La France connaîssait depuis longtemps en matière d’électricité une situation triplement enviable :

• Abondance
• Prix de revient le plus bas d’Europe
• Emissions de CO2 les plus faibles d’Europe

Et pourtant, renversement brutal de situation illustré par le fait que cet hiver, la France a vécu une menace de pénurie, l’imposition restrictions de consommations et de confort, des prix en hausses incontrôlées et des émissions de CO2 en hausse aussi. Les commentateurs ont parlé de perte de souveraineté, voire de débâcle de l’électricité.

Que s’est-il passé ? Pour le savoir, l’Assemblée Nationale a lancé une enquête parlementaire sous la présidence du député Raphaël Schellenberger. Après deux ans de travaux le rapport final vient d’être publié le 30 mars 2023.

Les conclusions sont percutantes, elles méritent d’être mieux comprises en Suisse. Ce n’est pas l’effet court terme de la guerre en Ukraine. C’est l’effet d’une longue dérive politique qui s’est éloignée par idéologie, des réalités techniques.

Éclairage.

L’enquête s’est basée sur l’audition de nombreux experts de la science, de la recherche, de l’industrie et de l’administration. Un grand nombre de ces auditions sont disponibles sous forme de vidéos accessibles sur le site de l’Assemblée Nationale et sur YouTube. Les conclusions de cette enquête sont lucides, claires et sans complaisance, on appelle un chat, un chat : des erreurs – des divagations -politiques ont été accumulées depuis une trentaine d’année.

Les erreurs politiques sont attribuées à une certaine déconnexion entre les décisions politiques et la réalité technique et économique : l’idéologie l’a emporté sur la rationalité scientifique et a écarté les avis des experts compétents. En particulier :   

• le confort de l’abondance on fait oublier le caractère stratégique de la mère des industries : l’énergie
• le dogme antinucléaire de l’écologie politique s’est peu à peu imposé comme la clef de lecture des choix énergétiques plutôt que la souveraineté et l’urgence de la décarbonation.
• la société de communication (…) conduit à certaines dérives dans l’interprétation de la parole des scientifiques
• La rapidité à laquelle l’information circule est sans aucun doute la plus grande opportunité de notre siècle. Elle en est également son plus grand défi car les informations approximatives, incomplètes, voire fausses circulent à la même vitesse.

Le rapport complet

ENQUÊTE visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France

se trouve au lien : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/ceindener/l16b1028_rapport-enquete.pdf

C’est un pavé de 490 pages. Pour en faciliter l’accès :

1) des extraits de l’avant-propos du président de la commission M. Raphaël Schellenberger, voir : https://clubenergie2051.files.wordpress.com/2023/04/extraits-ass.-nationale-rapport-souverainete-energetique-30-03-2023.docx

Une anecdote savoureuse dans ces extraits mérite le détour (voir sous p.21) à propos d’une audition d’une anthropologue de l’énergie qui devait éclairer le fonctionnement de la société.

2) une brève interview de ce même président sur :France 5 / C dans l’air : https://www.youtube.com/watch?v=evyssJMK-_8

3) Un résumé très compact du rapport, résumé intitulé : La commission d’enquête parlementaire sur le nucléaire dénonce trente ans «de divagation politique» (Publié par la revue en ligne transitionsenergies.com): https://clubenergie2051.files.wordpress.com/2023/04/transitionsenergies.com-la-commission-denquete-parlementaire-sur-le-nucleaire-denonce-trente-ans-de-divagation-politique-7-04-2023.pdf

Ce rapport d’enquête de l’Assemblée Nationale confirme notre analyse du 30-01-2023, sur  ce site, selon laquelle la politique ignore les « calculs d’ingénieurs »,:

« Électricité : le point sur une situation difficile »
https://clubenergie2051.ch/2023/01/30/electricite-le-point-sur-une-situation-difficile/

À noter encore, cette analyse de Mme Annalisa Morena, publiée après notre article. Mme Annalisa Morena, professeur de génie nucléaire à l’EPFZ, a présenté le 27 mars dernier au Landesmuseum de Zürich lors de l’Assemblée générale du Energie Club Schweiz des perspectives d’utilisation et de développement du nucléaire.

Sa recommandation :

« …sur les tenants et aboutissants de la sécurité de l’approvisionnement en électricité dans une Suisse qui vise à devenir climatiquement neutre, la conclusion de son exposé est sans appel : si l’on veut vraiment remplacer les sources d’énergie fossiles sans s’exposer à des dommages importants pour l’environnement, l’économie et la société, on ne peut pas renoncer à de nouvelles centrales nucléaires. »

Son exposé (en Allemand) : https://clubenergie2051.files.wordpress.com/2023/04/expose-annalisa-manera_landesmuseum-ecs-27-03-2023.pdf

Au final:

la croyance qui tourne en boucle selon laquelle « il suffit essentiellement d’économiser et de développer les énergies renouvelables » est, selon l’enquête de l’Assemblée Nationale, précisément la cause des problèmes de pénurie, de prix élevés et de hausse des émissions de CO2 subis en France.

JFD / 11-04-2023

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