiles et d’éviter l’importation massive d’équipements et de matières premières. »

L’autre étude remarquable par sa qualité de l’analyse scientifique est celle de l’Académie française des Sciences qui a fait l’objet :

d’un Communiqué de presse:

https://www.academie-sciences.fr/fr/Communiques-de-presse/communique-de-presse-apport-energie-nucleaire-transition-energetique.html

d’un Avis de l’Académie:

L’apport de l’énergie nucléaire dans la transition énergétique, aujourd’hui et demain – Avis de l’Académie des sciences du 14 juin 2021 (academie-sciences.fr)

d’un Rapport de l’Académie:

https://www.academie-sciences.fr/pdf/rapport/210614_rapport_nucleaire.pdf

Extrait :

« Face à l’urgence du réchauffement climatique, la France doit opérer dans les années à venir une transition énergétique, qui devra réduire sa dépendance aux combustibles fossiles (charbon et le pétrole, gaz) et augmenter sa part des sources d’énergie bas-carbone. Cette transition augmentera massivement la part de l’électricité dans sa production et sa consommation énergétique.

Elle y préconise de maintenir une forte capacité électronucléaire, seule énergie décarbonée à même de répondre à trois contraintes qu’elle identifie comme majeures : la nécessité de pouvoir produire, en fonction des fluctuations de la demande, une électricité mobilisable, assurer la stabilité du réseau électrique, et garantir à la France un degré d’indépendance énergétique satisfaisant. »

Cette étude de l’Académie française est pratiquement passée inaperçue dans les médias.

Il y a ensuite cette prise de position avec une certaine répercussion médiatique de Michael Schellenberg dans Le Matin-Dimanche du 30-05-2021 et dans 24H du 2-06-2021: « On fera face au climat avec du calme et du nucléaire », voir : https://www.24heures.ch/on-fera-face-au-climat-sans-alarmisme-et-avec-du-nucleaire-728332931857 . Peu connu en Europe, Michael Schellenberg est une figure médiatique aux États-Unis. Militant écologiste, expert en énergie, journaliste et auteur de best-sellers, il déplore que le changement climatique soit si polarisé entre ceux qui le nient et ceux qui l’exagèrent. Défenseur de l’énergie nucléaire il se revendique d’un courant dit « écomoderniste ».

Extrait : « L’alarmisme est mauvais pour trois raisons: cela contribue à l’anxiété et à des dépressions, en particulier chez les jeunes, cela provoque l’arrêt de centrales nucléaires dans des pays développés – ce qui est un non-sens climatique – et cela sert de justification pour freiner le développement dans certains pays pauvres en limitant leur indépendance énergétique, le passage à une agriculture moderne et l’avènement de l’industrie dont ils ont besoin. »

Il faut signaler la toute récente publication de la SPS (SPS Swiss Physical Society, ou SSP Société Suisse de Physique) qui inaugure une nouvelle série SPS Focus et ,dans son no 1 de juillet 2021 présente, un dossier Nuclear Energy Generation (https://www.sps.ch/fileadmin/doc/Focus/Focus.1_Web.pdf ). Reconnaissant le rôle utile que pourrait et devrait encore jouer le nucléaire, la SPS fait le point sur l’état et les perspectives de développement des technologies de la fission (Uranium et Thorium), de la surgénération et de la fusion. Les questions de sécurité et de déchets sont ouvertement discutées.

Extrait : « Notre motivation en tant que société nationale de physique est de montrer que la fission n’est pas le produit obsolète de deux générations avant la nôtre et que la fusion n’est la technologie de plusieurs générations après le nôtre, et donc que la fusion n’est pas une utopie. La fission et la fusion sont toutes les deux basées sur une compréhension physique profonde des processus impliqués et sont donc des candidates sérieuses au partage de la production de l’électricité de demain.

Enfin, en complément à cette étude de la SPS, il faut signaler cette prise de position de l’OPCST (Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques) français qui dénonce l’abandon politique par le gouvernement français de la recherche sur la surgénération :

« …en décidant en catimini il y a deux ans, à l’été 2019, d’abandonner le projet de recherche sur les réacteurs nucléaires de quatrième génération (projet Astrid), le gouvernement et le Président de la République, ont pris une décision désastreuse. Elle déclasse de fait le nucléaire français, porte un coup à la souveraineté énergétique du pays, renonce à soixante années de recherches et tourne le dos à un moyen technologique de régler le problème des déchets nucléaires. »

Cette prise de position est à lire sur :  https://www.transitionsenergies.com/parlementaires-denoncent-abandon-france-reacteurs-nucleaires-neutrons-rapides/

  • Attitude antinucléaire de milieux dont on pourrait attendre plus de lucidité, plus d’objectivité scientifique et plus de courage.

Des voix de plus en plus nombreuses et bien informées reconnaissent donc l’utilité, voire la nécessité, et la maîtrise des risques qu’offre le nucléaire.

Mais que de voix mal informées, même de haut niveau scientifique ou politique, voire au sein de la branche électrique, continuent à répéter des clichés qui ne rendent pas compte de la réalité et qui entretiennent des peurs non justifiées.

Quelques exemples.

Stéphane Genoud, est professeur en management de l’énergie à la HES de Sierre. La RTS lui demandait si le nucléaire pouvait être bon pour réduire le CO2. Sa réponse :

« « Qui est capable d’accepter en Suisse de stocker des déchets nucléaires hautement radioactifs ? Quelle commune est prête à les prendre chez eux ? (…) sommes-nous prêts à prendre le risque de devoir évacuer complètement une ou plusieurs grandes villes suisses en cas d’accident majeur ? « Je pense que si on n’a pas réglé ces deux conditions-là, on doit oublier le nucléaire »

https://www.rts.ch/info/suisse/12310622-le-refus-de-la-loi-sur-le-co2-pourraitil-relancer-la-question-du-nucleaire-en-suisse.html

Martin Vetterli est président de l’EPFL. Il était l’invité de la RTS le matin du 9 mars 2021, pour les 10 ans de Fukushima. Il a eu d’abord une déclaration très positive, voire courageuse, en substance : « du point de vue de l’urgence climatique, le nucléaire est une alternative ». Mais ensuite Martin Vetterli, en substance regrette : « …le manque de transparence de l’industrie nucléaire en matière de sécurité et… l’absence de solution pour les déchets radioactifs »

https://www.rts.ch/play/radio/linvite-e-de-la-matinale/audio/linvite-de-la-matinale-martin-vetterli-president-de-lepfl?id=12013078

Un président de l’EPFL a des spécialistes à sa disposition. Il ne les a vraisemblablement pas consultés avant de faire ces déclarations.

Yves Zumwald est CEOde Swiisgrid, la société qui gère le réseau de transport électrique suisse. C’est le pendant de RTE en France. Comme RTE, Yves Zumwald craint une insuffisance d’approvisionnement en électricité : « La Suisse doit repenser à son mix de production électrique ». Il insiste même sur le renforcement de la capacité de production « pilotable ». Mais sur les solutions pratiques il se contente d’évoquer l’hydraulique et le gaz 

Simonetta Sommaruga est la Conseillère fédérale en charge de l’énergie et des infrastructures. Elle dispose des experts de l’OFEN (Office fédéral de l’Énergie).

Dans un commentaire au vitriol dans le Nebelspalter du 20-06-2021, Markus Somm analyse la défaite que Mme Sommaruga a subie avec le refus récent de la loi CO2. Il constate que cette politicienne qui s’est fait connaître dans le passé par son engagement pour la défense des consommateurs, et donc des revenus plutôt modestes, a abandonné ses protégés en défendant une loi qui ne pouvait être indolore que pour les classes aisées qui peuvent s’offrir une Tesla.

https://www.nebelspalter.ch/sommarugas-hof-liegt-in-truemmern-versailles-brennt-vom-niedergang-einer-politikerin

  • Au final : les arguments rationnels en faveur du nucléaire se renforcent, mais le blocage dogmatique de l’opposition sur l’analyse des réalités demeure.

Les spécialistes et professionnels du terrain qui connaissent le nucléaire sont clairs :  un bon usage vaut mieux qu’un refus aveugle. Ils expliquent avec des arguments solides pourquoi la sécurité est maîtrisable et (bien) maîtrisée.

Les responsables de la sécurité d’approvisionnement, s’ils ne sont pas unanimes sur les choix des moyens de production à préférer, soulignent l’impasse dans laquelle nous sommes engagés : la réduction des émissions de CO2 demande plus d’électricité et l’arrêt du nucléaire réduit considérablement la production, qui ne peut être compensée par l’éolien et le solaire.

Ce qui heurte dans l’opposition au nucléaire c’est son caractère dogmatique et idéologique. Le caractère dogmatique est manifeste par la nature inconditionnelle du refus. Pour ses opposants le nucléaire ne vaut pas la peine d’être analysé, il est tellement mauvais qu’il n’y a qu’un moyen de le rendre sûr, c’est de l’interdire. Les pronucléaires seraient eux aussi dogmatiques, si, par symétrie, leur acceptation du nucléaire était aussi inconditionnelle. En faire à tout prix vs. le refus à tout prix. Ce n’est pas le cas. L’acceptation du nucléaire est liée à des exigences de sécurité sévères et strictement surveillées. C’est dommage. Parce que si les opposants étaient venus avec une analyse de la sécurité et de ses normes, s’ils avaient identifié des faiblesses, les professionnels auraient été très intéressés d’écouter et de débattre. Parce que les professionnels ont une angoisse permanente, la question de savoir s’ils ont pensé à tout. Peut-être que les opposants, avec plus de recul, auraient pu découvrir des failles ignorées…Cette critique s’adresse aux responsables d’ONG antinucléaires. Elle ne s’adresse pas au citoyen qui a peur et dit non parce que désinformé.

Au-delà de l’élément dogmatique il y a semble-t-il aussi dans l’opposition au nucléaire un élément idéologique lié à l’écologie politique. L’écologie politique s’est construite après la chute du communisme sur l’idée que tous les mouvements politiques en -isme étaient mauvais : communisme, socialisme, capitalisme libéralisme… Mauvais parce que pilotés par l’homme. Avec cette idée complémentaire, que par essence la nature serait bonne et l’homme mauvais. L’écologie politique s’est donc identifiée avec un combat pour la nature et contre l’homme. Cette idée est probablement fausse, mais a beaucoup de succès. Le philosophe Luc-Ferry en a bien montré les contradictions en constatant que la nature est profondément injuste et immorale parce que la loi de la nature, c’est la loi de la jungle : le fort élimine le faible. Si l’homme avait aveuglément suivi la nature, il n’aurait pas développé l’aide sociale et la médecine : il aurait mis en place des procédures pour éliminer les faibles…

Voir : https://clubenergie2051.ch/2019/05/11/lecologie-politique-des-critiques-severes/

Un trilemme se confirme. Un trilemme est un dilemme à trois options, au lieu de deux. Un trilemme célèbre de l’histoire était celui du communisme, qui disait : il n’est pas possible d’être à la fois intelligent, honnête et communiste. Le trilemme du nucléaire est qu’on ne peut pas à la fois réduire les émissions de CO2, maintenir la prospérité et supprimer le nucléaire. Il y a une exigence de trop, reste à choisir laquelle…

Pour faire ce choix, en démocratie, il faudra encore améliorer l’information. D’excellentes analyses existent, dont certaines mentionnés dans article, mais elles sont souvent peu reprises par les médias. À cet égard le récent débat « Nucléaire le grand retour » sur RTS Forum lundi 26-07-2021 est très révélateur :  https://www.rts.ch/play/radio/forum/audio/le-grand-debat-nucleaire-le-grand-retour?id=12355347

Il y avait au micro Delphine Klopfenstein, conseillère nationale Verte genevoise, absolument contre le nucléaire, Manfred Bühler, vice-président de l’UDC Berne pour le nucléaire, et Stéphane Genoud, professeur en management de l’énergie à la HES-SO Valais qui cultivait ses doutes scientifiques (cité plus haut). Certes il y avait Manfred Bühler avec des arguments solides et il a bien défendu la cause du nucléaire. Mais il faut reconnaître qu’il n’y avait pas dans ce débat un vrai scientifique et professionnel avec une expérience réelle du terrain de la sécurité nucléaire, voire un professeur en fission nucléaire de nos écoles polytechnique. Il n’y avait pas non plus de représentant de l’économie électrique. C’est toujours ainsi. Je demande au lecteur profane, s’il se souvient-il avoir entendu ou vu une fois, depuis que le débat dure, un professionnel du terrain être interviewé, avec un nom et un visage ?

Ce n’est pas un détail. Il y a dans un débat de sécurité une question de confiance, c’est humain. Et la confiance n’est jamais dans la technique, elle est, éventuellement, dans les femmes et les hommes qui sont responsables de cette technique. Comment faire confiance dans une technique dont on ne voit jamais des visages ?

L’absence de la branche électrique dans le débat nucléaire est flagrante et grave. Pour illustrer, et comme cerise sur le gâteau de ce tour d’horizon des témoignages récents sur le nucléaire, notre brave AES (Association des Entreprises Electriques Suisses) a un siège à Lausanne qui veut promouvoir l’information sur le domaine électrique en Suisse Romande avec son Club Ravel. Thème de la prochaine séance d’information du 7 septembre prochain :

 «Démantèlement des centrales nucléaires et la reconversion des sites nucléaires ».

À cette occasion l’AES veut nous sensibiliser, selon les termes de son invitation aux « …défis de la reconversion des territoires postnucléaires à travers quelques cas concrets d’étude ».

Pas un mot sur l’option maintenant bien oubliée par l’AES selon laquelle il était prévu d’avoir sur les sites nucléarisés une ancienne centrale en démantèlement et une nouvelle centrale en activité. Le temps de démantèlement étant long, cela assurait sur le site la présence d’une équipe compétente de sécurité nucléaire, et une source de revenus. La branche a capitulé. Les causes seraient un motif intéressant pour une prochaine étude.

PS

Un dernier mot sur le principe de précaution. Il est souvent évoqué pour interdire des technologies à risques. Il est mal appliqué quand on interdit un produit ou une technique parce que le risque résiduel ne serait pas strictement zéro. La bonne application du principe de précaution consiste à comparer trois risques : le risque résiduel de la technique en question, le risque de ne rien faire ou le risque de faire autre chose…

Si l’homme, à la préhistoire avait appliqué de la mauvaise manière le principe de précaution, il aurait interdit le feu et nous n’aurions pas de civilisation.

JFD/28-07-2021

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8 commentaires pour Nucléaire : son utilité, voire sa nécessité, et sa maîtrise des risques de mieux en mieux reconnues. Mais l’opposition reste dogmatique et idéologique.

  1. Ping : Interview du prof EPFL L. Laloui « Il n’y a pas de problème de sécurité qui justifierait de se passer du nucléaire » | clubenergie2051.ch

  2. Merci pour cet article.

    Je pense qu’une manière démocratique et efficace d’avancer sur le sujet du nucléaire est de constituer des assemblées citoyennes tirées au sort disposant d’un temps suffisamment important pour rentrer dans le détail du sujet (et ne pas s’arrêter à la surface idéologique) ainsi que le contexte général dans lequel le nucléaire s’inscrit. Cela a notamment été réalisé en Corée du Sud pour 2 réacteurs de la centrale de Kori, où les citoyens ont décidé de continuer la construction de ces deux projets controversés.

    Vouloir informer l’ensemble des citoyens sur le nucléaire sans se frotter à l’aspect idéologique me semble très difficile (mais louable !). S’il n’y a pas un cadre officiel, peu de gens sont prêts à véritablement s’informer sur le sujet pour en comprendre tous les enjeux.

  3. Durussel André dit :

    Le long article de Jean-François Dupont est fort bien documenté et fait état de sources sûres et fiables, en pleine actualité, sans aucun aspect idéologique. Il serait encore plus percutant s’il était un peu plus court. Aura-t-il un impact auprès des non-informés (ou chez celles et ceux qui refusent de s’informer) ? Je le souhaite vivement !
    André Durussel, ancien opérateur à la Centrale nucléaire expérimentale de Lucens VD.

    • jf.dupont dit :

      Merci cher André, tu as complètement raison, c’est trop long. Sur cette question de la longueur il y a ce mot de Churchill à qui on demandait une conférence. Il posait la question quelle longueur vous souhaitez? si c’est une conférence de deux heures, je peux vous la faire dans un quart d’heure, mais si c’est une conférence d’un quart d’heure, il me faut deux semaines de préparation…
      Pire: très probablement ne vont lire cet article que ceux qui ont déjà compris.

      • Damien Berlie dit :

        Bonjour,

        Merci pour ces articles pragmatiques et fondés. Je crains hélas que la population en général ne retient que les positions tranchées et argumentées en 10 secondes ou 10 lignes, d’où une polarisation (croissante?) sur ce sujet d’importance…

  4. Laurenz Hüsler dit :

    Merci pour cette analyse.

  5. Ping : Nucléaire : son utilité, voire sa nécessité, et sa maîtrise des risques de mieux en mieux reconnues. Mais l’opposition reste dogmatique et idéologique. – Cri Voix Des Victimes

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