« Perspectives énergétiques 2050+ » : combien d’installations de Grande Dixence et de Nant de Drance seront-elles nécessaires ?

Les lacs du Vieux-Emosson (2’255 m, 25 millions de m³) et d’Emosson (1’930 m, 227 millions de m³).

Une récente émission TV a présenté la flambant neuve centrale de pompage-turbinage de Nant de Drance, construite dès 2008 et mise en service cette année 2022, pour un coût de 2,1 milliards de francs. La colonne d’eau est de 425 m, la centrale étant située même 100 m plus bas que le niveau du lac inférieur. Sa puissance est de 900 MW et sa capacité de stockage est de 20 GWh, ce qui signifie que, en 20 heures, le lac supérieur de Vieux-Emosson serait turbiné pour produire 18 GWh (donc avec un rendement de près de 90%). En faisant l’opération environ tous les 3 jours, sur l’année la consommation brute serait de 2,5 TWh et la production nette de 2,1 TWh. Ici, pour assurer la rentabilité, tout l’art consiste à pomper grâce à de l’énergie disponible à bas prix et à turbiner et revendre de l’énergie à un prix plus élevé. En comparaison, tout le complexe de la Grande-Dixence (GD), soit 400 millions de m³, représente une puissance de 2 GW et une capacité de production de 2 TWh sur l’année, et là tout serait turbiné en 1’000 heures, soit 42 jours non-stop.

Essayons d’estimer les besoins en centrales de pompage-turbinage que nécessiterait la mise en œuvre de la « Stratégie énergétique 2050 », complétée par les « Perspectives énergétiques 2050+ », de la Confédération, en vue d’un stockage saisonnier de surplus de production estivale par des sources d’énergie renouvelables (REN) pour un report sur le semestre hivernal.

Selon les « Perspectives énergétiques 2050+ » :
– L’éolien prévu produirait 4,3 TWh sur l’année (soit 2,7 GWc, soit 455 grandes machines de 6 MWc, avec en moyenne 18% de facteur de charge), dont 1/3 produit en été, soit 1,4 TWh, et 2/3 produit en hiver, soit 2,9 TWh.
– Le photovoltaïque prévu (soit 35 GWc, ou 200 km², avec en moyenne 11% de facteur de charge) produirait 33,6 TWh, dont 70% en été, soit 23,5 TWh, et 30% en hiver, soit 10,1 TWh.
– Les autres REN prévues feraient encore 2,2 TWh pour la biomasse et 2 TWh pour la géothermie, réparties sur toute l’année, soit encore 2,1 TWh en été et autant en hiver.
– Au total, toutes les REN prévues produiraient 42,1 TWh sur l’année, dont 27 TWh en été et 15,1 TWh en hiver.
– L’hydraulique classique produit à 55% en été et 45% en hiver ; sur un total prévu de 44,7 TWh, cela ferait 24,6 TWh en été et 20,1 TWh en hiver.

En résumé, la production totale prévue en 2050 serait de 86,8 TWh, dont 51,6 TWh en été et 35,2 TWh en hiver.

On met en général en évidence la production annuelle (soit cumulée au 31 décembre !) que l’on compare à la demande de consommation annuelle. Mais il y a le quotidien, qui va demander un stockage journalier jour/nuit, de l’ordre de 100 à 200 GWh chaque jour, auquel peuvent répondre des installations de pompage-turbinage du type de Nant de Drance, et il y a surtout le besoin de stockage saisonnier été/hiver pour stocker les surplus de production estivale, de l’ordre de 10 à 20 TWh, comme on va le voir ci-dessous, pour les retrouver durant le semestre d’hiver dont la demande de consommation est supérieure à celle du semestre d’été alors que la production est bien inférieure.

En 2050, avec plus de 10 millions d’habitants, un parc de véhicules électriques (VEL) et avec des pompes à chaleur (PAC) pour le chauffage, la demande totale de consommation brute prévue ne sera plus des 62 TWh actuels (chiffre de 2019, pertes de réseaux comprises), dont 28 TWh consommés en été et 34 TWh consommés en hiver, mais, selon les «Perspectives énergétiques 2050+», de près de 85 TWh (chiffre prévu pour 2050, pertes comprises), dont au mieux 45%, soit 38 TWh, en été, et 55%, soit 47 TWh, en hiver, voire, de façon plus réaliste, 40%, soit 34 TWh, en été, et 60%, soit 51 TWh, en hiver, une valeur plus élevée principalement due aux PAC.

En été, on voit par soustraction, qu’il y aurait un excès de production de 13,6 à 17,6 TWh, à stocker en été pour pouvoir en restituer en hiver (avec 80% de rendement) 10,9 à 14,1 TWh, soit l’équivalent de 5,5 à 7 Grandes-Dixences.
En hiver, il y aurait un manque de -11,8 à -15,8 TWh qui serait à trouver dans un stock à créer de 14,8 à 19,8 TWh, soit 7,5 à 10 GD.

En conclusion, le surplus d’été, qui permettrait de stocker l’équivalent de «seulement» 5,5 à 7 GD, n’arrivera tout juste pas à couvrir la demande d’hiver qui serait de 7,5 à 10 GD.

Le problème subsidiaire, et pourtant de taille, reste de savoir où l’on pourrait bien trouver des emplacements pour installer ces nouvelles installations de stockage ?

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2 commentaires pour « Perspectives énergétiques 2050+ » : combien d’installations de Grande Dixence et de Nant de Drance seront-elles nécessaires ?

  1. Laurenz Hüsler dit :

    Les 86,8 TWh estimés par la « Stratégie énergétique 2050 » sont de l’optimisme. On consomme 60 TWh actuellement et on doit remplacer 180 TWh de mobilité et chaleur. Remplacées par l’électricité, on peut s’attendre à 60 TWh additionnels.

    • Christophe de Reyff dit :

      Je crois que vous omettez de tenir compte 1° que les véhicules électriques (VEL) ont des moteurs électriques à plus de 90% de rendement et 2° que les pompes à chaleur (PAC) ont des coefficients de performance (COP) d’au moins 3. Vous avez pris là les valeurs actuelles des agents fossiles, en énergie thermique. De fait pour 4 millions de VEL on compterait 12 à 13 TWh en plus et pour 2 millions de PAC supplémentaires probablement encore une fois autant. Je vous recommande de regarder les tableaux du document « Perspectives énergétiques 2050+ », en particulier à la p. 34.

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